–«PUIS-JE parler au DrDessery? »
–«Il est sur le toit, car ils ont loué une nacelle.»
Quand il ne reçoit pas ses patients à son cabinet (de groupe) de médecine générale à Provins, le Dr Nicolas Dessery se trouve en effet le plus souvent sur le toit, ou en train de gratter des pierres ou de passer des câbles électriques… «Je fais tout sauf la plomberie»,commente cet amoureux des vieilles pierres à restaurer, qui a racheté, il y a cinq ans, avec son épouse l'hôtel des Vieux-Bains, classé monument historique.
«Il s'agit des derniers bains publics de l'époque médiévale existant en France, un lieu unique, des estives (bains chauffés, ancêtres des hammams) dont toutes les archives ont été conservées.» Une maison que ce provinois de vieille souche (son père et son arrière-grand-père étaient médecins à Provins) n'avait jamais vue, car elle était fermée depuis 35 ans. Son dernier propriétaire, un notaire, avait entrepris de gros travaux sans les terminer. Le Dr Dessery s'en est chargé. Et bien plus, puisque, avec son épouse, qui assure la décoration intérieure, il a ouvert des salles de séminaire et d'exposition ainsi que de confortables chambres d'hôte (« quatre épis »). «Il faut bien contribuer aux frais d'entretien et 3000m2, c'est un peu grand pour nous!» C'est aussi une façon de faire partager à d'autres le bonheur de vivre dans ces vieux murs formés de quatre bâtiments des XIIe, XVe, XVIe (sur cave voûtée du XIIe) et XVIIe siècles. Les travaux sont toujours en cours car la dernière maison contiguë a été achetée il y a huit mois. «J'y passe mon temps libre et pas mal de vacances, mais c'est par goût: dépoussiérer une poutre qui a 800ans, cela a un côté agréable.» Le portail des Vieux-Bains est toujours grand ouvert au visiteur de passage, qui aura peut-être même la chance de tomber sur le Dr Dessery en personne (1).
La tour réhabilitée.
Autre histoire de passion, celle qui a pris le Dr Michel Larrivé, radiologue à Sucy-en-Brie, aujourd'hui décédé, et son épouse, lorsqu'ils ont visité en 1988 le château de la Commanderie de Luzeret, dans l'Indre, alors qu'ils cherchaient une maison à restaurer. «Un coup de coeur pour l'ancienne Commanderie de l'ordre de Malte, inscrite à l'inventaire des Monuments historiques (Ismh), même si c'était un peu grand et un peu cher pour nous», explique Mme Larrivé, qui poursuit seule, depuis 2003, la restauration entreprise avec son mari. «Dès 1989, les travaux commençaient sous le contrôle de l'architecte des Bâtiments de France. Les bâtiments avaient servi de ferme du XVIIIesiècle à 1970, ils étaient donc peu entretenus mais avaient subi peu de modifications. A l'époque, mon mari avait son cabinet dans une clinique qui assurait les urgences et il fallait se faire remplacer tous les week-ends où nous allions à Luzeret.» On peut voir aujourd'hui la tour du porche d'entrée réhabilitée dans son intégrité, alors qu'elle était en partie arasée. La forteresse médiévale, devenue manoir au XVe siècle, reprend peu à peu son lustre. Ouverte à la visite (2), elle accueille chaque été des expositions de peinture (cet été, les gravures et aquarelles du Pr Claude Kenesi) ou de métiers d'art. Pour respecter le thème 2007, Mme Larrivé a prévu la présence de cinq corps de métier du patrimoine : maître verrier, restaurateur de meubles anciens, costumière, horloger, restaurateur de véhicules automobiles et hippomobiles.

A Allevard, la chapelle restaurée par le Dr Maurice Collin (dr)
Rassembler et animer.
Pour préparer les Journées du patrimoine, le Dr Michel Cabal se met, lui, pendant deux semaines en congé du service qu'il dirige à l'Epsm (établissement public de santé mentale) de l'agglomération lilloise. Il faut bien ça pour préparer l'exposition et le circuit guidé qui va mener 150 à 200 personnes à la découverte des richesses de l'Ardrésis entre Calais et Saint-Omer. «Cette année, nous allons affréter quatre cars. Le thème retenu, ce sont les chapelles et les dévotions religieuses», explique ce psychiatre titulaire d'une maîtrise d'histoire de l'art et d'archéologie (sujet : la céramique romaine). Double formation qui lui a valu de rédiger un livre sur l'histoire des bâtiments hospitaliers « Hôpitaux, corps et âme » (3). C'est en 1986 qu'il a créé l'association Acha (Association culturelle et historique d'Ardres), à l'origine pour restaurer la chapelle des Carmes d'Ardres. Au fil des ans, Acha a pris en charge la sauvegarde du patrimoine régional à travers la rédaction de livres, de recueils d'archives, la rédaction de dossiers pour les Monuments historiques. Et, bien sûr, l'animation des Journées du patrimoine. C'est aussi sur le travail associatif que mise le Dr Maurice Collin. Natif d'Allevard, dans l'Isère, il a fait sa carrière de pédiatre à Grenoble. «C'est lorsque j'ai été conseiller municipal d'Allevard que je me suis rendu compte qu'il fallait préserver le passé de cette station thermale, réputée au siècle dernier.» Ainsi est né en 1975, en collaboration avec d'autres amoureux du pays, le musée associatif Jadis Allevard, en profitant de l'opportunité de locaux laissés vacants par le groupe Schneider. Le musée a installé son premier don, les portes de l'ancienne église Saint-Marcel d'Allevard (XIIIe siècle), dans les anciennes forges. Tandis que l'association partait en quête de la mémoire du pays d'Allevard : souvenir des débuts du thermalisme (Alphonse Daudet fit une cure en 1889), des débuts du ski et surtout histoire de huit siècles de métallurgie puisque le fer des montagnes était exploité dès le Moyen Age. Avec l'aide d'une quinzaine de bénévoles, 17 salles ont été ouvertes l'une après l'autre. «Je montais le soir après les consultations pour animer l'équipe du musée»,se souvient le Dr Collin, qui a cessé son activité de pédiatre il y a trois ans. Le travail de ces bénévoles a fini par être reconnu, non seulement par les 5 000 visiteurs annuels, mais aussi par les instances officielles : le musée associatif a obtenu en 2006 le label Musée de France, ce qui assure la pérennité de ses collections évaluées à 500 000 euros. Bien plus, le musée du Pays d'Allevard, c'est son nouveau nom, va déménager en 2008 dans l'ancien casino de l'établissement thermal, avec un conservateur attitré et 3 millions d'euros de travaux à la clé. C'est à l'association – rebaptisée – Des amis du musée du pays d'Allevard (4) qu'est revenue de choisir conservateur et architecte. Ces nouvelles responsabilités n'empêchent pas ses membres de continuer à oeuvrer sur le terrain : ils ont fini de restaurer deux chapelles pendant l'été.
(1) www.demeure-des-vieux-bains.com/.
(2) La château de Luzeret, à 12 km d'Argenton-sur-Creuse, est ouvert les lundi, mardi, mercredi, samedi et dimanche de 13 h 30 à 19 h 30 ou sur RV au 02.54.25.00.23.
(3) Collection « Patrimoine vivant/Rempart », Desclée de Brouwer.
(4) 1, chemin de Ronde, 38000 Grenoble.
Dans toute la France
Si la région Rhône-Alpes a mis le patrimoine santé en vedette, c'est dans toute la France que l'on pourra visiter hôpitaux anciens et apothicaireries ou participer à des animations dans des établissements de soins.
Citons la collection de l'Institut d'anatomie normale et la cave historique des Hospices civils de Strasbourg, une exposition sur les enfants abandonnés au musée de l'Assistance publique (Paris), les « balades contées » à travers l'hôpital Esquirol (Saint-Maurice), les expositions et les visites organisées à l'hôpital Saint-Anne (Paris), le musée Saint-Roch d'Yssingeaux (Haute-Loire), le musée du CHS de Clermont (Oise), etc.
renseignements sur : www.journeesdupatrimoine.culture.gouv.fr.
A noter, le comité Laennec-Turgot sera présent pendant ces deux jours devant le 42, rue de Sèvres, pour informer le public sur son action. Ce comité réclame l'ouverture au public du lieu de mémoire (chapelle, jardin, cour d'honneur) que constitue le site de l'ancien hôpital Laennec, au coeur d'une vaste opération immobilière.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature