« Il n'y a pas d'âge pour prévenir, affirme le Pr Louis Guize (président du centre IPC, chef du service de cardiologie à l'hôpital européen Georges-Pompidou). Même à 85 ans, la prévention est pertinente. »
Cette conviction est aujourd'hui étayée par les premiers résultats d'une étude, « Facteurs de risque cardio-vasculaire et longévité au-delà de 80 ans », présentée lors d'une conférence-débat organisée par Agrica (groupe associant plusieurs caisses de régime de retraite complémentaire destinés aux salariés agricoles) par le Pr Athanase Bénétos (directeur de la recherche au centre IPC).
Jusqu'à présent, la plupart des travaux sur les facteurs de risques pour les principales pathologies (cardio-vasculaire ou cancer) ont privilégié le sujet d'âge moyen. En revanche, pour ce qui concerne la survie à un âge avancé dans une population de plus de 60 ans, de nombreuses questions subsistent, en particulier sur les facteurs susceptibles de la favoriser. Le but de l'étude réalisée sur une cohorte de jeunes retraités âgés de moins de 70 ans a été précisément de déterminer si certains paramètres cardio-vasculaires pouvaient être prédictifs d'une longévité plus grande.
Elle a porté sur les données cliniques et biologiques recueillies lors d'un bilan de santé pour des patients âgés de 60 à 70 ans qui ont consulté le centre IPC (Investigations préventives et cliniques, Paris), entre 1972 et 1988. Ce centre, conventionné par l'assurance-maladie, dispose de plus de 600 000 dossiers de patients avec, pour chacun, plus de 600 paramètres enregistrés. N'ont été inclus, pour cette étude, que les retraités, qui, en 1997, pouvaient atteindre l'âge de 80 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes, et dont le statut vital était connu à cette date (données INSEE).
Au total, 7 476 retraités (5 014 hommes et 2 462 femmes) ont été inclus. Cette proportion, deux tiers d'hommes pour un tiers de femmes, est représentative de la population des salariés qui consultent au centre.
Les données des patients ayant survécu au-delà de l'âge de 80 ans pour les hommes (3 681) et de 85 ans pour les femmes (1 919) ont été comparées à celles recueillies pour les hommes décédés avant 80 ans (1 333) et les femmes décédées avant 85 ans (543). Une analyse multivariée après ajustement aux autres facteurs révèle que certaines caractéristiques cliniques sont significativement associées au statut vital au-delà de 80 ans.
Chez l'homme, ce sont surtout : la pression artérielle systolique (PAS), la fréquence cardiaque (FC), l'activité physique, le VEMS (volume expiratoire maximal) et la consommation de vin. Le cholestérol et le tabac n'apparaissent pas comme des facteurs déterminants. « Sans doute, parce que ce sont des facteurs de risque très important chez les plus jeunes et que, après élimination, ils n'apparaissent plus. De plus, une alcoolisation chronique abaisse de manière artificielle la cholestérolémie », note le Pr Louis de Guize. Chez la femme, la PAS, l'activité physique, le VEMS et le surpoids sont les facteurs les plus significatifs associés à la survie à 85 ans. A un moindre degré apparaissent la glycémie et le taux de cholestérol.
« Le VEMS est un paramètre très puissant dans les deux sexes. Sans doute est-il un reflet du bon état général, de l'activité physique et de l'absence de bronchopathie », commente le Pr Guize.
Au total, chez le jeune retraité, on peut dire que « la pratique d'une activité physique augmente de 45 % la probabilité de dépasser l'âge de 80 ans ». Et que, à l'inverse, chaque fois que la PAS s'élève à + 10 mmHg, on perd 10 % de chances de dépasser l'âge de 80 ans chez l'homme et de 85 ans chez la femme.
Chez l'homme, une fréquence cardiaque supérieure à 80 battements par minute au repos grève de 20 % la possibilité de survie chez l'homme.
Ces résultats sont encourageants, car les facteurs mis en évidence sont accessibles à la prévention. « Surtout, note encore le Pr Guize , le cumul des facteurs de risque a un effet péjoratif, plus marqué chez l'homme. Lorsqu'un seul facteur est présent, la probabilité de dépasser l'âge de 80 ans est de 85 %, avec quatre facteurs, cette probabilité est de 40-45 %. »
Le maintien d'une activité physique adaptée à l'âge (marche prolongée rapide) paraît dès lors très important, car il permet de lutter contre plusieurs facteurs à la fois.
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