L E médicament, parent pauvre du deuxième « Grenelle de la santé »: c'est le sentiment de nombreux industriels de ce secteur d'activité qui regrettent vivement le « peu de place faite » au médicament lors de la concertation, alors qu'il est, explique-t-on au Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP), « un élément déterminant de la qualité des soins de ville et constitue la réponse majeure aux besoins de santé des Français ».
L'industrie pharmaceutique qui, contrairement à la fois précédente, participait à la réunion, en espérait quelques avancées, un peu plus d'un mois après l'annonce du plan médicament d'Elisabeth Guigou, qui consiste pour l'essentiel en des baisses de prix. « Mais, s'insurge Bernard Lemoine, vice-président délégué du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) qui représentait la profession au « Grenelle », alors que l'on sait pertinemment nous trouver lorsqu'il s'agit de nous faire sortir le chéquier, il est impossible d'obtenir une réponse lorsque nous demandons que l'on réfléchisse ensemble à une politique cohérente et constructive du médicament ». Une politique qui ne doit évidemment pas se résumer, pour le SNIP, à l'application de taxes et de contributions.
L'industrie pharmaceutique est d'autant plus courroucée que les premières baisses de prix prévues par le plan Guigou, devraient être appliquées dès la fin de l'été et concerner d'abord les médicaments innovants, victimes en quelque sorte de leur succès et de leur efficacité. Cette mesure qui frappera les spécialités les plus chères, devrait coûter plus de1 milliard de francs, en année pleine à l'industrie pharmaceutique. « Je suis atterré par une telle initiative, qui va mettre à mal l'innovation et la qualité de la recherche en France », a expliqué il y a quelques jours Bernard Lemoine. Noël Renaudin, président du comité économique des produits de santé, qui négocie avec les laboratoires concernés ces baisses de prix, cherche, quant à lui, à calmer le jeu. « C'est vrai, dit-il, que l'on va baisser les rentrées des laboratoires, mais cela ne va pas menacer le cur de l'affaire : il reste suffisamment d'argent pour la recherche. »
Un argument contesté par plusieurs responsables de grandes firmes multinationales qui, tout récemment, n'ont pas hésité à dire tout haut ce qu'ils pensaient tout bas depuis des années : la France constitue un marché indispensable mais n'est sans doute plus le lieu idéal aujourd'hui pour poursuivre des investissements. Et il est vrai que le libre marché du médicament dans l'Union, n'impose plus aux firmes une présence aussi importante qu'auparavant dans l'Hexagone.
L'industrie pharmaceutique a paru rarement aussi remontée qu'aujourd'hui parce qu'elle ne voit plus aucune cohérence, dit un expert financier, « dans la politique suivie par le gouvernement en la matière ». Ce qui rejoint l'analyse de Bernard Lemoine, qui vient de réitérer sa demande, sans grand succès, d'une concertation sur le médicament avec tous les acteurs concernés : médecins, pharmaciens, grossistes, industriels, et caisses d'assurance-maladie, afin de mettre en place une politique du médicament, qui ne comporte pas que des éléments économiques, mais mette aussi l'accent sur le bon usage du médicament, la recherche, des objectifs de santé publique, etc.
Une revendication que reprend l'Association des laboratoires et des firmes de santé (ALFIS) : elle désire que les considérations économiques ne soient pas les seules à être prises en compte lorsqu'il s'agit de décider du sort de certains médicaments dont l'efficacité a été mise en cause par la Commission de la transparence, chargée d'étudier le service médical rendu par tous les médicaments. 835 de ces spécialités, surtout commercialisées par les laboratoires membres de l'ALFIS, ont été montrées du doigt par la Commission et devraient subir des réductions de prix, voire des baisses de taux de remboursement. « Il faut, explique Arnaud Gobet, président de l'ALFIS, prendre en compte, le critère "qualité de vie" dans l'appréciation du service médical rendu par ces médicaments, qui améliorent le quotidien des patients à qui ils sont prescrits, et pour qui ils sont souvent indispensables. »
Nul doute, dans l'esprit des industriels, que cet aspect pourrait être traité lors d'une réflexion globale sur le médicament. Encore faut-il qu'elle ait lieu. Ce qui est encore loin d'être assuré.
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