En matière de thérapie cellulaire, les résultats tombent plus vite que n'avance le débat sur le recours aux cellules embryonnaires. Derniers en date, les résultats publiés par deux équipes qui furent déjà pionnières dans l'isolement de cellules souches embryonnaires. Ces deux équipes ont chacune développé un protocole permettant d'obtenir des cellules souches neurales, agrégées sous forme de sphères neurales, à partir de cellules souches embryonnaires. Les deux protocoles diffèrent quelque peu. Le plus simple, a priori, est le protocole israélien, dans lequel la différenciation est induite par culture de cellules souches embryonnaires, sans repiquage et sans renouvellement du milieu nutritif dans la boîte. Dans cette situation de « surculture » (overgrowth), une différenciation spontanée de certaines cellules souches embryonnaires en cellules souches neurales avait déjà été rapportée par l'équipe. Cette fois, les chercheurs ont simplement poussé le travail plus loin, en repérant les cellules différenciées au microscope, pour les prélever et les cultiver en présence de FGF et EGF (Fibroblast et Epidermal Growth Factor), pour aboutir à des structures agrégées très analogues aux sphères neurales, et contenant effectivement principalement des cellules souches neurales.
L'obtention de cellules souches neurales
Le protocole américain est un peu plus sophistiqué et comporte notamment une étape de formation de rosettes neurales, structures proliférantes mimant la formation du tube neural, et une sélection enzymatique - et non plus simplement manuelle - des cellules souches neurales. Pour l'essentiel, toutefois, le résultat, c'est-à-dire l'obtention de cellules souches neurales, est analogue dans les deux protocoles.
Les suites données par les deux équipes sont également identiques : les cellules obtenues ont été injectées dans le SNC de rats nouveau-nés (équipe israélienne) ou de souris (équipe américaine). Les résultats, enfin, concordent, puisque les cellules greffées ont migré vers différentes régions cérébrales, cortex, thalamus, striatum, hippocampe, hypothalamus, mésencéphale. Le point important est que ces migrations ne paraissent pas aléatoires, ce qui semble indiquer que les cellules souches greffées ont bien répondu aux signaux du SNC des animaux receveurs.
Une migration non aléatoire, répondant à un signal
L'hypothèse est d'ailleurs renforcée par la corrélation entre la différenciation supplémentaire subie par les cellules greffées et leur localisation cérébrale. Ainsi, une différenciation en neurones a été constatée dans le bulbe olfactif, là où cette différenciation s'opère normalement après la naissance, tandis qu'une différenciation en astrocyte a été constatée dans la matière blanche sous-corticale, là où la différenciation des neurones est en principe achevée, et où la gliogenèse prédomine au stade postnatal.
Il est précisé que les cellules qui se sont implantées dans le SNC sont morphologiquement normales. Leur intégration fonctionnelle demande cependant à être vérifiée. D'un point de vue fondamental, il reste également à comprendre la restriction de la différenciation neuronale aux neurones glutamatergiques et GABAergiques, et l'absence de neurones dopaminergiques ou cholinergiques. Les oligodendrocytes paraissent également difficiles à obtenir : ils n'ont été observés in vivo que par l'équipe israélienne. Enfin, dans une perspective d'utilisation médicale, il faut s'assurer que la greffe est bien dénuée de risque. Parmi les cellules souches neurales injectées figure en effet toujours une petite proportion de cellules non caractérisées, dont la prolifération dans le SNC peu devenir problématique. Lors des expériences animales, aucun tératome n'a été observé. Le risque théorique, néanmoins, existe.
Une question éthique
Sous réserve de réponses satisfaisantes à ces questions, ces travaux constituent, pour leurs auteurs, un premier pas vers l'utilisation des cellules souches embryonnaires, « outils utiles pour la recherche en neurosciences et à la médecine régénérative ». C'est peut-être exact, mais une allusion, au moins, au problème éthique lié à l'utilisation de tels « outils » eut sans doute renforcé la thèse. Quelque opinion personnelle qu'on nourrisse sur la question, la controverse existe, et le déni est toujours la pire des solutions. En s'abstenant de mentionner le problème, les deux équipes donnent la désagréable impression de chercher à prendre le débat de vitesse, alors que la chose qui serait sans doute la plus utile aux malades qu'il faut soigner paraît être justement un débat contradictoire, où ces malades auraient la première place, leurs attentes étant moins ambiguës, peut-être, que celles des laboratoires de neurosciences.
Su-Chun Zhang et coll. B. E. Reubinoff et coll. «Nature Biotechnology », vol. 19, décembre 2001.
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