LE RISQUE épidémique souvent évoqué et objet de débats (en 2005 une audition publique a eu lieu sur ce thème à l'Assemblée nationale). Cependant, «peu d'études de terrain ont été réalisées en France auprès de la population», soulignent les auteurs d'une enquête publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (n° 34). Les résultats obtenus à partir d'un échantillon de 600 adultes de plus de 18 ans habitant la région Rhône-Alpes offrent quelques surprises et des pistes de réflexion pour les décideurs et les professionnels de santé.
Il s'agissait d'évaluer l'opinion de la population face au risque épidémique, avec une attention particulière portée à la grippe aviaire. La région Rhône-Alpes présente de ce point de vue quelques singularités : elle est désormais un pôle mondial de référence dans le domaine de la biotechnologie, des vaccins et des maladies infectieuses ; le laboratoire P4 qu'elle abrite joue un rôle clé dans le système de surveillance et d'alerte des épidémies coordonné par l'OMS. En février 2006, un exercice régional de préparation à la pandémie s'est d'ailleurs déroulé à Lyon.
L'enquête a été réalisée par téléphone (fixe et mobile) entre le 27 juin et le 5 juillet 2006. «Contrairement à notre attente, les épidémies ne sont pas perçues comme une menace majeure pour la population d'étude. La confiance dans le système de santé et le fait que les épidémies peuvent être contrôlées pourraient être à l'origine des résultats observés», notent les investigateurs. Le cancer est le premier risque cité par les personnes interrogées (74 %), avant les effets de la pollution sur la santé (62 %), le chômage (50 %) et le terrorisme. Les épidémies arrivent en dernière position, avec seulement 27 % des sujets qui les perçoivent comme un risque réel.
Sida et maladies nosocomiales.
Parmi les autres hypothèses qui pourraient expliquer les résultats, les auteurs évoquent l'attitude de fatalité, voire d'impuissance, ou l'éloignement géographique des épidémies qui font la une des journaux. En revanche, le faible niveau de connaissance ne semble pas en cause, en particulier en ce qui concerne la grippe aviaire. Plus de 90 % des personnes interrogées déclarent être bien informées sur le sida, la grippe aviaire (75 %), les méningites (68 %), les hépatites virales (56 %) et les infections nosocomiales. Le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) est la maladie la moins connue (40 %).
Les maladies qui suscitent le plus d'inquiétude sont les infections nosocomiales (63 % des personnes interrogées), le sida (61 %), les méningites ou les hépatites virales. Avec respectivement 42 % et 39 % de sujets inquiets, le Sras et la grippe aviaire sont une source moindre de préoccupation. Les jeunes se déclarent plus soucieux mais aussi plus informés sur la question du sida alors que les plus âgés s'inquiètent et s'informent davantage à propos des infections nosocomiales.
Lorsqu'ils sont spécifiquement interrogés sur la grippe aviaire, les participants (88 %) déclarent bien la connaître. Leurs réponses sur le mode de transmission, les comportements au moment de l'apparition de la maladie dans certains élevages de volaille en France semblent l'attester : 81 % estiment que le contact avec de la volaille contaminée est le moyen de se faire infecter, et la grande majorité (76 %), que la consommation de volaille ou d'oeufs ne constitue pas un mode de contamination. En revanche, les avis sont moins clairs quant à une transmission possible par contacts étroits avec des personnes contaminées : 37 % estiment qu'une transmission interhumaine est possible (49 % expriment l'opinion inverse).
Ils sont peu nombreux à avoir changé de comportement lors de l'épizootie de grippe aviaire, les femmes plus que les hommes : arrêt de la consommation de volaille (20 %), pays à risque évités pour les voyages (19 %), de même que les lieux comme les fermes ou les parcs zoologiques (17 %). Seulement 5 % des personnes de l'enquête ont consulté un médecin et 4 % ont acheté des médicaments antigrippaux (4 %) en 2005.
Comportement citoyen.
Dans l'hypothèse de survenue d'une infection hautement contagieuse, la quasi-totalité des sujets accepterait de suivre les consignes et même d'être en quarantaine si nécessaire. Un «comportement citoyen» qui suggère que «les pouvoirs publics peuvent s'attendre à une réaction majoritairement responsable de la population et à une réelle collaboration», estiment les auteurs. Toutefois, précisent-ils, «aucune assurance n'existe sur la stabilité de la confiance collective». Et si un événement majeur se produisait, la crainte et les angoisses pourraient s'accroître de manière exponentielle ; une peur panique pourrait succéder à une relative sérénité sans stade intermédiaire.
D'autres études régionales et nationales seront nécessaires pour avoir une vision plus large de la perception du risque épidémique dans la population française. Un autre point de l'enquête mérite sans doute d'être souligné : si la population est relativement bien informée, la confiance accordée aux différentes sources d'information est variable : très grande lorsqu'il s'agit des médecins traitants (97 %) et des scientifiques (89 %), elle est plus réservée envers les pouvoirs publics et les élus (68 %). Quant aux médias, la suspicion à leur égard est forte. Seulement 10 % des personnes interrogées leur font confiance.
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