L’ÉTIQUETTE d’opéra « politique » colle bien à la peau de « Simon Boccanegra ». Il s’agit en fait d’un grand mélodrame historique dont Verdi raffolait et qui a, certes, des prolongements politiques, mais n’est pas plus un opéra politique que « Les Lombards », racontant un épisode des croisades, n’est un opéra religieux !
A Paris, on a fait appel à Johan Simons, directeur artistique du Théâtre municipal de Gand et nouveau venu au monde de l’opéra. Ce metteur en scène est connu en France pour avoir monté une version scénique des « Damnés » de Visconti au Festival d’Avignon en 2004.
On ne peut pas lui reprocher de montrer sur scène un meeting politique pour une fois qu’il existe vraiment dans le livret, des personnages en costards et treillis et de n’avoir évoqué la mer – qui envahit la musique de Verdi dans cet opéra dont les deux parties se situent dans la très maritime Gênes au XIVe siècle – qu’au moyen d’un rideau lamé argent qui tient lieu de décor, puisqu’il est de mode et de dictature de ne plus aller à l’opéra pour rêver. Tout au plus peut-on le reprocher à ceux qui les ont engagés, lui et son décorateur Bert Neumann, probablement à grands frais pour un résultat qu’aurait obtenu en mieux un simple régisseur routinier. Et puis, montrer l’aspect mafieux de « Simon Boccanegra », cela sent le réchauffé : Mathias Langhoff l’a fait avec plus de talent à Francfort en 1993. Beaucoup de bruit pour rien donc, mais il restera de ce « Boccanegra » le souvenir d’une excellente distribution : formidable ensemble de voix graves avec le Simon de Carlos Alvarez, le Jacopo de Ferrucio Furlanetto et le Paolo de Franck Ferrari. Le ténor Stefano Secco (Gabriele) ne déméritait pas face à toutes ces noirceurs et Ana María Martinez (Amelia) avait à la fois les moyens et le timbre si rare qui convient à cette héroïne verdienne. Sylvain Cambreling a dirigé avec un rien de froideur mais une très bonne tenue dramatique cette partition dont il a une grande expérience.
Un travail théâtral.
A Amsterdam, c’est à l’Allemand Peter Musbach, Intendant du Staatsoper de Berlin, qui n’en est pas à sa première mise en scène lyrique, que l’on a confié « Boccanegra ». Même si les choix esthétiques de ses collaborateurs, Erich Wonder pour un décor unique très statique et gris et Andrea Schmidt-Futterer pour des costumes de toutes époques et qui pourraient aussi bien venir du marché aux puces voisinant le Muziektheter, on assiste à un travail théâtral avec une direction d’acteurs très fouillée. Musbach semble avoir travaillé avec l’idée de l’action vue comme un songe par le vieux Doge avant de mourir.
Tout est parfaitement cohérent pour qui aura compris dans cette action déjà passablement embrouillée que la première Maria, celle du Prologue, que Boccanegra a aimée, ainsi que sa petite fille, la Maria qui a grandi , reviennent au cours de l’opéra hanter, comme un spectre, la mémoire des protagonistes. Si la distribution réunie à Amsterdam comporte moins de grandes individualités que celle de Paris, elle forme cependant un ensemble plus cohérent. Le Fiesco de Roberto Scandiuzzi domine avec une voix formidablement timbrée et puissante, la Maria de la Chilienne Angela Marambio possède aussi une grande voix claire et projetant bien, idéale pour ce rôle de soprano verdien. Révélation aussi sur cette scène d’un jeune ténor mexicain, Alfredo Portilla, voix à la projection plus réduite mais merveilleusement musicale chez un acteur très investi dans le rôle de Gabriele Adorno. C’est le baryton polonais Andrzej Dobber qui incarnait le rôle-titre avec beaucoup d’autorité et d’émotion.
Dans la fosse, c’est Ingo Metzmacher, chef en titre du Nederlandse Opera, qui dirigeait de façon très romantique le superbe Rotterdam Philharmonic Orchestra.
Opéra de Paris : 0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochain spectacle : « L’Élixir d’amour » de Donizetti (mise en scène Laurent Pelly) du 30 mai au 15 juillet.
Der Nederlandse Oper. Muziektheater Amsterdam : + 31.20.625.54.55 et www.dno.nl. Prochain spectacle : « Lady Macbeth de Mzenk » de Chostakovitch du 3 juin au 2 juillet.
La saison 2006-2007 à l’Opéra néerlandais
L’événement de la prochaine saison du DNO sera à coup sûr la réalisation de la Trilogie Mozart – Da Ponte sous la direction musicale d’Ingo Metzmacher. On pourra voir les trois opéras mis en scène par Jossi Wieler et Sergio Morabito entre novembre et janvier. Parmi les nouvelles productions : « Tannhauser » de Wagner, « Hercules » de Haendel mis en scène par Luc Bondy (coproduit avec Paris et Aix), « Die Gezeichneten » de Franz Schreker, « Wagner Dream » de Jonathan Harvey, « Doctor Atomic » de John Adam en première européenne. Reprises de « Capriccio » de Richard Strauss, « Madama Butterfly » de Puccini (Robert Wilson).
Renseignements : + 31.20.625.54.55 et www.dno.nl.
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