La sortie furtive de l'arrêté faisant passer de 65 à 35 % le taux de remboursement de 616 médicaments au service médical modéré (« le Quotidien » d'hier) n'aura pas mis ce texte à l'abri de commentaires tapageurs.
L'opposition, mais aussi les médecins, les syndicats de salariés... : à l'exception paradoxale et notable de l'industrie pharmaceutique (pour qui la mesure ne change finalement pas grand-chose, les complémentaires prenant en charge le manque à gagner que représente le retrait partiel du régime de base), tout le monde est contre. Les critiques, la plupart du temps sans appel, attaquent le gouvernement sous les angles de la forme et du fond.
La parution au « Journal officiel », en plein week-end de Pâques et sans qu'aucun signe avant-coureur n'ait été donné, est un motif de grief récurrent. MG-France et le SML (Syndicat des médecins libéraux) déplorent cette dimension « surprise » de l'arrêté, tout comme le PS ou la CFDT qui estime dans un communiqué que la méthode « tranche avec la volonté affirmée de conduire une concertation pour réformer la Sécurité sociale ».
Sur le fond, les reproches sont formulés sur deux plans. Jean-François Mattei, d'abord, mettrait la charrue avant les bœufs en s'attaquant aux médicaments à service médical rendu (SMR) modéré avant d'avoir scellé, par un déremboursement pur et simple, le sort des médicaments à SMR insuffisant (ce qui doit être fait en juillet, a annoncé le ministère de la Santé). Stigmatisant la « démarche pseudo-scientifique » du gouvernement, la CSMF utilise cet argument, qui juge que, « s'il est utile, un médicament doit être remboursé » mais qu'en revanche « le gouvernement doit avoir le courage de dérembourser des médicaments, d'en délaisser quelques-uns pour mieux prendre en charge les médicaments indispensables ».
Jean-Marie Spaeth, le président (CFDT) de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), souligne lui aussi que le procédé manque de logique. « Les 835 médicaments jugés insuffisants en 1999 sont toujours dans la pharmacopée alors que ce sont les premiers qui auraient dû en être sortis », constate-t-il.
Plus largement, c'est la philosophie sous-tendue par ce plan de déremboursement partiel qui est condamnée. Le transfert des dépenses vers les complémentaires - et, indirectement, vers les ménages - est montré du doigt. Les socialistes, qui oublient vite que Martine Aubry est à l'origine de la mesure prise le week-end dernier, tapent fort. Il s'agit, écrit le bureau national du PS dans un communiqué, « d'un pas supplémentaire vers la sélection des risques et le déremboursement du "petit risque" (...). L'abandon de toute maîtrise médicalisée est d'ores et déjà payée cash par les assurés sociaux ». La CFE-CGC, la CFDT sont sur la même ligne. Pour la seconde, « devant les difficultés budgétaires de la Sécurité sociale, (Jean-François Mattei) prend une mesure de court terme qui risque d'entraîner de nombreuses hausses de cotisation dans les complémentaires ». L'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) dénonce elle aussi une « mesure comptable dont les assurés vont faire les frais ».
Le gouvernement a-t-il à ce point les yeux rivés sur les chiffres ? Le président de la CNAM pense que oui. « Le débat sur le médicament, affirme-t-il, n'est pas seulement économique. Je note que la décision (qui vient d'être prise) est strictement financière, je ne vois pas son fondement médical. »
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