La boucle est bouclée : Jean-François Mattei a désormais sur son bureau les trois rapports qu'il avait commandés pour préparer sa réforme de la Sécurité sociale, prévue pour l'automne.
Après la très légère potion « Ruellan » (sur les relations entre l'Etat et l'assurance-maladie), après le remède de cheval « Chadelat » (partage des rôles entre régimes obligatoires et assurances complémentaires), voici le traitement proposé par Alain Coulomb, directeur de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).
Le rapport qu'il vient de remettre au ministre de la santé vise à « ancrer l'ONDAM (l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie, voté chaque année par le parlement, NDLR) dans le domaine sanitaire », autrement dit à asseoir cet objectif sur des critères médicaux et non plus budgétaires.
Le mal était connu depuis longtemps. Introduit par les ordonnances Juppé, l'ONDAM a lourdement failli (« le Quotidien » d'hier). Il apparaît comme un outil économique absurde, symbole d'une maîtrise comptable à la fois aveugle et inefficace. Depuis 1998, l'objectif voté par des parlementaires de plus en plus dépités a été systématiquement dépassé, pour atteindre 13 milliards d'euros de dérapages cumulés. Jean-François Mattei, dès son arrivée Avenue de Ségur, a voulu rendre sa crédibilité à l'ONDAM en fondant son évolution sur l' « analyse de l'activité des soins et des besoins ». L'idée sous-jacente était déjà d'élaborer un instrument de référence incontestable, rendant plus légitimes des mesures de rationalisation des dépenses.
Trois points d'évolution incompressible
Le rapport Coulomb tente précisément de relever ce défi. Sa proposition phare consiste à prendre en compte, dans la détermination de l'ONDAM, ce qui relève d'une évolution inévitable et incompressible de la dépense. Selon le rapport, trois déterminants « objectifs » sont responsables de « 3 à 3,5 points en volume » d'évolution des dépenses de santé : la croissance économique, l'âge et le vieillissement et le progrès technique. Ces paramètres caractérisent en quelque sorte la dérive naturelle de la dépense pour laquelle il n'y a pas grand-chose à faire. En revanche, et c'est tout l'enjeu de la mission Coulomb, le rapport analyse les autres critères (système de soins, pratiques professionnelles, comportements socioculturels...) sur lesquels il convient de « peser » par une action « volontariste » pour « parvenir à une rationalisation » des dépenses à court ou à moyen terme. Avec un fil rouge : la recherche de la qualité des soins, source d'économies.
Le groupe de travail retient plusieurs « leviers d'action » et prône une trentaine de recommandations plus ou moins concrètes et novatrices. La responsabilisation accrue des professionnels et des assurés est mise en exergue. Le rapport suggère « le développement des programmes de prévention primaire et secondaire », « l'encouragement des aides à la prescription avec son impact sur les affections iatrogènes », ou encore « l'encadrement de certains actes ou prescriptions », comme la visite, le générique ou l'antibiothérapie. L'évaluation des pratiques et comportements des professionnels et des assurés doit, selon le rapport, être conduite plus fermement. Si la promotion des recommandations et des référentiels ne surprendra personne, le rapport plaide pour le suivi des « grands consommateurs atypiques » (grâce au système d'information des régimes d'assurance-maladie), mais aussi des « principales pathologies ». Il s'agit clairement de déceler l'existence de pratiques ou comportements « déviants » et de les corriger. Comment ? Selon le rapport, les actions d'accompagnement relèvent notamment d'une « nouvelle définition du rôle du service médical » de l'assurance-maladie, aidé par la généralisation du codage des actes. Si des dérives financières sont constatées au-delà de l'évolution incompressible des dépenses, l'ensemble des acteurs de santé, dont les médecins, « pourraient se voir opposer la part de l'ONDAM médicalisé susceptible de leur être imputable ». « Il paraît tout à fait possible de contractualiser une partie de l'évolution des dépenses de santé, quel que soit le type de dépenses », précise le groupe de travail. Faut-il déceler le retour d'éventuelles sanctions par un système de blocage ou de reversements d'honoraires ? Le rapport, qui multiplie les précautions vis-à-vis du corps médical, ne va pas jusque-là. Plus que la pénalisation (le plan Juppé a laissé des traces), il propose d'appliquer ou d'expérimenter le principe de la « discrimination positive », qui récompense les comportements vertueux. L'adhésion à des programmes de santé publique pourrait être valorisée, les contrats de bonne pratique et accords de bon usage des soins (AcBUS) encouragés, de même que la participation à des réseaux de santé.
Le rapport pose enfin deux garde-fous. Il estime que la pluriannualité de l'ONDAM médicalisé « s'impose » et il plaide pour sa déclinaison régionale par le biais d'ORDAM (objectifs régionaux de dépenses prenant appui sur les conférences régionales de santé). La mission Coulomb se veut optimiste : dès 2004, l'élaboration d'un ONDAM médicalisé « crédible et légitime » serait possible.
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