Radiés à vie, en octobre 2000, par le conseil régional de l'Ordre de Bretagne, pour « charlatanisme, manipulation mentale et comportement sectaire », la vie des Drs Gérard Colin, urologue, et Lyliane Rocher, généraliste, de Rennes, est loin d'être un long fleuve tranquille.
Le Dr Gérard Colin se dit l'objet, depuis 1995, de « convocations permanentes » de l'Ordre. « En 1998, la Sécurité sociale, qui a reçu des consignes pour briser le renouveau de la pensée médicale actuelle, a fait surveiller ma pratique par cinq médecins experts », rapporte le praticien, qui qualifie l'opération de « meurtrière ». « Ils me poursuivent, car je fais des médecines parallèles. J'ai bien évité de prendre des gens de l'extérieur (dans sa clientèle, NDLR), mais ça suscite quand même des haines, des jalousies. »« Nous sommes dans le même processus que l'agriculture biologique, explique le Dr Colin, qui souligne qu'il a plus de diplômes que les pairs qui l'ont jugé . En médecine comme dans le monde agricole, il y a une prise de conscience face aux pratiques professionnelles conventionnelles. Est-ce qu'on continue, ou est-ce qu'on fait autre chose ? s'interrogent certains. Les malades eux-mêmes se rendront compte qu'il n'y a pas que la chimiothérapie pour les aider. »
Le Dr Gérard Colin a choisi, pour sa part, de faire « autre chose » et autrement, « en étant prudent ». Il a donc créé un « laboratoire de recherche » à Redon (Ille-et-Vilaine), avec, à ses côtés, le Dr Lyliane Rocher, « une pensée originale ».
Médecine retrouvée ? Médecine prédictive ? L'urologue breton est un convaincu. Il a été jusqu'à commercialiser des produits diététiques entre 1978 et 1988. « Or, s'exclame-t-il , et c'est extrêmement grave, "ils" m'ont fait juger en psychiatrie » (dans le cadre d'une procédure ordinale passée, NDLR). Sans parler de pressions exercées sur son épouse gynécologue, pour qu'il se fasse « oublier dans une retraite » qu'il n'entrevoit pas. C'est un fait, le Dr Colin croit en son étoile, et il n'entend pas rester sur le goût amer qui lui laissent des assignations ordinales à répétition.
Une manifestation de soutien
Lui et sa consoeur Lyliane Rocher ont obtenu l'annulation de leur radiation à vie (1). En effet, la section disciplinaire de l'Ordre national a pris cette mesure en appel car elle a tenu compte, « des nullités procédurales : des témoins n'ont pas signé des procès-verbaux d'audition », fait savoir au « Quotidien » le Pr Michel Penneau, président du conseil régional ordinal des Pays de la Loire, instance devant laquelle les deux médecins rennais ont été renvoyés pour un procès bis à la demande de l'Ordre national. L'audience s'est déroulée dans les locaux de la cour administrative d'appel de Nantes (Loire-Atlantique). Les deux médecins étaient soutenus par quelque 200 adeptes des « médecines douces » venus en costume breton faire l'éloge du « rôle du spirituel dans la santé ». Mais ils n'ont pas assisté à l'audience ; ils ont choisi de quitter le prétoire, solidairement, le défenseur du Dr Colin n'étant ni avocat ni médecin, comme le prévoit le règlement. « Mon défenseur, Paul Plougonvin, responsable de Santé Liberté Touraine, ancien colonel et juriste des tribunaux militaires d'exception en Algérie, a été mis à la porte par deux policiers », s'indigne le médecin urologue qui en appelle à « l'application de la loi Kouchner plutôt qu'à la loi de Vichy ».
Quant au « fondement » de la plainte, instruite initialement par le conseil de l'Ordre d'Ille-et-Vilaine, il a toujours cours : « Charlatanisme, manipulation mentale et comportement sectaire », tient à préciser le Pr Michel Penneau. La sentence ordinale devrait être connue au début de juin.
Médecines douces, médecines parallèles ? Pourquoi pas ? En revanche, gare aux euphémismes qui cachent des infractions déontologiques, voire des infiltrations sectaires. Aux frontières suisses, belges et espagnoles, côté français, nombre de praticiens sont prêts à changer de pays dès que des déconvenues et autres « menaces » (ordinales) assombrissent leur exercice.
(1) Un médecin radié peut demander, tous les trois ans, son relèvement.
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