Elisabeth Guigou n'aura guère le temps de souffler cette semaine.
Concentrés en trois jours, plusieurs événements, à la portée décisive, vont en effet accélérer un agenda médico-social déjà marqué par les difficiles négociations sur les 35 heures à l'hôpital.
Le point d'orgue de cette semaine sera l'annonce, jeudi, par Elisabeth Guigou, des grandes orientations du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2002. On devrait mieux connaître la situation comptable réelle du régime général de la Sécurité sociale qui a suscité un début de polémique. Le Medef doit s'exprimer aujourd'hui sur les grands dossiers de l'actualité sociale et dévoiler les premiers éléments de son « testament » sur l'assurance-maladie.
Tour d'horizon des chantiers de la semaine.
Rapport de la Cour des comptes : la Sécu dans le rouge en 2000 ?
C'est aujourd'hui que la Cour des comptes rendra public son rapport définitif 2001 sur la Sécurité sociale. Plusieurs chapitres du rapport préliminaire des magistrats (notamment sur les résultats de la « Sécu » en 2000, la politique du médicament, la mise en place de la CMU) ont déjà été dévoilés par la presse ces derniers jours (« le Quotidien » du 10 septembre). A cet égard, la Cour des comptes a tenu à rappeler que « seul fait foi le texte du rapport lui-même, lequel peut-être assez différent du texte provisoire », car ce dernier ne tient pas compte des réponses des administrations et organismes concernés par les contrôles.
En tout cas, le rapport 2001 des magistrats s'annonce salé. Outre une critique sévère de la politique du médicament conduite depuis 1998, les fuites sur la situation financière du régime général ont engendré un début de polémique. En effet, selon le rapport de la Cour des comptes, cité par « le Parisien » et « le Figaro », les magistrats auraient constaté pour 2000 un déficit de 900 millions de francs et non pas, comme l'avait annoncé la très sérieuse commission des comptes de la Sécu en juin dernier, un excédent de 5,2 milliards du régime général (solde présenté en comptabilité d'encaissement-décaissement) ou de 4,4 milliards (calcul en droits constatés).
En fait, la Cour des comptes est parvenue à un résultat négatif en mettant à la charge de la Sécu les quelque 10 milliards de francs qui avaient été inscrits initialement comme une « créance du régime général à recouvrer », puisque cette somme correspondait à la dette de l'Etat au titre du financement des 35 heures. Comme le gouvernement a décidé in fine de mettre le régime général à contribution pour financer les allégements de charges, la Sécu se retrouve dans le rouge en 2000. Au-delà de cet imbroglio comptable, le Medef et les organisations syndicales auront beau jeu de dénoncer à nouveau la décision du gouvernement de ponctionner la Sécu pour financer la réduction du temps de travail.
Nouvelles prévisions de la commission des comptes
La commission des comptes de la Sécu se réunit jeudi. Elle révélera les nouvelles prévisions comptables pour 2001 et les premières estimations pour l'année 2002. Ces chiffres sont très attendus, compte tenu du contexte de ralentissement de la croissance économique et de reprise de la hausse du chômage en France depuis quelques mois. En juin dernier déjà, François Monier, secrétaire général de la commission des comptes, avait refroidi les ardeurs gouvernementales en tenant des propos beaucoup plus alarmistes que les prévisions (optimistes) présentés dans le rapport lui-même (7,9 milliards d'excédent pour le régime général). « On ne peut ignorer, mettait-il en garde, que les hypothèses de croissance économique sur lesquelles reposent nos comptes ont été fixées en mars et sont appelées à être révisées à la baisse (...) On ne pourra plus compter sur la bonne surprise de recettes régulièrement supérieures aux prévisions. Cette situation caractéristique des périodes de haute conjoncture est vraisemblablement révolue. Les risques sont désormais dans l'autre sens. » François Monier avait vu juste. Laurent Fabius a revu les hypothèses de croissance à la baisse et le ministère vient de confirmer le fléchissement du rythme de croissance de l'emploi salarié (+ 0,4 % au deuxième trimestre 2001 et + 3,2 % sur un an). Les comptes souffriront inévitablement de ce manque à gagner. L'enjeu est considérable pour le régime général : toute variation d'un point de la masse salariale représente une dizaine de milliards de francs de recettes.
PLFSS 2002 : dernière chance avant la présidentielle
Dans la foulée de la commission des comptes, Elisabeth Guigou dévoilera les grandes orientations du PLFSS 2002. Après un effort sans précédent pour l'hôpital (45 000 créations d'emplois sur trois ans pour accompagner les 35 heures), les professionnels de santé libéraux attendent un investissement massif dans le domaine des soins ambulatoires. Selon plusieurs syndicats médicaux, la première version du PLFSS pourrait ne contenir que des aménagements au système actuel, en attendant le débat parlementaire et la reprise des négociations conventionnelles (octobre). La ministre pourrait toutefois annoncer la pluriannualité des objectifs de dépenses (en articulation avec les priorités de santé publique), ouvrant ainsi la voie à un nouveau système de régulation. Les chantiers identifiés par les deux « Grenelle de la santé » ne manquent pas, de la nouvelle architecture conventionnelle à la permanence des soins, en passant par les questions de sécurité ou encore de démographie médicale. Des mesures immédiates sont attendues pour favoriser l'installation des médecins généralistes et des infirmières dans les départements ruraux où se pose un problème d'accès aux soins.
A quelques mois seulement d'échéances électorales majeures, les premières réactions à la présentation de ce dernier PLFSS (pour le gouvernement Jospin) donneront le ton, en tout cas dans le secteur des soins de ville, de la campagne présidentielle. Au terme de plus de six mois de concertation, les médecins libéraux attendent des actes concrets. En cas de déception, les syndicats concernés ne manqueront pas de monter au créneau. Car dès la fin l'année, le temps des slogans et des promesses (électorales) reviendra.
L'assurance-maladie vue par le Medef
Après avoir confirmé sa décision de ne pas renouveler le mandat de ses administrateurs dans les caisses de Sécurité sociale, pour protester contre ce qu'il appelle la ponction imposée à la Sécu pour financer les 35 heures, le Medef effectue sa véritable rentrée sociale aujourd'hui. Ernest-Antoine Seillière et Denis Kessler, respectivement président et vice-président délégué de l'organisation patronale, feront un tour d'horizon des nombreux sujets d'actualité sociale. Mais l'argumentaire très attendu du Medef, intitulé « Propositions pour une refondation de l'assurance-maladie », ne devrait être rendu public qu'à la fin de septembre, lorsque s'achèvera officiellement le mandat des administrateurs des caisses (le 30).
En juin dernier, au moment de son ultimatum au gouvernement, le Medef avait donné plusieurs indications sur sa vision de la réforme de l'assurance-maladie : enveloppe de dépenses « contraignante », « respect impératif de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie [ONDAM] », « définition claire des compétences respectives des pouvoirs publics et des conseils d'administration vis-à-vis des différents fournisseurs de soins », etc. Il y a quelques jours, « le Quotidien du Pharmacien » révélait un document de travail explosif signé par trois membres du Medef, administrateurs de caisses d'assurance-maladie (mais n'engageant pas le Medef en tant que tel), selon lequel la suppression des pharmacies d'officine ferait économiser de 35 à 46 milliards de francs par an. Cette hypothèse a provoqué un tollé général, et le Medef a démenti catégoriquement vouloir abolir le monopole des pharmaciens.
On attend donc avec intérêt les autres suggestions de l'organisation patronale.
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