Quinze milliards d'euros ! Tel eût été le déficit, abyssal, du régime général de la Sécu l'an prochain sans mesures nouvelles (voir page 4).
Face à une situation financière aussi dégradée, confrontés à une conjoncture exécrable qui tarit les recettes (2 milliards d'euros de manque à gagner en 2009), Éric Woerth (Comptes publics) et Roselyne Bachelot (Santé) ont dévoilé les grandes lignes d'un PLFSS (lire ci-dessous) qui ressemble fort à la quadrature du cercle.
«Les arbitrages ont été plus difficiles», admet Roselyne Bachelot dans un bel euphémisme. «Ne croyez pas que la crise n'aura pas d'impact sur les finances sociales», ose Éric Woerth. Mais quelqu'un le croyait-il ?
De fait, le gouvernement se permet d'afficher un effort de redressement ambitieux de 6 milliards d'euros afin d'endiguer le déficit du régime général en dessous du seuil de 9 milliards d'euros l'an prochain ; mais il évite au maximum les mesures comptables unilatérales qui auraient pénalisé davantage l'activité ou le pouvoir d'achat des Français.
Tensions.
C'est la raison pour laquelle Matignon a écarté l'idée radicale d'une participation financière supplémentaire directe des assurés via la hausse du ticket modérateur (idée défendue cet été à Bercy). Une telle mesure aurait provoqué un tollé. Le gouvernement a préféré une disposition présentée comme «vertueuse», en l'occurrence, la lourde pénalisation de la minorité d'assurés qui n'ont pas de médecin traitant ou qui ne respectent pas le parcours de soins. Pratiquer le « hors-piste » dans le système de soins français va devenir hors de prix !
Certes, les complémentaires sont, elles, lourdement taxées en 2009 (1 milliard d'euros). Mais le gouvernement explique que la monnaie d'échange, c'est-à-dire leur implication accrue dans la gestion du risque (participation aux négociations), permettra de modérer les prix dans deux secteurs stratégiques, l'optique et le dentaire. Même si les usagers peuvent aussi redouter des hausses de cotisations à court ou moyen terme…
Sous réserve que les parlementaires ne durcissent pas le texte, les médecins libéraux, de leur côté, ont évité le retour de dispositifs de maîtrise comptable honnis par la profession. Le gouvernement, qui a consulté discrètement les syndicats, ne voulait pas prendre le risque d'un divorce avec le corps médical. Mais, derrière l'habillage, le PLFSS commande une maîtrise «vigoureuse» des dépenses. L'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), fixé à 3,3 % l'an prochain, ce qui suppose deux milliards d'économies, n'autorisera aucune largesse, ni en ville (+ 3,1 %) ni à l'hôpital (+ 3,1 %). Cet effort passe notamment par le déploiement de mesures déjà votées l'an passé : délai de six mois entre un accord de revalorisation et sa mise en oeuvre ; extension des cas de mise sous accord préalable ; grands conditionnements pour les traitements longs ; dossier pharmaceutique ; restructuration du réseau officinal ; nouveaux modes de rémunération des médecins ; contrats individuels « à la performance » pour booster la maîtrise médicalisée…
Surtout, le gouvernement érige en priorité la recherche de gains d' «efficience» (soigner mieux au meilleur coût), qu'il s'agisse des soins et des traitements prodigués ou des tarifs pratiqués. Il convient, explique Roselyne Bachelot, d' «infléchir la consommation de soins dont la justification médicale est discutable».La Haute Autorité de santé (HAS) aura désormais un rôle décisif : avis médico-économiques, recommandations «claires», référentiels prévoyant le nombre d'actes ou de séances pour des traitements précis…
«Cela n'entravera pas la liberté de prescription», a assuré Roselyne Bachelot.
En miroir, les efforts demandés à l'hôpital peuvent paraître plus minces. Mais les gestionnaires d'hôpitaux «devront mobiliser toutes les marges de productivité qui existent dans leurs établissements», a averti Éric Woerth.
Certains trouveront quelques motifs de satisfaction dans ce PLFSS. Les tenants de l'orthodoxie budgétaire se réjouiront de la «clarification» des comptes avec le transfert à la CADES de 26,6 milliards de dettes. Le durcissement de la lutte antifraudes, avec des peines planchers, ne passera pas inaperçu.
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