L'EXERCICE 2007 ne laissera pas un souvenir impérissable aux médecins libéraux.
Selon les déclarations fiscales issues du réseau des AGA de l'UNAPL, qui brassent des effectifs significatifs (14 000 généralistes, 1 000 ophtalmologues, 850 anesthésistes, etc.), et que « le Quotidien » a pu se procurer pour l'ensemble des spécialités, le cru 2007 des revenus se révèle moyen, surtout si l'on tient compte de la reprise de l'inflation (1,5 % l'an passé, chiffre en hausse en 2008).
Seule une poignée de spécialités affichent une progression supérieure à 5 % de leur revenu (charges déduites, mais avant impôt).
À l'inverse, une douzaine de disciplines voient leur résultat stagner ou régresser, et parfois lourdement, sans que la hiérarchie générale des revenus des médecins libéraux soit modifiée (page 6).
Côté généralistes, l'exercice se révèle juste correct (un peu au-dessus de 4 %) dans un contexte de baisse d'activité amortie par les revalorisations. État des lieux.
Médecins généralistes: +3400 euros en moyenne
Même si tous les médecins de famille ne se reconnaîtront pas dans la moyenne des 14 000 généralistes adhérents à une AGA de l'UNAPL (1), la progression du revenu imposable atteint 4,4 % en 2007, à 81 000 euros (3 400 euros de plus qu'en 2006). Un chiffre conforme à celui établi par l'assurance-maladie qui mesure une augmentation proche de 5 % du poste honoraires l'an passé.
Ce résultat s'inscrit dans un cycle de trois ans de hausse modérée (+ 3,9 % en 2005, + 2,4 % en 2006), qui suivait une année 2004 catastrophique (- 5,1 %). On est loin, en tout cas, de retrouver les « sauts » de revenus des années 2002 (+ 15 %) et 2003 (+ 8,5 %) dans la foulée de revalorisations inédites sur fond d'activité soutenue.
Première évidence : ce n'est pas (plus) la course au volume qui soutient le revenu en médecine générale. Au contraire : dans un contexte épidémique faible et une activité globale (C + V) en légère baisse (– 0,4%) sur 2007 (le premier semestre de 2008 amplifie cette tendance), c'est l'effet « tarifs » qui permet aux généralistes de limiter la casse. La revalorisation du C à 21 euros (au 1er août 2006 et qui a continué à porter ses effets sur l'année suivante), puis surtout à 22 euros au milieu de l'exercice 2007 (1er juillet), a dopé les revenus, de même que l'augmentation du tarif des visites à compter de novembre 2006 et certaines mesures concernant la permanence des soins. En revanche, la montée en charge des forfaits ALD pour le médecin traitant (40 euros par patient) était déjà intégrée dans les comptes de l'exercice précédent.
Les syndicats n'ont pas la même lecture de ces chiffres. Le Dr Michel Combier, président de l'UNOF (généralistes de la CSMF), y voit la validation de la stratégie conventionnelle. «C'est la démonstration que la hausse régulière de l'acte fait baisser les volumes. Sans sortir les trompettes, cette convention a quand même apporté davantage aux généralistes que la précédente. On peut trouver que la hausse est insuffisante. Mais, dans le pays, qui a augmenté son revenu de +4,4% en 2007?» MG-France, qui a fait ses calculs, est loin de partager ce point de vue. «Le chiffre moyen des AGA est tiré à la hausse par les gros chiffres d'affaires, pour l'ensemble des généralistes, on table plutôt sur une hausse comprise entre 1 et 2% en 2007, nuance le Dr Thierry Lebrun, premier vice-président du syndicat . Surtout, le différentiel avec les spécialistes se creuse toujours. Il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir.»
Des charges contenues en médecine générale.
Selon les statistiques de l'UNAPL, un facteur a permis de préserver le revenu des généralistes : la légère baisse des charges (en rapport au chiffre d'affaires) qui améliore la marge nette. Avec un taux de charges limité à 40,6 % (personnel, taxes diverses, loyers, charges sociales, frais de gestion, assurance…), le résultat imposable du généraliste représente désormais 59,4 % de ses recettes (honoraires). C'est un peu mieux que dans un passé récent lorsque, sur 100 euros de recettes, le médecin ne conservait que 58,90 euros de revenu (2006), 57,60 euros (2005) et moins de 55 euros (années 2000)…
La moyenne de 81 000 euros de bénéfice masque de fortes disparités (du simple au triple) entre les généralistes. Le quart le moins fortuné des médecins de famille émarge à 39 900 euros (moins que le remplaçant…) lorsque le quart le mieux rémunéré a déclaré 131 200 euros (plus que l'ophtalmologue).
Le palmarès des revenus par région est éloquent : il donne la prime aux zones rurales au détriment des agglomérations où la concurrence est plus rude. Ainsi, les généralistes du Nord - Pas-de-Calais se signalent par le revenu moyen le plus élevé (97 300 euros), devant ceux de Picardie (93 100 euros) et des Pays de la Loire (91 900 euros).
Les généralistes de Rhône-Alpes (67 500 euros), de la région PACA (71 300 euros) et d'Ile-de-France (74 500 euros) se situent en queue de peloton.
Spécialités: les perdants du parcours de soins retrouvent quelques couleurs
Côté spécialistes, les résultats se révèlent inégaux, mais globalement en recul par rapport à l'exercice précédent. Alors qu'en 2006 la totalité des spécialistes avaient enregistré une hausse de leurs revenus moyens en euros constants (à l'exception des psychiatres, des dermatologues et des endocrinologues), les résultats 2007 sont moins flatteurs.
Neuf disciplines essuient des pertes nettes (lire tableau ci-dessous). Parmi ces dernières, certaines se situent en tête de l'échelle des revenus, comme les radiologues, pénalisés en 2007 par des mesures ciblées, les chirurgiens orthopédistes (– 3,9 %) ou les cardiologues (– 5,5 %) ; mais on trouve aussi parmi les « perdants » de 2007 des spécialités qui étaient déjà en queue de palmarès, comme les pédiatres (– 2,5 %) ou les gynécologues médicaux (– 2,3 %), et pour lesquels le différentiel de revenus avec la moyenne des spécialistes s'accentue.
En attendant la CCAM clinique.
Certes, une douzaine de spécialités enregistrent une croissance de leur bénéfice supérieure à l'inflation ; en réalité, pour les disciplines cliniques qui avaient été pénalisées lourdement par le parcours de soins et le « filtrage » du médecin traitant (baisse de 4 % du volume des CS en 2006), il s'agit seulement d'un début de rattrapage des honoraires plus ou moins rapide. Il concerne les rhumatologues (+ 9 %), les dermatologues (+ 8 %) et les pneumologues (+ 6,8%), dans une moindre mesure, les ORL (+ 3,5 %) et les endocrinologues (+ 2 %), tandis que le bénéfice des psychiatres reste stable (+ 0,8 %). Cette amorce de rééquilibrage (en attendant la réforme des consultations, qui se traduira d'abord par la valorisation de quelques CS lourdes et complexes) sera un motif de satisfaction pour les partenaires conventionnels qui s'efforcent d'amortir les coups durs pour les spécialités délaissées grâce à des mesures de nomenclature ciblées (souvent appliquées avec retard). Le Dr Jean-François Rey, chef de file des spécialistes de la CSMF, estime que ce «mouvement de balancier» pour les spécialités qui avaient souffert du parcours de soins est logique. «Après la communication caricaturale des caisses pour empêcher l'accès direct, il y a eu un retour au bon sens des Français. Les liens se sont resserrés entre les généralistes et les spécialistes. Et certaines mesures d'accompagnement ont porté leurs fruits.»
Pour les « techniciens », les évolutions de revenus sont hétérogènes : si certains comme les anesthésistes (+ 4,4 %) ou les gastro-entérologues (3 %) ont accru leur bénéfice (au prix d'un surcroît d'activité et grâce à la mise en oeuvre de la deuxième étape de revalorisations – 15 % – des actes gagnants de la CCAM), plusieurs spécialités exerçant sur plateaux techniques lourds subissent des pertes sèches, comme les obstétriciens et diverses spécialités chirurgicales (– 1,3 % en chirurgie générale, – 3,9 % pour les orthopédistes…).
Le Dr Jacques Caton, chirurgien orthopédiste à Lyon, explique la baisse de revenus par «le poids croissant des charges, le blocage durable de certains tarifs majeurs, comme la prothèse de hanche et le discours antidépassements qui pèse…». Des arguments partagés par d'autres représentants des syndicats de spécialistes. Selon la CNAM, le taux de dépassement de l'ensemble des spécialistes libéraux de secteur II et DP s'est stabilisé en 2007 à 51 % (rapport entre les dépassements et les honoraires sans dépassements). «Contrairement au discours ambiant, les résultats des spécialistes montrent qu'il n'y a pas eu d'explosion des dépassements, analyse le Dr Olivier Aynaud, secrétaire général de l'UNAPL. Or la sous-tarification chronique des actes pèse sur un secteur qui a les mêmes contraintes de charges que toutes les TPE et aurait besoin de davantage de visibilité…»
(1) Pour les généralistes, les résultats fiscaux issus des AGA sont généralement un peu supérieurs à la moyenne de l'ensemble des omnipraticiens (incluant les MEP). À l'inverse, pour les spécialistes, les données fiscales des AGA sont parfois minorées, puisqu'elles ne concernent pas les praticiens exerçant en SEL (société d'exercice libéral), mode d'exercice privilégié par les cabinets à hauts revenus.
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