Ces murs qui brident les transversalités

Médecins, pharmaciens... : regards croisés de professionnels libéraux

Publié le 06/11/2014
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« Quand vous êtes sur le terrain et qu’un médecin, une infirmière et un pharmacien se parlent autour d’un patient, comme par hasard, la coordination se met en route. Sauf qu’on bricole parce qu’on n’a pas les bons outils, ce qui nous fait perdre du temps inutilement par manque d’organisation », résume Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO).

Pour le président du Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Roger Rua, le principal problème de la transversalité des missions entre professionnels de santé, « c’est que celle-ci est trop souvent présentée comme une économie de santé, c’est-à-dire que l’on va prendre de l’activité aux médecins que l’on considère comme trop chère pour la donner à une autre profession de santé comme un pourboire parce que l’on sait qu’elle peut le faire moins cher ». Et cette « mauvaise présentation » est de nature à irriter l’ensemble des acteurs, ajoute-t-il. Afin d’exercer « vers le haut » cette transversalité interprofessionnelle, une réflexion préalable et approfondie s’avère nécessaire, insiste le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). « La médecine évolue, je ne suis pas contre des évolutions dans nos organisations, nos activités et nos différents actes mais on ne peut pas faire de la délégation de tâche au hasard d’un texte comme cela est prévu dans la future loi de santé », souligne-t-il.

Entre professionnels de ville, des actions se mettent en place à l’image du partenariat entre le SML, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Association française des diabétiques (AFD) dans le but d’harmoniser le parcours du patient diabétique chronique entre le médecin et le pharmacien. Mais ce type de rapprochement demeure rare. « En l’absence d’un réel cadre national, pour porter des projets locaux, le système est un peu bridé », pointe Gilles Bonnefond. « Toute initiative d’URPS doit être validée par la Haute Autorité de Santé (HAS) et visée par l’UNPS, et cela ne peut être déposé qu’à condition qu’il y ait des délégations de tâches. Autant dire que l’affaire est pliée et il ne se passe rien », évoque le président de l’USPO.

Le point noir hospitalier

En ville, « la relation entre médecins généralistes et spécialistes est probablement ce qui marche le mieux aujourd’hui dans notre système de santé », considère le Dr Claude Leicher, président de MG France. « Même s’ils restent encore très informels, des réseaux existent déjà dans tous les domaines en médecine de ville », souligne le Dr Patrick Gasser, président de l’UMESPE qui reconnaît que le lien entre la prise en charge en premier recours du généraliste et l’expertise du spécialiste mériterait d’être renforcé notamment dans le champ des maladies chroniques. L’important, poursuit le Dr Roger Rua, est de donner aux médecins libéraux les moyens se rencontrer sur un territoire à l’échelle la plus locale possible, « pas un grand quartier, pas une ville, pas une intercommunalité car sinon, cela ne fonctionnera pas », précise le président du SML. Quant à l’hôpital, il reste sans surprise « le » gros point noir aux yeux des professionnels libéraux. « Lorsqu’on envoie un patient à l’hôpital, on a le sentiment d’un fonctionnement totalement autonome de l’hôpital par rapport à nous », constate le Dr Leicher. Même constat de Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) : « La coordination est plus difficile avec les hôpitaux publics. Ils ont du mal à travailler avec la médecine de ville, donc avec les cliniques, ce n’est pas nouveau… » Pour le président de la CSMF, la mesure du projet de loi de santé sur la généralisation de la lettre de sortie du patient « donne une idée du point d’où nous partons ». Outre un véritable système d’information entre la ville et l’hôpital, le Dr Roger Rua estime essentiel que les professionnels de ville puissent « s’organiser en amont et non plus en aval de l’entrée à l’hôpital », en dehors du cas spécifique des urgences.

Samuel Spadone

Source : Le Quotidien du Médecin: 9363