C' est presque une première. Exception faite du précédent des vitamines, 84 médicaments classés en service médical rendu (SMR) insuffisant devraient être totalement déremboursés par arrêté au début du mois d'août. « Il en va des médicaments comme de tous les biens de consommation, a expliqué le ministre de la santé. Ils apparaissent, vivent et peu à peu laissent la place à d'autres produits plus efficaces et mieux adaptés ». Les laboratoires disposaient de huit jours pour faire part de leurs dernières observations.
Conséquence de la réévaluation des 4 500 médicaments de la pharmacopée exigée par Martine Aubry dès 1999, cette première liste de produits dont l'utilisation n'est « médicalement pas souhaitable » ne comporte aucune vedette du marché mais plusieurs médicaments courants bien connus des généralistes et des patients (1). Très peu d'économies sont d'ailleurs attendues : « 40 millions d'euros au maximum » en année pleine, a reconnu le ministre. Le déficit de la branche maladie approchera les 10 milliards d'euros en fin d'année... « Nous avions des classes beaucoup plus rentables », a admis Jean-François Mattei, qui veut laisser le temps aux industriels, aux officines, aux patients et aux médecins de se préparer. De l'avis des experts, c'est l'année prochaine que les choses très sérieuses commenceront avec le déremboursement de produits qui relèvent d'un choix d'automédication, et enfin, en 2005, des produits depuis plusieurs années sur la sellette comme les vasodilatateurs ou les veinotoniques, mais pour l'heure sans véritable alternative thérapeutique. Au total, 650 médicaments doivent être déremboursés, en trois ans, sans être pour autant retirés du marché. Une absurdité? « Ils peuvent vivre leur vie tout simplement », a sobrement commenté le ministre.
Plusieurs voix ont stigmatisé la prudence du gouvernement. La Mutualité française a regretté « la portée limitée » de ce déremboursement. MG-France, s'est étonné que cette procédure « qui va dans le bon sens » s'étale sur trois années. La CFTC et FO ont estimé que les médicaments déremboursés doivent être retirés du marché. Pour la CFDT, enfin, le déremboursement « amorce une démarche positive en matière de santé publique, qui devrait s'élargir à l'ensemble du système de soins ».
Contre-attaque législative
Initialement prévue début juillet, la révélation de la liste des médicaments déremboursés a pris du retard, alimentant les conjectures sur les hésitations du ministre de la Santé. Avait-il revu ses ambitions à la baisse ? « Ce n'est pas le fait de pressions de l'industrie pharmaceutique sur le ministre et sur ses collaborateurs, je suis intransigeant ! » a déclaré Jean-François Mattei.
Le délai a été imposé, affirme-t-il, par la décision du 20 juin du Conseil d'Etat qui a annulé les baisses de 65 % à 35 % du taux de remboursement de deux vasodilatateurs du Laboratoire Servier, Duxil et Trivastal. Raison invoquée : la motivation insuffisante des avis rendus par la commission de la transparence, sur lesquels le ministre s'appuie. Une décision de justice qui menaçait de fragiliser tout l'édifice des baisses de taux ou des déremboursements depuis 2001. Cinq cents millions d'euros étaient déjà en jeu et, au-delà, un pan de la politique du médicament.
Le ministre a contre-attaqué. Sur deux fronts. Pour les nouveaux produits concernés, il a demandé à la commission de la transparence de retravailler la rédaction de ses avis « de façon plus explicite et dans le sens d'une plus grande rigueur ». Surtout, Jean-François Mattei a fait voter un amendement-surprise au projet de loi sur le sport, qui valide les décisions prises sur la base des avis de la réévaluation avant le 1er juillet 2003. Le gouvernement ne pourra plus être désavoué pour des vices de forme. « Malgré les imprévus qui font partie de tout quotidien, je maintiens le cap, il n'y a pas de recul », a martelé le ministre, chahuté ces dernières semaines sur sa politique du médicament. En plein week-end de Pâques, 617 produits à SMR modéré ou faible, dont certains très prescrits, avaient fait l'objet d'une baisse de taux de remboursement, qui a soulevé un tollé. « Une connerie administrative », avait alors tranché Jean-Pierre Raffarin.
Si le nettoyage de la pharmacopée a lieu, c'est parce qu'il faut aussi « faciliter l'accès » de tous les assurés aux innovations, assure encore le ministre. Deux cents millions d'euros supplémentaires seront ainsi consacrés à des produits particulièrement coûteux. Selon le ministère de la Santé, 15 médicaments sur les 4 400 utilisés représentent 25 % des dépenses en médicaments à l'hôpital.
(1) La liste détaillée peut être consultée sur le site du « Quotidien » (www.quotimed.com).
Une nouvelle commission de la transparence
Jean-François Mattei a annoncé une réforme de la commission de la transparence. Sa composition sera modifiée (dès septembre) afin de « renforcer le caractère médical » de cette instance qui instruit les dossiers de déremboursement. Le nombre de cliniciens sera augmenté, alors que les représentants des administrations et des caisses n'auront plus qu'une voix consultative. « Les avis seront purement médicaux », a tranché le ministre.
Autres axes de ce changement : la clarification des procédures et le renforcement de l'autonomie financière de la commission (avec l'indemnisation des experts libéraux). Le Pr Gilles Bouvenot, chef du service de médecine interne et thérapeutique au CHU de Marseille, qui a exercé de nombreuses responsabilités à l'échelon national dans le domaine du médicament, sera le président de cette commission rénovée. Il fut notamment l'auteur d'un rapport sévère sur les vasodilatateurs et les veinotoniques.
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