Critiqué depuis de nombreuses années, le mode d’évaluation des médicaments à la française éprouve des difficultés à se réformer. La situation hexagonale est, il est vrai, unique. La France est le seul pays au monde à rembourser les médicaments selon des taux différents. La publication au mois de mars 2015 sur le site de l’Igas d’un rapport rédigé en octobre 2013 traduit cet immobilisme français. Pourtant Muriel Dahan, Conseillère générale des établissements de santé, n’appelait pas au grand soir. Elle recommande certes la nécessité d’une réforme. Mais signale l’absence d’urgence et exhorte les pouvoirs publics à la mener sans brutalité. Un nouvel instrument, l’Index thérapeutique relatif (ITR) a été élaboré par la Haute Autorité de santé. Il devrait se substituer à terme aux critères actuels, le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) attribués aujourd'hui par la Commission de la transparence (HAS).
ASMR et SMR, trop grande proximité phonétique
Mais pourquoi fallait-il élaborer un nouvel outil ? L’actuel dispositif axé autour du SMR et de l’ASMR a essuyé au cours des dernières années de nombreuses critiques. Selon les industriels du médicament, les avis rendus sont de plus en plus imprévisibles. Sont aussi « stigmatisés le manque de visibilité et de reproductibilité de certains avis ». Outre le fond, la forme également serait source de confusion. La proximité phonétique entre SMR et ASMR est citée. Et se révèle un obstacle à l’intelligibilité immédiate des avis. Autre critique, sur une longue période, le dispositif attribue le plus souvent la même note. « 70 % des médicaments obtiennent un SMR important et 90 % une ASMR 5. »
Un usage pas adapté à tous les médicaments
Pour autant l’ITR répond-il à toutes ces demandes ? « Il est certes de qualité mais présente des zones d’ombre importants », répond Muriel Dahan dans son rapport. Son usage se révèle inadapté pour l’évaluation des médicaments orphelins par exemple, dans les stades métastatiques ou pour les génériques et biosimilaires. Il ne prend pas en compte les spécificités soulevées par certaines classes d’âge en pédiatrie ou en gérontologie. Enfin, il ne répond pas aux problèmes spécifiques générés par les médicaments associés à un dispositif médical. Surtout, après expérimentation, le maniement de l’outil apparaît trop technocratique. L’équité de traitement entre médicaments est obtenue au détriment d’une analyse fine entre spécialistes aux compétences différentes. Et le résultat apparaît trop automatique.
Le rapport suggère à ce titre de nouvelles pistes d’évolution. Aujourd’hui, un seul prix est attribué à un médicament. Or ses performances sont parfois différentes selon les indications. Un instrument, l’article 56 (LFSS pour 2007) autorise cette différenciation avec la mise en place des recommandations temporaires d’utilisation (RTU). Ces RTU sont actuellement gérées par l’ANSM. Il suffirait de transférer cette compétence à la Commission de transparence. Ce qui lui permettrait de faire bénéficier pour une seule indication des petites populations d’un médicament à ITR insuffisant dans des indications plus larges.
Enfin, la mission n’a pas été convaincue par la nouvelle appellation d’ITR et suggère plutôt l’acronyme « Intérêt thérapeutique relatif » ou « valeur thérapeutique ajoutée » déjà en usage au niveau européen.
La publication de ce rapport annonce-t-elle le lancement de la réforme ? Rien n’est moins sûr.
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