LE DERNIER rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale (« le Quotidien » du 11 septembre) douche l’optimisme du gouvernement, alors que celui-ci se réjouissait encore récemment de «diviser par quatre» le déficit de l’assurance-maladie de 2004 à 2007.
Une fois de plus, Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a joué au trouble-fête en présentant le dernier brûlot des magistrats de la rue Cambon. Il a convenu que la branche maladie du régime général «a vu effectivement son déficit se réduire de 12,3 milliards d’euros en 2004 à 8milliards d’euros en 2005». Mais ce «résultat non négligeable» est à «relativiser», a aussitôt ajouté l’ancien ministre des Affaires sociales, puisque le déficit enregistré l’an passé reste tout de même «le troisième plus fort de la branche depuis 1945». Philippe Séguin souligne en outre que la « maîtrise médicalisée » des dépenses n’a pas réalisé globalement les économies escomptées pour 2005 ( «1,6milliard d’euros contre 3milliards»). Enfin, Philippe Séguin rappelle «les incertitudes [qui pèsent] sur le respect de l’Ondam hospitalier en 2006», en raison «notamment des cliniques privées».
« Opérations de camouflage ».
Ce sera à la Commission des comptes de la Sécurité sociale (Ccss), réunie le 26 septembre, de préciser la situation financière de la Sécu pour cette année, ainsi que les prévisions pour 2007. Il reste que la sincérité et la transparence des comptes de la Sécurité sociale laissent toujours à désirer. La Cour des comptes, chargée justement de les «certifier» dans les années à venir, déplore notamment dans son rapport que les fonds annexes déficitaires (2) permettent des «opérations de camouflage» de la réalité du trou financier.
Toutes branches confondues, le régime général de la Sécurité sociale accuse en fait des besoins de financement «considérables», estimés par la Cour des comptes à «37milliards d’euros à l’horizon 2009», d’où la nécessité de «nouvelles et très profondes réformes» (en particulier dans la branche vieillesse).
Le rapport de la Cour des comptes jette un autre pavé dans la mare en recommandant au gouvernement de «supprimer la catégorie des médicaments rétrocédés». Pour Philippe Séguin, il est temps de «mettre un terme à cette curieuse exception française extrêmement coûteuse», puisque le poids de ces médicaments délivrés à l’hôpital, mais facturés sur l’enveloppe « soins de ville », est passé «de 660millions d’euros en 2000 à 1,4milliard d’euros en 2004». Suite aux précédentes recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de 2002, le système de rétrocession a été limité à une liste de médicaments par un décret de 2004. Or la Cour note que «la volonté de mettre pleinement en oeuvre [cette réforme] n’existe pas» et que le décret n’a pas empêché «l’existence d’une rétrocession hors liste». «L’argument selon lequel l’existence d’une liste de médicaments rétrocédés est justifiée par les délais des procédures d’évaluation et de négociation des prix des médicaments en ville n’est pas convaincant, compte tenu de l’exemple des pays voisins. La manière la plus simple de mettre rapidement les médicaments à la disposition des patients non hospitalisés est de les distribuer en même temps en ville et à l’hôpital, dès lors qu’ils ont reçu leur AMM», écrivent les magistrats de la Cour. Le rapport préconise d’ «appliquer pleinement le décret du 15juin 2004», en attendant la suppression du dispositif de la rétrocession, dont les «complexités administratives» sont «coûteuses pour l’Etat (et) non justifiées par l’intérêt général».
Mise en cause du pilotage des réformes à l’hôpital.
La Cour estime par ailleurs que la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation sanitaire (Dhos) devrait se voir confier la pleine responsabilité du pilotage des réformes du plan Hôpital 2007, afin d’en améliorer l’efficacité. Son rapport suggère de «substituer le financement de l’Etat à celui de l’assurance-maladie pour les missions [de ce] plan». Le document évoque aussi les « péchés de jeunesse » de la tarification à l’activité (T2A), que la Cour avait déjà dénoncés dans un précédent rapport remis aux députés (« le Quotidien » du 6 juin).
La Cour des comptes demande donc une fois de plus au gouvernement d’ «expliciter les règles tarifaires et leurs méthodes de calcul» pour les acteurs, et de «modifier le calendrier actuellement inscrit dans la loi», qui prévoit la convergence tarifaire en 2012 avec une étape à 50 % en 2008. Elle souhaite de même l’intégration dans la T2A des composantes de l’enveloppe Migac (Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation) qui peuvent y entrer.
Dans le domaine des soins de ville, le rapport de la Cour prend acte de «l’échec» de la démarche de soins infirmiers (DSI) depuis 2002 : il suggère d’y mettre fin et de «redéfinir les missions et les activités des infirmiers libéraux, notamment par rapport à celles des médecins et des aides-soignants».
Enfin, la Cour jette une pierre dans le jardin des complémentaires santé. D’une part, elle critique le système de gestion de l’assurance-maladie de base par certaines mutuelles et sociétés d’assurance (concernant surtout les fonctionnaires et les étudiants), qui devrait, selon elle, être «rationalisé» pour obtenir des gains de productivité importants.
D’autre part, elle réclame pour les caisses primaires d’assurance-maladie «la gestion exclusive» des contrats de CMU complémentaire, alors que les mutuelles, les assurances et les institutions de prévoyance en détiennent actuellement 15 %.
(1) Objectif national de dépenses d’assurance-maladie.
(2) Fonds de solidarité vieillesse, Fonds de financement des prestations sociales agricoles.
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