Patrick Errard a été entendu sur un point. En avril dernier lors d’une réunion organisée par l’Acip (Organisation des cadres de l’industrie pharmaceutique), le président du Leem (Les Entreprises du médicament) demandait l’instauration d’un Ondam quinquennal. En précisant le contenu du plan d’économies de dix milliards d’euros sur trois ans, Marisol Touraine a répondu en partie à cette demande en annonçant les taux d’Ondam à venir sur trois ans (2,1 % en 2015, 2 % en 2016, 1,9 % en 2017). En ce qui concerne l’effort de 3,5 milliards demandé à l’industrie du médicament, la réaction du Leem a été immédiate et parle « de désaveu cinglant de la stratégie industrielle soutenue au plus haut niveau de l’État ». Le Medef sans surprise soutient cette ligne dure et stigmatise un gouvernement « qui fragilise à nouveau une industrie d’excellence de notre pays, fortement exportatrice et confrontées à des défis majeurs ».
Jeu de rôles
Chacun est dans son jeu de rôle distribué depuis longtemps au fil des redressements des comptes de l’assurance-maladie. La même scène se répète en effet année après année, quelle que soit la couleur politique du gouvernement. La ponction réalisée sur l’industrie pharmaceutique est, il est vrai, très rentable à la fois sur le plan politique et économique. Les industriels sont contraints de négocier avec la puissance publique. L’offre de médicaments est solvabilisée par le système de protection sociale. D’où une marge de manœuvre très réduite pour les laboratoires. Résultat, selon une étude réalisée par le BIPE pour le compte du Leem en 2013, 10,3 milliards d’euros en neuf ans ont été réalisées par l’assurance-maladie, soit 1,15 milliard d’euros par an. On est donc loin de la rupture avec ce plan de dix milliards d’euros. Le gain de « productivité » moyen s’élève à 5,4 % par an. Ce ratio a même atteint près de 7 % en 2012 et en 2013.
Retour sur investissement en baisse
L’industrie pharmaceutique demeure bien le principal contributeur à tous les plans de maîtrise qui se sont succédé. Le danger est qu’après tous ces efforts, la corde se rompe. D’autant que la rentabilité des entreprises s’essouffle. Selon une étude réalisée par Deloitte et Thomson Reuters en décembre 2013, le retour sur investissements des big pharma en dépit des lancements en cours sont toujours en baisse. Il a atteint le taux de 4,8 % en 2013, alors qu’il s'élevait encore en 2012 à 7,2 % et dépassait la barre des 10 % en 2010. Cette chute s’explique par le coût toujours plus élevé du développement de l’innovation (+18 % en quatre ans, soient 958 millions d’euros). Dans le même temps, le chiffre d’affaires espéré est en diminution (466 millions de dollars versus 816 millions en 2010. Les nouveaux médicaments sont destinés le plus souvent à des marchés de niche. Ce qui sous-tend un nombre restreint de bénéficiaires.
Les Français épargnés
Seul marqueur de gauche dans ce plan d’économies, les patients ont été « épargnés » de toute nouvelle ponction. Le Collectif interassociatif des associations de santé (Ciss) se félicite du plan annoncé par Marisol Touraine. « Les choix d’économies opérés ne font pas du patient une variable d’ajustement, à la différence de ce que nous avions connu par le passé avec les franchises, les forfaits et les nombreux déremboursements. C’est une bonne nouvelle. » La promesse due par la ministre de la Santé de ne pas frapper les Français est donc honorée.
Dans le même temps, celles qui ont été échangées à l’issue du Comité stratégique des industries de santé en juillet 2013 témoignent d’une époque presque révolue. Faut-il rappeler l’engagement de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui affirmait : « Dans le domaine de la santé, nous ne pouvons faire l’économie d’une coordination entre les politiques publiques et la stratégie industrielle. »
Faute d’avoir anticipé les mutations en cours, comment désormais arbitrer entre les contraintes budgétaires du présent et la nécessité d’un État stratège qui doit préparer l’avenir ? Sur ce chemin de crête, l’équilibre paraît bien difficile à conserver…
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