LES SCIENCES PHYSIQUES vont bénéficier de toute une année pour reconquérir l'intérêt du public et notamment celui des jeunes étudiants qui ne cessent, depuis quelques années, de délaisser la filière. Alors que va se tenir, au siège de l'Unesco à Paris, du 13 au 15 janvier, la conférence inaugurale de l'année internationale de la physique*, le Cnrs, institut de recherche multidisciplinaire, consacre un dossier d'information très complet à la physique au quotidien, « Physiquement vôtre! »**. De quoi faire envie aux plus réfractaires. « Science en devenir plus que jamais transversale, la physique étudie aussi bien la matière vivante que la matière inerte. De l'astrophysique aux matériaux en passant par la biophysique, elle sert les nombreuses avancées de la vie moderne (composants électroniques, santé et médecine, agroalimentaire, technologies de l'information et de la communication, lasers, énergies, etc.) et participe au progrès du bien-être de tout un chacun » : les preuves ne manquent pas.
Machines à voir et à guérir.
L'alliance des sciences de l'atome et de la santé est ancienne. Dès la fin du XIXe siècle, la multiplication des appareils et des expériences faisant intervenir les rayons X va de pair avec leur utilisation médicale. « L'innovation technique a pour conséquence le développement d'une nouvelle spécialité, la radiologie, indique l'historien Jean-Paul Gaudillière, chercheur Inserm au Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (Cermes). Les machines à rayonnement, d'emblée machines à voir, sont aussi des machines à guérir le nouveau fléau des temps modernes, le cancer. »
Mathias Fink et son équipe du Laboratoire Ondes et acoustique (LOA), de l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, ont mis au point, dans le début des années 1990, le « miroir à retournement temporel des ondes acoustiques », dont une des premières applications a été un lithotriteur capable de détruire les calculs rénaux. « Le retournement temporel n'est possible que dans la mesure où l'évolution des ondes est un processus réversible, explique Mathias Fink. Après avoir rencontré un miroir à retournement temporel, une onde est réfléchie d'une manière très particulière : elle retrace pas à pas, en marche arrière, toutes les étapes de son parcours initial. Lorsqu'une personne prononce le mot "hello" , l'onde acoustique réfléchie par ce miroir renverra le son "olleh" uniquement à cette personne ». Le miroir est composé de réseaux de transducteurs piézoélectriques reliés à un appareillage électronique et informatique approprié. Chaque transducteur joue tour à tour le rôle de microphone ou de haut-parleur.
Dans une première phase, tous les transducteurs fonctionnent comme des microphones en captant les ondes acoustiques émises par une source et en les traduisant en signaux électriques. Dans une deuxième phase, ils fonctionnent comme des haut-parleurs en transformant ces signaux électriques en son. Ils réémettent alors ces signaux acoustiques vers la source dans une séquence inverse de celle qu'ils avaient captée. Ainsi, concernant les calculs rénaux, l'écho du calcul est retourné temporellement et amplifié pour détruire le calcul. « Aujourd'hui, les investigations dans le domaine médical s'intéressent à la thérapie du cerveau, poursuit Mathias Fink. Un miroir à retournement temporel formé de 300 transducteurs a été testé sur une vingtaine de brebis et a montré qu'il était possible de nécroser les tissus du cerveau à distance, à travers le crâne, avec une précision millimétrique. »
Stérilisation par plasma.
Le laboratoire de physique des gaz et des plasmas (faculté des sciences d'Orsay) s'intéresse, quant à lui, à la stérilisation du matériel médical. La technique de stérilisation en autoclave, principalement utilisée, ne convient toutefois pas aux objets en plastique, thermosensibles, aux endoscopes et aux appareils de dialyse notamment. Ces derniers sont traités avec des produits chimiques, ce qui n'est pas sans poser des problèmes de toxicité. De nouveaux procédés de décontamination sont donc nécessaires. Les physiciens du laboratoire étudient la stérilisation par plasma, une technique qui s'appuie sur la décharge électrique dans un gaz : en électrocutant un gaz, on en arrache des électrons. Il devient alors plasma. « Si on utilise un gaz comme l'azote, certains des atomes activés le restent pendant près d'une seconde. Avec l'énergie chimique qui leur est ainsi conférée, ils ont le pouvoir de détruire des microbes sur leur passage, explique le Pr Anne-Marie Pointu. Pour nettoyer un tube médical par exemple, nous injectons à l'entrée du tuyau l'azote sorti de la décharge. Il s'y écoule très vite. Et le temps que ses atomes se désactivent, il peut parcourir et désinfecter le tube sur plus de 10 mètres. » Le procédé est encore en phase de recherche. Avec l'aide de physico-chimistes et de biologistes, il pourrait offrir une alternative efficace, peu coûteuse, réalisable à température ambiante et non toxique aux techniques de stérilisation actuelles.
L'habitat intelligent pour la santé.
Autre domaine médical où la physique s'illustre : le maintien à domicile. Norbert Noury, ingénieur électronicien et physicien, et Vincent Rialle, informaticien cogniticien, du laboratoire Techniques de l'imagerie, de la modélisation et de la cognition de l'institut d'informatique et mathématiques appliquées de Grenoble, ont conçu un habitat intelligent pour la santé. A l'aide de capteurs disséminés dans la maison ou embarqués sur la personne suivie, un ensemble de données est relevé, traité et analysé localement par un système d'informations. Ces données sont ensuite relayées par un centre de télésurveillance et redistribuées soit à un médecin hospitalier, soit à un médecin traitant par exemple. La collecte des informations, physiologiques ou comportementales, permet, après traitement des signaux, d'établir une tendance comportementale du patient. En cas de déviation majeure par rapport à ce schéma ou de détection d'une chute, l'alerte est donnée au centre de télésurveillance. « L'intérêt de l'habitat intelligent pour la santé est aussi d'évaluer l'entrée en état de dépendance de la personne surveillée, souligne Norbert Noury. Et de se préparer au mieux à la nouvelle situation, soit en réservant une place dans une maison de retraite ou médicalisée, soit en organisant l'accueil dans une famille. » Un appartement pilote a été installé dans le laboratoire et permet de tester son fonctionnement. Il reste aux chercheurs à trouver des partenaires industriels pour développer leur projet.
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