Invités à attendre encore un an pour savoir à quelle sauce ils seront mangés au sein d'une assurance-maladie réformée (ou modernisée), les médecins, plutôt épargnés par le PLFSS 2004, prennent leur mal en patience avec plus ou moins bonne grâce.
Mis à part le Dr Pierre Costes, président de MG-France, pour qui « ne peuvent être déçus que ceux qui espéraient », les médecins sont tous déçus par le plan qu'a concocté Jean-François Mattei pour non pas reboucher mais pour limiter le creusement du trou de la Sécurité sociale.
« Ce ne sont pas les petites rustines constituées de "recettes de poche" ou d'économies de "bouts de chandelle" (...) qui vont être de nature à colmater les brèches », s'emporte la Confédération des syndicats médicaux (CSMF) qui « exige du gouvernement qu'il ne renonce pas » en 2005 à « une réforme en profondeur » de l'assurance-maladie.
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), s'interroge lui aussi sur les « mesures ponctuelles » mises en uvre pour limiter les dégâts (hausse du forfait hospitalier, taxation de l'industrie pharmaceutique...) : « Je ne sais pas s'il fallait les prendre ou non mais j'espère que ce seront les dernières du genre. Ce ne sont que des variables d'ajustement, ce n'est pas sain. »
Persuadé qu' « il n'y a plus aucun espoir de modifier profondément l'équilibre de l'assurance-maladie par des mesures ponctuelles sur tel ou tel élément », Pierre Costes ne se fait pas non plus d'illusion : « L'ensemble des mesures (du PLFSS 2004) ne fait pas une politique de santé. C'est évident. »
A la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Claude Régi, qui préside le syndicat, pense de la même façon que ce n'est « pas en glanant quatre sous à droite, quatre sous à gauche » que la Sécurité sociale viendra à bout de ses difficultés ; mais à ses yeux, le gouvernement se trompe de logique : « Au lieu de focaliser sur le trou de la Sécu, il faudrait se poser la question de savoir "comment faut-il l'approvisionner ?" Le trou n'a pas été fait à des fins inutiles. Les dépenses de santé répondent à des besoins phénoménaux, elles devraient être considérées comme une richesse, une dynamique ».
« Programme minimal »
Du côté des hospitaliers, on n'est guère plus amène à l'égard des projets de Jean-François Mattei pour 2004. La présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), Rachel Bocher, est « déçue ». « L'heure, dit-elle, est au programme minimal » et les choix du ministre de la Santé sont « inéquitables socialement, inefficaces économiquement et bien en deçà des enjeux ». Le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), est sur une ligne tout aussi sévère : « Alors que le drame lié à la canicule et les signes d'alerte quotidiens de dysfonctionnements hospitaliers auraient dû conduire à l'établissement d'une véritable politique contractuelle disposant d'un financement suffisant, (le) projet de loi organise la restriction et l'iniquité. »
« Grande prudence » et « grande inquiétude » aussi pour Pierre Faraggi, qui préside la Confédération des hôpitaux généraux (CHG). Alors que l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) a été fixé à 4 % pour 2004, le Dr Faraggi est très pessimiste : « A l'hôpital, ça ne va pas passer », prévient-il.
Ce ralentissement général de la hausse des dépenses a priori inquiète nettement plus les hospitaliers, qui fonctionnent dans une enveloppe fermée, que les libéraux. Si Rachel Bocher considère que les moyens alloués à son institution vont être « largement insuffisants », si le Dr Aubart remet l'ONDAM de 2004 en perspective, en rappelant que « l'augmentation mécanique des dépenses liées au vieillissement et à l'innovation est de 3 % cette année », le Dr Pierre Costes résume à demi-mot le sentiment des médecins de ville, auxquels rien n'est opposable, par cette formule : « Les chiffres, depuis quelques années, montrent bien leur limite entre l'observé et le réalisé ».
La CSMF, pour sa part, tout en jugeant que « l'ONDAM retenu pour 2004 est irréaliste et ne tient nullement compte des besoins médicaux » ne voit pas comment sera évité « un nouveau déficit l'année prochaine ». Quant au Dr Cabrera, il se félicite : « Pour la deuxième fois consécutive, les médecins ne sont pas montrés du doigt dans ce PLFSS. C'est un changement important par rapport à une tradition passée. »
Sur le fond, les efforts de rationalisation de leur pratique demandé aux médecins libéraux - « des mesures de bon sens (présentées aux médecins) de manière volontariste et sans coercition », selon le Dr Costes - ne rencontrent pas d'hostilité particulière. « Cela ne me gêne pas, commente le président du SML, qui rappelle qu'il « demande depuis fort longtemps aux caisses un accord de bon usage des soins sur les arrêts de travail ».
Peu convaincu de son efficacité économique, Jean-Claude Régi, ne refuse pas pour autant de participer à « la chasse au gaspi ». Quant au Dr Michel Chassang, président de la CSMF, il jouera aussi le jeu : « Nous prendrons nos responsabilités et ferons les efforts que l'on nous demande, explique-t-il ; en revanche, nous ne participerons pas au système actuel, c'est-à-dire que nous ne signerons pas de convention ».
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