« Je ne suis plus rien. » Ce constat d’un médecin de 67 ans, fraîchement retraité, a inspiré le dernier billet de la blogueuse de « Cris et chuchotements médicaux ». Cette gastroentérologue, quinquagénaire, exerçant en clinique dans les Hauts-de-Seine, y livre ses réflexions sur la condition de médecin et sur le sentiment de déclassement de la profession.
Que reste-t-il aux praticiens après 40 ans d’exercice ? Pour le Dr M. L., les médecins sont happés par leur vie professionnelle. Ils en oublient de développer d’autres centres d’intérêts. Arrivés à leur retraite, c’est le vide. « C’est un sentiment que nous ressentons tout au long de notre carrière, pas seulement lorsque nous arrêtons notre activité », constate la blogueuse, qui stigmatise ainsi le mal être de la profession.
« Autrefois, les médecins était valorisés par la société, ils y puisaient une source de satisfaction, juge-t-elle. Aujourd’hui que nous sommes critiqués et remis en cause, nous n’avons rien pour compenser parce que nous n’avons pas su explorer d’autres champs en dehors de la médecine. » Conséquence, selon elle : bon nombre de praticiens ont perdu toute estime d'eux-mêmes.
La passion du métier, un piège auquel on n’échappe pas ?
Les jeunes générations échappent-elles à ce piège ? Pas sûr, estime la blogueuse pour qui « lorsque l’on rentre dans le système, on se fait happer par les tâches médicales, vous ne pouvez pas y échapper ». Si certains parviennent à préserver leur vie personnelle et à développer des activités extra-professionnelles, ils prennent le risque d’être déconsidérés par leurs confrères qui vont sévèrement juger leur manque d’implication. Pas si simple d’échapper aux obligations de ce métier tellement accaparant.
« Nous sommes nos propres persécuteurs car nous sommes dans l’incapacité à sortir de notre métier. » Cette souffrance n’est pas que le problème des soignants, souligne M. L. : « On ne peut pas demander à une profession qu’on dévalorise et qui a du mal à se valoriser elle-même de soigner correctement la population. » Autrement dit, pour bien soigner les patients, il faut commencer par soigner les médecins.
Le remède ? Il faut redonner de la valeur aux soignants. Et cela passe par la rémunération. « Je ne suis pas en train de dire qu’il faut moins de sécurité sociale, nuance la praticienne. Mais comment voulez-vous qu’on ait de la valeur aux yeux des gens si on ne coûte rien ? » Autant dire que dans ce contexte, le projet du gouvernement de généraliser le tiers payant intégral passe mal aux yeux du médecin.
Malgré ce constat un peu amer, M. L. garde intact son enthousiasme pour le métier. Si c’était à refaire ? « Je n’hésiterais pas une seule seconde, j’adore ce métier. Mais j’essaierais de moins travailler », répond le médecin qui avoue ne pas avoir la recette pour y parvenir. « Nous allons accueillir un cinquième associé, et pourtant je travaille toujours autant… »
Lire le blog Cris et chuchotements médicaux.
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