L ES derniers étudiants en médecine appelés sous les drapeaux viennent de quitter l'école nationale des officiers de réserve du service de santé des armées, située à Libourne (Gironde). Une école où des générations de carabins, pendant six semaines en général, ont fait leurs classes avant de rejoindre leur affectation dans les unités ou dans les hôpitaux militaires.
Les superbes bâtiments de cette école, dont l'histoire est intimement liée à celle de la cité girondine, seront transmis à la gendarmerie nationale. C'est une page qui se tourne. Des dizaines de milliers de médecins sont passés à Libourne où ils recevaient une formation, somme toute très allégée, d'officier de réserve et une initiation à l'exercice de la médecine en milieu militaire. Mais les carabins d'aujourd'hui ne sombreront sûrement pas dans la nostalgie, trop contents d'échapper à la conscription. Le service de santé des armées (SSA) ayant quelque peu anticipé la professionnalisation des forces, Libourne n'incorporait plus au demeurant que quelques dizaines de médecins tous les deux mois (souvent moins de quarante). En 1996, 2 000 aspirants (essentiellement des médecins, mais aussi des pharmaciens, des dentistes, des vétérinaires) étaient passés par Libourne. Ils n'étaient plus que 315 l'an dernier.
Inquiétude à Cherbourg
La suppression anticipée de la conscription risque-t-elle de poser des problèmes au service de santé des armées ? On affiche chez les médecins militaires une certaine placidité face à cette évolution. « La professionnalisation du SSA est bien avancée, de même que la restructuration des hôpitaux », explique le médecin en chef Christian Estripeau, porte-parole du service. L'armée pourrait donc se passer des quelques dizaines de postes de médecins appelés dont va la priver la fin du service national.
La mesure prise par l'Élysée et Matignon pourrait cependant créer des difficultés au centre hospitalier des armées de Cherbourg. Cet établissement est le seul hôpital militaire qui ne soit pas un hôpital d'instruction des armées à être encore en service sur le territoire national (un autre centre hospitalier des armées est implanté à Djibouti). Il devait fermer ses portes en juillet 2002, mais cette mesure pourrait être anticipée car l'hôpital fonctionne avec des médecins du contingent (notamment en anesthésie-réanimation). Les autres structures hospitalières de Cherbourg, ville excentrée, avaient prévu de parer à la fermeture de l'hôpital militaire qui dispose de 130 à 140 lits. Un projet de création de 120 lits à l'hôpital civil (pour un montant de 196 millions de francs) a été adopté et cette nouvelle structure devrait être opérationnelle en 2004. En attendant, des mesures transitoires ont été adoptées. Mais tout cela a été conçu dans la perspective d'une fermeture de la structure militaire en juillet 2002. « Il apparaît que toute anticipation de cette fermeture créerait des tensions en ce qui concerne l'hôpital civil, qui est un établissement déjà surchargé », indique au « Quotidien » Vincent Le Taillandier, directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Basse-Normandie. Il faut, indique-t-il, tout mettre en uvre pour que la fermeture de Cherbourg ne soit pas anticipée. Élus locaux, ministère de la Défense et ministère de la Santé étudient actuellement les moyens de surmonter les éventuelles difficultés.
Difficultés de recrutement
Le relative sérénité avec laquelle le SSA accueille la fin de la conscription ne saurait cependant éclipser les difficultés que rencontre le service pour recruter des médecins militaires d'active. Le format des forces armées retenu par le gouvernement et l'Élysée impose au service de santé de disposer de 2 430 médecins. Actuellement, il en manque 211 et l'augmentation du nombre de postes offerts au concours des écoles du service de Lyon et de Bordeaux (140 places en 2000) ne fera pas sentir ses effets avant une dizaine d'années. Pour tenter de remédier à ces sous-effectifs de médecins d'active, le SSA, qui souffre d'un départ relativement précoce de certains médecins - qui quittent l'armée vers 43-45 ans -, cherche à favoriser les recrutements collatéraux. Des étudiants en médecine civils peuvent intégrer l'armée à la fin du premier, du deuxième ou du troisième cycle et s'engager pour une carrière longue. Des médecins qui ont déjà passé leur thèse peuvent, par ailleurs, souscrire des contrats pour des durées de deux à quatre ans. Tout en commençant à porter ses fruits, cette politique de recrutements collatéraux n'a pas suffi, pour l'instant, à combler le déficit en médecins militaires. Et cela alors que les forces armées vont être amenées, ainsi que que l'a confirmé Alain Richard, ministre de la Défense, à intensifier leurs actions extérieures. Des opérations qui nécessitent toujours un soutien sanitaire important : (la règle est un médecin par unité élémentaire de 150 militaires). C'est ainsi que plusieurs centaines d'hommes pourraient être dépêchés prochainement en Macédoine.
Pain bénit
La fin anticipée du service militaire est pain bénit pour les 30 000 jeunes Français qui étaient encore susceptibles d'être appelés sous les drapeaux. Officiellement, la décision a été prise, affirme Alain Richard « parce que les effectifs dont nous avons besoin pour satisfaire les besoins de la défense sont en voie d'être réalisés à plus de 85% ». « Les dernières incorporations d'appelés auraient représenté, ajoute-t-il, une charge de recrutement et de mise en place relativement importante pour des petits effectifs qui n'étaient plus strictement nécessaires. » Mais, à un an de l'élection présidentielle, le souci de faire un geste à l'égard de la jeunesse dont Lionel Jospin et Jacques Chirac briguent les suffrages, a sans aucun doute pesé dans cette décision. Voici un an, les sursitaires susceptibles d'être appelés sous les drapeaux s'étaient mobilisés et avaient créé le mouvement des « sans nous » qui avait recueilli une assez large audience. A l'époque, le ministre de la Défense avait affirmé que les armées ne pouvaient se priver des derniers appelés. Il est apparemment revenu sur cette analyse. Il est vrai que, comme le note le communiqué commun de l'Élysée et de Matignon « les recrutements d'engagés et la montée en charge du volontariat se réalisent dans de bonnes conditions ».
Les libérations anticipées
Concrètement, la fin anticipée du service militaire va s'appliquer de la manière suivante : il n'y aura plus aucune incorporation ; ensuite, les appelés incorporés en décembre 2000, et qui auraient dû faire dix mois, seront libérés à la fin août, ceux de février 2001, à la fin septembre, ceux d'avril 2001 à la fin octobre et ceux de juin 2001 à la fin novembre.
Pour les médecins, le problème est un peu plus complexe dans la mesure où les dates d'incorporation ne coïncident pas exactement avec celles des autres appelés. Le Service de santé ignore encore si le dernier contingent, qui a été incorporé en mai 2001, sera assimilé à celui qui a été incorporé en avril, et donc libéré à la fin octobre, ou s'il sera assimilé à celui qui a été incorporé en juin et donc libéré à la fin novembre.
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