On le savait, mais cela va sans doute mieux lorsque le ministère de l'Economie et des Finances le dit : l'industrie pharmaceutique française ne compte plus parmi les grands de ce monde.
Selon une étude (1) de la direction générale de l'Industrie, des Technologies, de l'Information et des Postes (DiGITIP), et rendue publique par le secrétariat d'Etat à l'Industrie, les groupes pharmaceutiques français, notamment les trois premiers d'entre eux, qui « concentrent 60 % des dépenses de recherche en France (...) accusent un retard dans les molécules à fort potentiel ».
En 2000, notent les auteurs de l'étude, « 41 médicaments ont généré un chiffre d'affaires d'au moins 1 milliard de dollars (873 millions d'euros), mais un seul appartenait à un groupe français, Aventis » (qui est en fait un groupe franco-allemand, né de la fusion entre le français Rhône-Poulenc et l'allemand Hoechst, NDLR).
Si l'on se projette à l'horizon 2007, le retard ne devrait pas être rattrapé, puisque, selon la revue « Datamonitor », citée par l'étude de Bercy, à cette date, « 29 médicaments actuellement en développement devraient générer un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard de dollars. Un seul est développé par un groupe français ». Et les auteurs de noter que beaucoup de groupes français sont encore des « producteurs familiaux » qui vivent « de produits vieillissants ».
Sur le marché mondial, « seuls trois groupes français figurent parmi les cinquante premiers », s'inquiètent encore ces experts.
La production de médicaments en France est réalisée à 51 % par des groupes étrangers et, en 1999, trois industriels assuraient 38,5 % de la production des médicaments et les six premiers, la moitié. La production française de médicaments est donc très concentrée. Cela s'est traduit par la création de nombreux emplois en France. « La France a tiré parti de la spécialisation des sites de production en Europe et l'industrie pharmaceutique a été l'un des rares secteurs créateurs d'emplois en France : plus 1 % par an en moyenne », notent les auteurs. Contrairement à l'Italie et à l'Allemagne. Mais cette situation pourrait ne pas durer : les fermetures de sites liées aux restructurations se mutiplient depuis quelques mois, « ce qui pourrait affecter l'emploi en France ».
Si les laboratoires étrangers ont choisi de fabriquer leurs médicaments en France, leurs efforts de recherche sont conduits le plus souvent dans d'autres pays. Les filiales françaises des groupes étrangers réalisent 31 % de la recherche en France, soit moins que leur part dans la production, note l'étude, qui ne manque pas, dans le même temps, de souligner que « les groupes français réalisent 43,5 % de leur recherche à l'étranger. Aventis réalise aujourd'hui 70 % de sa dépense de recherche aux Etats-Unis et en Allemagne ».
Mais il est vrai, comme le précisent les auteurs, que « faire de la recherche aux Etats-Unis est une clé pour accéder au marché américain ». Un marché qui reste l'objectif affiché de toutes les firmes pharmaceutiques, tant il progresse chaque année.
Enfin, les auteurs ont le mérite de poser le problème, sans pour autant donner la réponse, qui a embarrassé tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une bonne vingtaine d'années, sinon plus, et cela quelle que soit leur couleur : comment « permettre l'accès de l'ensemble de la population à des soins de qualité à un coût acceptable » et favoriser dans le même temps « le développement d'une industrie fortement innovatrice, pourvoyeuse d'emplois qualifiés, et exportatrice » ?
(1) Cette étude a été tirée d'un document plus important, « L'industrie pharmaceutique », qui sera prochainement publié par la Documentation française. On peut consulter l'étude en question sur le site Internet du ministère de l'Economie et des Finances à l'adresse suivante : http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p157.pdf
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