« Et la Nuit chante », de Jon Fosse

Mélancolies

Publié le 18/03/2003

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Théâtre

Si ce spectacle avait été donné dans la petite salle sans doute les comédiens n'auraient-ils pas à subir les rires idiots, les départs bruyants d'une certaine partie du public. Celle qui s'égare et ne comprend pas. Evidemment, Jon Fosse peut être difficile d'accès car son écriture prend les apparences du plus quotidien. L'auteur scrute le langage ordinaire et le réorganise musicalement en répétitions, suspens, reprises. C'est déroutant. Et puis, ce qui gêne les spectateurs, on le comprend, c'est ce qu'il y a de désespéré chez ces personnages...

Un jeune couple. Un bébé. Elle est en congé maternité. Il prétend écrire. Il s'enferme dans l'appartement. Elle n'en peut plus. Elle a besoin d'air. On découvrira à la fin qu'elle a trouvé consolation auprès d'un autre homme et que lui ne cesse d'essuyer refus sur refus des éditeurs. Des enfants, tous, plus que des adultes. D'ailleurs lorsque les parents paraissent (Geneviève Mnich empressée, empêtrée et Roger Van Hool, décalé, inadapté, magnifiques tous les deux) on se rend bien compte que personne n'a atteint une quelconque maturité ici. Chacun est un analphabète du cœur et c'est ce qui envenime toutes les relations.
Ces êtres qui se fourvoient, Frédéric Bélier-Garcia les saisit avec finesse. La traduction aérienne de Terje Sinding l'aide. Isabelle Carré est d'une finesse déchirante ; Samuel Jouy fait comprendre d'un geste, d'une intonation le désespoir impuissant de son personnage tandis qu'Eric Berger dessine avec tact le rival. Une belle proposition à écouter, à accepter. Elle est dérangeante et forte.

Théâtre du Rond-Point, grande salle, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h le dimanche. Relâche exceptionnelle le 30 mars. Durée : 1 h 45 sans entracte (01.44.95.98.00). Jusqu'au 6 avril. La traduction de Terje Sinding est publiée par L'Arche.

A. H.