Très critiquée sur sa méthode, le ministre de la Santé n'a pas tardé à réagir.
Les baisses de taux de remboursement de 616 médicaments, publiées au « Journal officiel » le week-end pascal, ce qui lui a valu une pleine bordée de critiques venues de toutes parts, ne sont, a-t-il aussitôt contre-attaqué, qu'une petite partie de la politique du médicament que le gouvernement veut mettre en place.
Et de confirmer aussitôt, comme le précise d'ailleurs la loi de financement de la Sécurité sociale 2003, que les premiers déremboursements des médicaments à Service médical rendu (SMR) insuffisant, c'est-à-dire dont l'efficacité a été réellement mise en cause par la commission de la Transparence, allaient commencer dès juillet 2003.
Par ces deux mesures, le gouvernement montre le chemin qu'il compte suivre : abaisser rapidement le montant de la facture du poste médicaments dans les dépenses d'assurance-maladie.
Et pour cela, il commence par mettre en application le décret Aubry, qui n'avait jamais été mis en uvre par ses prédécesseurs, et qui lui permet de rembourser à 35 %, au lieu de 65 %, les médicaments qui ont un SMR faible ou modéré. Economies espérées en année pleine : 400 millions d'euros.
La mesure des déremboursements, du moins dans un premier temps, est moins intéressante. En effet, la première vague de déremboursement qui aura lieu en juillet 2003 concernera avant tout des produits peu prescrits, et peu présentés en tout cas au remboursement. Il s'agira surtout des sirops, à très faible dose d'antibiotiques et de cortisone, qui n'ont plus vraiment leur place dans la stratégie thérapeutique, estime le ministère, d'autant qu'ils ont des équivalents thérapeutiques... plus chers. Le deuxième groupe de produits dont le déremboursement interviendra en juillet 2004, sera composé surtout de spécialités qui ont vocation à entrer dans le secteur de la médication familiale, d'automédication, laisse-t-on entendre chez le ministre de la Santé, et concernera principalement les veinotoniques et les produits à base de magnésium. Peu onéreux pour la plupart d'entre eux, mais souvent prescrits, leur déremboursement devrait apporter quelques économies, mais limitées.
Enfin, en juillet 2005, devraient être déremboursés les spécialités plus chères, les médicaments de prescription, et réellement sources d'économies. Il s'agira alors de dérembourser en particulier les vasodilatateurs. Le laps de temps entre 2003 et 2005 devrait permettre aux fabricants, surtout français, à se préparer à ce tournant décisif pour l'avenir de leurs sociétés : certaines ne résisteront peut-être pas au déremboursement. L'opération déremboursement concernera en tout les 835 spécialités au SMR insuffisant et dont le chiffre d'affaires total, hors taxes, est estimé à environ 1,5 milliard d'euros. Combien d'économies pour l'assurance-maladie ? Le ministère de la Santé ne les a pas encore chiffrées. Mais, selon des experts, les économies en année pleine et lorsque l'opération sera complètement achevée, devraient avoisiner les 500 millions d'euros.
Le prix des médicaments nouveaux
Autant en fait que les génériques en 2005. C'est du moins ce que souhaite, pour ce poste, le gouvernement, alors que, selon la CNAM, l'économie des génériques atteint seulement 133 millions d'euros aujourd'hui.
En tout cas, le dossier génériques tient à cur Jean-François Mattei, qui menace clairement les pharmaciens de généraliser le système du tarif forfaitaire de responsabilité (qui consiste à décider d'un seul tarif de remboursement par groupe générique) si les officinaux ne substituent pas davantage un générique, lorsque c'est possible, au médicament, plus cher, prescrit par le médecin.
La politique d'économies élaborée par le gouvernement est donc très claire. Et ne suscite pas, il faut bien le reconnaître, de très vives réactions du côté de l'industrie pharmaceutique. Même si Jean-Pierre Cassan, le président du LEEM (Les Entreprises du médicament) qui regroupe la quasi-totalité des firmes pharmaceutiques en France, ne manque pas de faire remarquer malicieusement que « le médicament, par l'intermédiaire des génériques, a fait économiser 133 millions à l'assurance-maladie en 2002, alors que, pendant ce temps, les dépenses liées aux indemnités journalières augmentaient, elles, de plus de 900 millions d'euros ».
Mais si l'industrie pharmaceutique, pour un fois, se montre plus que mesurée dans ses propos, c'est qu'elle espère une politique audacieuse, en matière de prix, notamment pour les médicaments innovants. La loi de financement de la Sécurité sociale prévoit que les spécialités déclarées le plus innovantes par la commission de la Transparence pourront bénéficier d'une certaine liberté de prix au cours des premières années de leur introduction sur le marché. Reste que les propositions du comité économique des produits de santé, représentant de l'Etat pour l'application de ce dispositif, impose des contraintes aux laboratoires que beaucoup d'entre eux rejettent déjà. En l'état, « ces propositions sont inacceptables, expliquent les responsables de l'association des Laboratoires internationaux de recherche (LIR), qui rassemble l'essentiel des multinationales présentes en France. Il faut faire attention, ajoute un dirigeant de ces groupes. En restant silencieux à l'annonce des baisses de remboursement et des déremboursements, nous donnons l'impression d'approuver ces mesures, alors qu'il n'y a pas unanimité dans la profession. Beaucoup espèrent ainsi amadouer les pouvoirs publics. L'opération est risquée. Nous pouvons aussi tout perdre ».
Jean-Pierre Cassan nie un tel scénario. « Ce serait nous faire injure que de dire que nous nous prêtons à ce jeu. Nous disons simplement, une nouvelle fois, que les économies sur le médicament, qu'elles proviennent du génériques, des baisses de remboursement ou des déremboursements doivent servir à rémunérer comme il se doit les innovations. » Jean-François Mattei le dit aussi, répétant qu'il lui faut faire des économies s'il veut payer les innovations demain.
Il demeure que la situation de l'assurance-maladie est telle que la moindre économie sera la bienvenue. Cinq cents millions par-ci, cinq cents millions par-là, quatre cents millions ailleurs : le milliard d'euros est rapidement atteint puis dépassé. Il n'y a pas de petites économies. Les industriels devront jouer serré s'ils veulent réellement bénéficier des économies que le système d'assurance-maladie va faire sur les dépenses de médicaments. Mais le dossier restera chaud encore un long moment.
Les médicaments resteront pris en charge à 90 % en Alsace-Moselle
La baisse de 65 à 35 % du taux de remboursement de 616 médicaments augmentera la charge du régime local d'Alsace-Moselle, qui continuera à rembourser ces médicaments à 90 %, a précisé le conseil d'administration du régime local d'assurance-maladie d'Alsace-Moselle.
« La majoration de nos charges sera d'environ 3,7 millions d'euros par an, soit environ 1 % de la charge totale », a précisé Daniel Lorthiois, président de ce conseil d'administration qui a le pouvoir de fixer les taux de cotisation et de remboursement.
Financé par des cotisations supplémentaires à la charge des salariés et des retraités - taux de 1,70 % depuis le 1er janvier - , le régime local permet depuis plus d'un siècle aux Alsaciens et Mosellans de se faire rembourser les frais d'hospitalisation à 100 % et les soins à 90 %.
« Dans l'immédiat, il n'y aura pas de changement du taux de cotisation, mais si ce genre de mauvais coups devait se reproduire, on devrait l'envisager », a poursuivi Daniel Lorthiois.
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