Ses amis le décrivent comme « un peu dingue ». Sûr que de la folie, il en faut un brin pour postuler à la mission à laquelle le Dr Arash Ariabod a décidé de prendre part.
À 33 ans, ce médecin urgentiste diplômé de la faculté de Montpellier vient de partir, le 30 novembre, pour la Terre Adélie et la Base Dumont d’Urville, territoire français de l’Antarctique. Pendant quinze mois, il sera le seul médecin de cette base scientifique où 25 personnes vivent en autarcie totale durant la période d’hiver australe. Le « Quotidien » l’a rencontré avant son départ.
Chef du pôle Sud
« Je vais vivre une expérience de vie exceptionnelle », s’enthousiasme-t-il. « J’ai rendu mon appartement, vendu ma voiture, vendu plein d’affaires, jeté plein de choses inutiles… Bref, je me sens libre », lance le médecin, célibataire et sans enfant. Il avait entendu parler de ce poste unique au monde en discutant avec une consœur ayant servi sur le Marion Dufresne, un navire de ravitaillement des terres australes et antarctiques françaises (TAAF). « J’ai toujours aimé voyager, que ce soit à titre personnel ou dans le cadre du travail, j’ai dû visiter une cinquantaine de pays, mais je ne me suis jamais rendu en Océanie, ni évidemment en Antarctique », sourit le jeune homme, plus adepte des vacances « sac à dos » que des clubs de vacances.
Malgré son jeune âge, l’urgentiste présente un CV impressionnant. Médecin à la clinique du Parc de Montpellier et dans un hôpital de Mayotte, ou en Guyane, mais aussi remplaçant chez SOS médecins à Nîmes, ou encore humanitaire pour Médecins sans frontières (MSF) en Haïti : la diversité des missions du Dr Ariabod traduisent un appétit insatiable de découvertes. « Ces expériences m’apportent beaucoup dans la pratique de la médecine », avance-t-il. « À Mayotte par exemple, certains patients font l’apprentissage de la médecine occidentale, qui se trouve sans cesse confrontée à la médecine traditionnelle. Le traitement des maladies chroniques est mal compris. On vient voir le médecin pour qu’il délivre une pilule miracle. Prendre un traitement à vie, c’est juste inenvisageable. »
Formation ad’hoc à la chirurgie
Au milieu des glaces et de nulle part, le Dr Ariabod devra soigner, certes, avec des médicaments, mais pas seulement. « Ça me va très bien », commente-t-il sobrement. Isolé, il sait qu’il devra faire preuve de beaucoup de psychologie pour soutenir les autres membres de l’équipée. Il devra aussi puiser en lui certaines ressources en cas de coup dur. « Je communique très régulièrement via l’Internet à bas débit avec le médecin que je vais remplacer, expliquait-il avant son départ. En Antarctique, nous sommes seuls. Il faut être d’autant plus attentifs à chacun, veiller en permanence à l’entretien et au nettoyage du matériel. »
Au pôle Sud, le quotidien du médecin se partage entre un cabinet de consultation, un bloc et un cabinet dentaire. Échographies et radios y sont possibles. Parce qu’il est urgentiste de formation et non chirurgien ou radiologue, le médecin montpelliérain a dû se former auprès de confrères spécialistes au gré de ses expériences. Appendicectomie, amputation d’un doigt, et même trépanation n’ont désormais (presque) plus de secret pour le Dr Ariabod, qui a déjà pratiqué ces opérations sous le contrôle de confrères chirurgiens. Embauché début août par le ministère de la Défense, le médecin devra former sur place ses compagnons d’aventure aux premiers secours et à l’assistance.
GoPro, couteau de survie et produits d’hygiène pour l’année
Sa seule peur avouée pourrait sembler égoïste. Elle ne l’est pas : « Ma crainte est qu’il m’arrive quelque chose. Pas pour moi, mais pour les personnes qui seront sur la base. Elles perdraient le seul médecin. » Comment se prépare-t-il à manquer un long moment de la vie de ses proches pendant ses 15 mois ? « Cela fait partie du contrat », évacue-t-il.
Ses proches, justement, ne partagent pas toujours l’enthousiasme de leur ami, même s’ils approuvent in fine son choix. « J’ai tout dit pour le dissuader d’y aller mais Arash est comme ça, il fait les choses à fond,témoigne son ami le Dr Alban Ruyer, radiologue au CHU de Montpellier. La première fois qu’il m’en a parlé, son choix était déjà fait ». « C’est une aventure qui lui ressemble, il n’y a que lui pour se lancer dans un défi pareil », commente de son côté le Dr Émilie Galano, médecin en rééducation fonctionnelle au CHU de Nîmes, et camarade de promotion à Montpellier.
Le Dr Ariabod a eu droit à une malle de 120 kilos, déjà expédiée il y a plusieurs semaines. Outre quelques vêtements, elle contient un oreiller, son stéthoscope, un otoscope, un marteau à réflexe, un disque dur contenant des films, des revues et livres médicaux, et surtout « des produits d’hygiène pour l’année parce qu’on n’a pas de supermarchés en Antarctique ».
Dans la valise, il y a aussi une caméra GoPro et un couteau de survie offerts par ses copains médecins. À l’occasion de sa soirée de départ, le Dr Ariabod était impatient de partir sur le continent le plus dépeuplé du globe. Ce qu’il fera à son retour ? « Ce n’est vraiment pas le moment d’y songer », coupe-t-il. J’aurai tout le temps d’y penser là-bas ! »
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