SI L'ATMOSPHÈRE environnant les piscines chauffées ne contenait que du chlore, le seul risque pour les personnes de ces établissements serait une majoration de la fréquence des crises d'asthme pour les plus sensibilisées. Mais le danger le plus important semble venir d'autres particules en suspension dans l'air : les chloramines et leurs dérivés. Ces substances volatiles résultent de la combinaison détonante entre l'hypochlorite et l'ammoniaque ou les composés ammoniaqués qui existent dans la salive, les urines et la sueur. Un travail publié en 2005 (« le Quotidien » n° 7839 du 9 novembre 2005) suggérait que passer douze minutes dans un Jacuzzi pouvait faire baisser de 20 % le Vems de patients asthmatiques traités par corticoïdes inhalés et bêta-agonistes.
Mais les utilisateurs de Jacuzzi asthmatiques ne sont pas les seuls à souffrir du contact avec les chloramines. D'après un travail néerlandais publié dans l' « European Respiratory Journal », l'ensemble des employés des piscines, et en particulier les maîtres nageurs, présenterait aussi une majoration du risque d'asthme ou de troubles respiratoires.
La plus volatile des chloramines.
L'équipe du Dr José Jacob a procédé, dans six piscines, à une mesure de la concentration en trichloramine, la plus volatile des chloramines et un puissant irritant des yeux et des voies respiratoires. Au total, 119 échantillons d'air ont été analysés afin de déterminer les concentrations en toxiques et ses résultats ont été extrapolés à un total de 32 bassins. Le personnel de ces différents établissements – soit 624 personnes au total – a répondu à un questionnaire de santé précisant l'éventuelle existence de symptômes respiratoires ou naso-pharyngés. Les personnes travaillant à la réception, en restauration et les administratifs ont constitué la population témoin puisque, du fait de la particularité de leur travail, ils sont peu exposés aux vapeurs de trichloramine.
Les maîtres nageurs souffrent 2,4 fois plus souvent de sinusite, 3,4 fois plus de rhume chronique et 2,4 fois plus de douleurs de la gorge que la population générale. Les autres collaborateurs directement exposés à l'air des piscines ne sont pas épargnés : ceux qui cumulent des fonctions d'enseignement et de surveillant de baignade présentent eux aussi une majoration du risque de symptômes respiratoires, ainsi que des signes associés aux rhinites (nez qui coule, yeux qui pleurent…). Par ailleurs, les auteurs soulignent que, lorsque l'environnement est perçu par les employés comme défavorable – trop humide ou insuffisamment ventilé –, il s'y associe des manifestations respiratoires et allergiques. Pour le Dr Jacob, «la prévalence conjointe de plusieurs symptômes respiratoires et naso-pharyngés est statistiquement plus élevée chez les employés de piscine que dans la population générale. Ces personnes ont, par exemple, 2,6 plus souvent que les témoins des antécédents de crise d'asthme dans l'année précédente et leur risque de dyspnée est 7,2fois plus important». Dans ces conditions, les auteurs estiment que la qualité de l'air des piscines devrait désormais être réglementée, puisque les concentrations moyennes de trichloramine dans l'étude étaient de 1,34 mg/m3 contre 0,5 mg/ m3, considéré comme le seuil de confort.
« European Respiratory Journal », vol. 29, n° 4.
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