« De mémoire de syndicaliste, je n'ai jamais vu une telle mobilisation », affirme le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), à propos de la grève illimitée des gardes de nuit des médecins généralistes déclenchée depuis le 15 novembre afin de protester « contre les conditions d'exercice insupportables des médecins de famille et pour exiger une revalorisation de leurs honoraires » (passage de la consultation à 20 euros (131,15 F au lieu de 115 F) et de la visite à 30 euros (196,79 F au lieu de 135 F)).
Selon le premier syndicat des médecins généralistes, à la fin du week-end dernier, la participation dépassait le taux de 80 % sauf à Paris, où les médecins prennent traditionnellement très peu de gardes.
Dans l'Aisne, la participation atteignait 95 % dans certains cantons, selon le syndicat départemental. Plusieurs responsables départementaux de MG-France ont également appelé à la grève, même si le syndicat national ne les a pas incités à y prendre part.
Au cours du week-end, les réquisitions se sont étendues, notamment dans la région Centre, dans le Nord - Pas-de-Calais ou en Alsace. Cela a aussi été le cas dans un département comme l'Ille-et-Vilaine, jusque-là épargné.
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) qui a rejoint le mouvement de grève lancé par l'UNOF, estime lui aussi que « la sauce est en train de prendre ». Il cite notamment le Var, la région strasbourgeoise ou encore l'Ile-de-France, malgré l'exception parisienne. La mobilisation est telle que, tant qu'à faire grève, les médecins sont prêts à passer tout de suite à la vitesse supérieure et à s'engager dans une grève des gardes de week-end. Le Dr Cabrera s'y refuse, comptant faire le point lundi prochain : « Si l'on fait de la surenchère, il ne faut pas que le gouvernement saisisse ce prétexte pour dire qu'on ne lui a pas laissé le temps d'agir », explique-t-il.
Des risques de débordement ?
De son côté, le Dr Chassang ne cache pas qu'il est actuellement confronté à un risque de débordement dans certaines régions ou départements, comme dans la Manche : « Certains médecins s'apprêtent à refuser d'être réquisitionnés ou parlent de commettre des actes de violence, rapporte-t-il. Je les appelle au calme, tout en continuant le mouvement. »
Bien qu'il soutienne les revendications des deux syndicats appelant à la grève, le Dr Frédéric Bastian, président de SOS-Médecins, estime que « le durcissement du mouvement est inquiétante pour la sécurité des médecins » de sa fédération, « mais également pour celle des patients ». Cependant, le Dr Bastian refuse d'augmenter les effectifs de SOS-Médecins, par solidarité avec les grévistes. Malgré le mot d'ordre de SOS de ne pas participer à la grève des gardes de nuit, l'association de Lille-Roubaix-Tourcoing a décidé de s'y rallier depuis samedi en faisant grève de minuit à 7 heures. Le Dr Sylvie Chemin, présidente de cette structure de 30 médecins, dénonce « la pénibilité du mode de travail, l'insécurité, l'insuffisance de la rémunération en regard de responsabilités médicales et éthiques parfois écrasantes », ce qui explique les problèmes de recrutement (il manque au moins 5 médecins actuellement). Elle craint la disparition de l'association, comme cela a été le cas à Lens et à Béthune.
La mobilisation des médecins de ville est très forte dans le Nord et le SAMU de Lille a été submergé au cours du week-end dernier. « Dans la nuit de samedi à dimanche, notre activité a augmenté de 62 % entre minuit et 8 heures », indique le Dr Patrick Goldstein, chef du service du SAMU, qui se demande si « la cible » du mouvement, qui lui paraît légitime, est « la bonne ».
Du côté des réactions politiques, le Dr Pierre Morange, secrétaire national à la santé du Rassemblement pour la République (RPR), estime que le mouvement de grève des gardes de nuit des médecins « traduit le désespoir des praticiens libéraux », motivé par des « rémunérations dérisoires, pour ne pas dire insultantes au vu de la compétence, du dévouement et des conditions ingrates d'exercice, notamment en termes d'insécurité et de pénibilité du travail ». Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de « revaloriser de façon massive les honoraires des professions de santé et de rétablir la sécurité des biens et des personnes pour tous, afin que les praticiens puissent exercer leur mission ».
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