A l'époque, l'affaire avait fait grand bruit. Médecin de montagne à Prapoutel, le Dr Sophie Lerat avait été condamnée en première instance en 2002 par la section sociale du Conseil de l'Ordre de Rhône-Alpes à un mois ferme d'interdiction d'exercice de la médecine. Ses torts ? Des erreurs de cotation pour un montant total de 299 euros (« le Quotidien » du 19 décembre 2002).
Cette condamnation avait provoqué l'exaspération des quelque 300 praticiens membres de l'Association des médecins de montagne, qui avaient menacé de fermer leur cabinet durant la saison de ski. Selon Me Lorach, avocat du Dr Lerat, cette décision de justice était « aberrante » : « La nomenclature appliquée aux actes que doit accomplir tous les jours un médecin de montagne est incomplète, obsolète et source de conflit permanent ; même la CNAM [Caisse nationale d'assurance-maladie, NDLR] , à l'époque, l'a reconnu. La meilleure preuve en est que, alertées par le bruit de l'affaire, les autorités s'en sont émues ; des négociations ont eu lieu à l'échelon supérieur et la nomenclature a été modifiée ». Et, de fait, à l'époque, même le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) avait noté, dans un communiqué, les « difficultés » rencontrées par les médecins de montagne dans l'application de la nomenclature et avait souhaité « une réponse définitive dans les meilleurs délais ».
Depuis, sous la pression de l'Association des médecins de montagne, cette nomenclature a été modifiée (notamment pour ce qui concerne le traitement global des lésions ostéo-articulaires), ce qui avait fait dire à Me Lorach, le jour où le Dr Lerat passait en appel, qu' « il est constant en droit pénal, qu'une loi plus douce que la précédente, ait un effet rétroactif ». Peine perdue : la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins (juridiction hébergée par le CNOM, mais indépendante), n'a pas tenu compte de la modification des textes pour statuer. Tels sont ses attendus : « Considérant que la nomenclature générale des actes professionnels est un texte réglementaire qui s'impose aux professionnels de santé (...) ; que la réalité des infractions à la nomenclature (...) est établie par les pièces du dossier ; considérant cependant que le Dr Lerat n'avait jusqu'ici jamais fait l'objet de remarques en ce qui concerne son exercice professionnel ». Et telle est sa sanction : « Interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant quinze jours avec le bénéfice du sursis. »
Ménager la chèvre et le chou
La décision manifeste un souci d'apaisement, même si apparemment, les magistrats ont voulu ménager la chèvre et le chou. Pour la principale intéressée, Sophie Lerat, « la lourdeur de la première sanction est supprimée. Le médecin-conseil [qui poursuivait Sophie Lerat, NDLR] avait demandé la confirmation de la peine, il n'a pas été suivi ». Reste que certains médecins de montagne ont du mal à digérer ce jugement en appel. « Si les médecins-conseils avaient fait leur boulot sur ces questions de nomenclature, Sophie Lerat n'en serait pas là », note l'un d'eux, avant d'ajouter : « En septembre 1999, l'Association des médecins de montagne avait rencontré les médecins-conseils de Haute-Savoie et leur avait signalé les problèmes que, nous, médecins de montagne, rencontrons dans notre activité à cause de cette nomenclature obsolète ; au lieu de réagir, ils sont restés sur leurs positions ». Malgré tout, le Dr Marc-Hervé Binet, président de l'Association, exprime sa satisfaction globale : « La condamnation est symbolique et il n'y a pas de sanction ordinale. Il faut dire qu'après le premier jugement qui condamnait Sophie Lerat à trois mois d'interdiction, dont un mois ferme, il était difficile aux juges d'appel de déjuger totalement les juges de première instance. »
Du chemin à parcourir
Mais les médecins de montagne ne sont pas encore totalement au bout de leur peine. En effet, s'ils bénéficient désormais de la nouvelle nomenclature qu'ils appelaient de leurs vux, certaines de leurs revendications n'ont pas encore été satisfaites, comme le contrat de pratique professionnelle (CPP) portant sur l'aide au maintien des cabinets médicaux dans les stations isolées. D'un coût de 600 000 euros par an pour l'assurance-maladie, ce CPP prévoyait une aide à la modernisation des plateaux techniques situés dans les stations de sport d'hiver en échange de la participation des médecins de montagne à un programme d'amélioration de la qualité des soins. Dans ce cas précis, c'est l'échec des négociations conventionnelles du printemps dernier qui a suspendu le CPP. Mais Marc-Hervé Binet souhaite « ne pas faire d'amalgame entre les deux affaires ; les négociations sur ce dossier ont repris, ce n'est déjà pas mal. Nous espérons conclure prochainement. »
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