Décision Santé-le Pharmacien Hôpital. L’hôpital ne serait plus le relais de croissance de l’industrie pharmaceutique ?
Emmanuel Sève*. La croissance s’est réduite au cours des dernières années. On peut avancer plusieurs facteurs comme l’encadrement de plus en plus strict des dépenses ou le ralentissement de l’innovation. D’autres causes y contribuent comme la mise en place d’une politique d’achat plus efficiente et la montée en puissance des génériques, voire des biosimilaires, même si la part de marché en valeur à l’hôpital des génériques (8 %) est nettement plus faible, comparée à la ville (16 %). Pour autant, le prix des génériques pèse sur les laboratoires détenteurs du princeps et tend donc vers la réduction des marges.
D. S-P. H. L’hôpital est dans le même temps une vitrine pour l’industrie pharmaceutique.
E. S. C’est d’autant plus incontestable qu’il faudrait mesurer l’impact de l’hôpital sur la ville. Le marché de l’officine serait en fait nettement plus affaibli s’il n’y avait pas le transfert vers la ville de prescription hospitalière grâce aux prescriptions initiales hospitalières qui sont renouvelées en ville. L’hôpital revêt toujours un intérêt stratégique pour l’industrie.
D. S-P. H. Les dépenses concernant la liste en sus sont-elles bien maîtrisées ?
E. S. La mise en place d’objectifs encadrant les dépenses a permis d’engranger des résultats spectaculaires. Si l’on prend l’exemple des établissements publics, les dépenses augmentaient encore en 2008 de 17 %. En 2011, le chiffre tombe à 2 %. Pour les établissements privés, le résultat est même négatif avec un résultat négatif à -9 %. La chute est brutale à partir de 2009 où a été décidé l’encadrement des dépenses.
D. S-P. H. Quels sont les pronostics de croissance à l’hôpital pour les prochaines années ?
E. S. Pour cette année, la croissance sera inférieure à 1 %. Dans les prochaines années jusqu’en 2016, le marché sera donc stable ou en légère croissance entre 0,5 % et 1 %. Les modèles reposant seulement sur une logique produit ont montré leurs limites. L’innovation de rupture est rare. Autre facteur, le poids des autorités de santé dans la régulation du marché conjuguée à la montée en puissance des centrales d’achat où domine le moins-disant pèsent sur les marges et les prix. Quant à la promotion auprès du prescripteur, elle fait l’objet d’un encadrement de plus en plus strict. Nous sommes aujourd’hui à un moment charnière où émergent de nouveaux modèles.
D. S-P. H. Quels sont ces nouveaux modèles ?
E. S. Les industriels privilégient désormais une approche axée sur les services, par exemple l’amélioration des parcours de soins des patients. Cela se traduit par une meilleure articulation entre la ville, l’hôpital et le médico-social, entre la prévention et le curatif. Les industriels dans cet espace ont un rôle à jouer en recherchant des zones d’intérêts convergents entre les pouvoirs publics et les directions hospitalières. Les laboratoires implantés surtout à l’hôpital ont ouvert la voie. On peut citer Baxter par exemple – expert dans les maladies chroniques, les systèmes d’administration et les technologies d’administration – qui a participé à la mise en place d’une structure infirmière dédiée à la formation des acteurs de santé, des patients et de son entourage. Le laboratoire a ainsi affiché sa volonté de promouvoir les soins à domicile. Autre exemple, la télémédecine, champ ouvert à la compétition entre laboratoires afin que le protocole de service soit le premier à être validé. Des nouveaux écosystèmes se mettent en place qui vont bien au-delà de la simple promotion auprès des médecins.
D. S-P. H. L’évaluation médico-économique n’est-elle pas plutôt le ressort essentiel ?
E. S. Il y a un lien. Lorsque sont imaginés des dispositifs visant à renforcer l’observance, ce sont en fait des applications pratiques de la médico-économie. On démontre dans la « vraie vie », avec les ARS l’impact économique de ces services.
D. S-P. H. Quels sont les freins à l’essor de ces services ?
E. S. Les industriels sont confrontés à un problème de légitimité. La question des conflits d’intérêt est sous les feux des projecteurs. Pour autant, le cadre réglementaire géré par les agences régionales de santé peut aider à l’intégration des industriels dans certains dispositifs. En revanche, ils refusent l’option d’être des financeurs aveugles, sans droit de regard sur le projet. Des accords de partenariat doivent être trouvés avec les autorités de santé. Les établissements hospitaliers sont enfin une autre porte d’entrée.
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