B APTISE familièrement le « G7 », le groupe de réflexion qui réunit trois syndicats de médecins libéraux - la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le Syndicat des médecins libéraux (SML), la Fédération des médecins de France (FMF) - et les confédérations syndicales de salariés qui gèrent l'assurance-maladie (FO, CGT, CFE-CGC, CFTC), à l'exception de la CFDT, joue son va-tout cette semaine.
Après huit mois d'intenses discussions sur les modalités d'une réforme de l'organisation des soins de ville, les participants se sont donné trois petits jours pour parvenir à un accord qui pose les bases d'une nouvelle convention médicale et qui pourrait constituer l'alternative tant recherchée à la politique actuelle de maîtrise des dépenses de santé, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle est un échec.
Calqués sur la démarche de refondation sociale lancée par le Medef, les travaux de cette « refondation partenariale » entre représentants des médecins et gestionnaires de l'assurance-maladie se sont déroulés en deux temps. Les participants se sont d'abord mis d'accord sur les principes mêmes de la discussion. Un préambule a donc été élaboré, qui prévoit notamment le retour à une convention unique à tous les médecins et la mise en place d'une « maîtrise médicalisée et concertée » de l'évolution des dépenses d'assurance-maladie.
Une dizaine de thèmes, relatifs à l'exercice médical, ont ensuite été explorés jusqu'à la dernière réunion qui s'est tenue il y a quelques semaines. La politique de santé, la régionalisation du système, l'offre de soins et la démographie, la coordination des soins, les pratiques professionnelles, la maîtrise des dépenses, ou encore la définition et la valeur des actes, et les secteurs d'exercice ont ainsi été passés en revue.
Ce sont ces deux derniers thèmes qui ont été, semble-t-il, le plus épineux. En effet, si l'ensemble des participants paraît aujourd'hui d'accord pour mettre en place un système de régulation des dépenses de médecine de ville fondé sur la qualité et la coordination des soins, système dans lequel le médecin serait responsable individuellement de l'utilité et de l'efficience de ses actes, les discussions ont été plus difficiles sur le niveau de rémunération de la consultation et les secteurs d'exercice.
Les syndicats de médecins libéraux qui dénoncent l'absence de revalorisation de leurs actes depuis plusieurs années veulent obtenir une nette augmentation du tarif de la consultation. Les syndicats gestionnaires de l'assurance-maladie ne peuvent s'engager dans ce domaine que s'ils obtiennent des garanties en échange. En outre, on connaît l'opposition farouche de certains syndicats de salariés au secteur à honoraires libres. La régionalisation du système ne ferait pas non plus l'objet d'un consensus.
D'indispensables compromis
Le séminaire de ce week-end devrait donc tenter « de lever les derniers obstacles » à un accord, selon l'expression d'un des participants. Tous affichent cependant un bel optimisme. Le dialogue établi depuis plusieurs mois, qui a été, de l'avis de tous, « constructif et fructueux », devrait permettre d'aplanir les dernières divergences et d'aboutir à un accord, même si, comme le reconnaît le président de la FMF, il faudra que chacun accepte des « compromis ».
Le document de synthèse, dont les grandes lignes ont déjà été écrites, sera, s'il est adopté, soumis aux instances respectives de chaque organisation avant d'être présenté au gouvernement et à la Caisse nationale d'assurance-maladie. La CSMF a déjà convoqué, pour le 12 mai, une assemblée générale extraordinaire.
D'autres concertations
L'enjeu est bien évidemment d'aboutir à un texte commun avant la réunion du second « Grenelle de la santé » et surtout avant la préparation de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002. Des propositions très attendues dans le cadre de la concertation engagée par le gouvernement pour réformer la médecine de ville. Tout comme le seront sans doute les propositions du groupe de travail que la CFDT, qui préside la CNAM, a mis sur pied de son côté avec plusieurs syndicats de professionnels de santé. Ces multiples lieux de discussions ont même conduit le Medef à renoncer provisoirement à ouvrir le chantier de l'assurance-maladie. L'organsiation patronale devrait se contenter d'une « contribution à des réflexions à venir », a indiqué le vice-président délégué du Medef, Denis Kessler.
Les participants au G7 estiment que l'accord entre eux est possible
« L E QUOTIDIEN » donne ci-dessous la parole à quelques-uns des principaux participants aux travaux du groupe de concertation dit du G7. Tous estiment qu'un accord sur des propositions communes de réforme de la médecine de ville est à portée de main.
Le Dr Michel Chassang (Confédération des syndicats médicaux français)
Nous accordons une très grande importance à cette réflexion commune car c'est la seule alternative crédible et jamais la période n'a été aussi propice à un vrai changement : le système conventionnel est à bout de souffle et plus personne ne veut du système actuel de maîtrise des dépenses. Notre travail s'inscrit dans le temps et regroupe des organisations majoritaires. Il a de bonnes chances de réussir. Nous avons le devoir de proposer quelque chose d'intelligent et de durable. Mais j'ai confiance. Les événements nous confortent chaque jour dans notre démarche et les discussions ont été ouvertes et très fructueuses. Curieusement, ce ne sont pas les sujets qui paraissaient a priori les plus sensibles qui nous ont posé le plus de problèmes bien que la question des secteurs d'exercice ou de la régionalisation du système restent des sujets difficiles. Il n'y a pas cependant de divergences majeures entre nous. D'autant que nous avons désormais une obligation de résultats. C'est l'intérêt de tous qu'on aboutisse, celui des médecins et des assurés, mais également celui de l'Etat qui n'a visiblement pas de propositions dans ses cartons.
Le Dr Dinorino Cabrera (Syndicat des médecins libéraux)
Au commencement de ces discussions, j'étais préoccupé et je m'interrogeais sur la possibilité de nous entendre. Mais on s'est très vite rendu compte que le dialogue était possible et une alternative au système actuel envisageable. Notre approche commune est celle de la qualité des soins : les médecins ne doivent pas être garants du coût mais de la pertinence, de l'utilité et de l'efficacité d'un acte. C'est la seule façon de rétablir la confiance avec le patient et de faire ensuite que ce dernier n'abuse pas du système, par défiance ou doute. Je pense donc que nous devrions aboutir à des propositions communes dans ce sens. Toutes les organisations ont évolué dans leur discours et les esprits sont matures. Je suis optimiste. Il reste à savoir si, ensuite, la classe politique aura le courage de reprendre nos propositions. L'opposition, en tout cas, est très attentive à nos projets. Je ne veux pas faire de politique politicienne, mais ma conviction est que celui qui ne nous écoutera pas commettra une erreur et que la santé sera un des enjeux majeurs de la prochaine élection présidentielle.
Le Dr Jean Gras (Fédération des médecins de France)
Notre objectif est toujours le même : aboutir à une plate-forme de propositions communes dans la perspective de négocier et de signer une convention nationale (médecins/assurance-maladie) polycatégorielle sur ces bases. Il faut qu'on aboutisse. J'ai conscience que le texte auquel nous parviendrons sera forcément un texte de compromis de la part des uns et des autres. Mais l'enjeu est suffisamment important pour exiger de nous des compromis, ce qui ne veut pas dire compromission.
Donat Décisier (CGT)
Nos rencontres régulières se sont déroulées dans un esprit d'ouverture et ont permis à chacun d'être constructif. Nous devrions donc parvenir à un accord sur ce qui pourrait être une convention médicale alternative qui tournerait le dos à la maîtrise comptable des dépenses d'assurance-maaldie mise en place par le plan Juppé. Le séminaire a pour objectif de lever les derniers obstacles. J'espère qu'ils seront levés et je suis plutôt optimiste. Je trouve cependant dommage qu'en raison de la situation de blocage qui prévaut à la Caisse nationale d'assurance-maladie, le lieu de discussions avec les syndicats de médecins se soit déplacé à l'extérieur. Si nous parvenons à un accord nous le soumettrons toutefois au gouvernement et à la CNAM et chacun devra ensuite prendre ses responsabilités. Je ne suis pas convaincu qu'ils soient encore prêts à renverser complètement la logique des ordonnances de 1996 mais s'ils reprennent nos propositions nous ne pourrons que nous en féliciter.
André Hoguet (CFTC)
Notre réflexion s'est inscrite dans une démarche de qualité et non de maîtrise budgétaire des dépenses. La maîtrise médicalisée que nous défendons, c'est la juste réponse à apporter aux besoins de soins, la maîtrise des coûts devant en découler. L'ONDAM n'a de sens que s'il correspond aux besoins de la population. Cela a été le fil conducteur de nos discussions durant huit mois, tous les points les plus sensibles ont été examinés et tout le monde a aujourd'hui la volonté d'aboutir. Si c'est le cas, nous présenterons un document de travail qui devra servir de bas à la négociation d'une convention médicale unique pour remplacer la convention actuelle qui est moribonde. Nous demanderons à la CNAM d'ouvrir des négociations dans ce sens et si elle ne le veut pas nous nous tournerons vers le gouvernement. Nous souhaitons que cette nouvelle convention puisse être mise en place avant la fin de l'année car elle devra constituer l'élément central de la régulation des dépenses.
Solange Morgenstern (CFE-CGC)
On a beaucoup travaillé. L'objectif désormais est de mettre en forme les idées dont on a débattu pour déboucher sur des propositions concrètes de rénovation des relations contractuelles avec les médecins libéraux. Nous avons cherché un consensus sur un dispositif qui maintienne un système de soins de qualité tout en préservant la solidarité et dans lequel les professionnels trouvent leur compte. Nous sommes optimistes sur l'issue de ces travaux en raison de la confiance qui est née de ces longs débats et de la recherche commune de solutions. L'originalité de nos travaux est qu'on est parti du terrain, de la préoccupation des médecins et des assurés. Il peut en découler des orientations plus crédibles pour fonder une convention, la structurer et la faire vivre. Jusque-là, les négociations conventionnelles avaient eu lieu dans un rapport de force avec une préoccupation unique qui était la recherche d'économies. Là, nous avons discuté à pied d'égalité avec une volonté de compréhension mutuelle. C'est cette aspect démocratique de la discussion qui n'a jamais eu sa place auparavant et qui a été fructueuse
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