« Le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) est sensible aux difficultés rencontrées par les généralistes, notamment dans les zones à faible densité médicale. Toute solution permettant d'aplanir ces difficultés est donc la bienvenue ». Le ton est ainsi donné par le Pr Jean Langlois, président du CNOM.
De fait, aujourd'hui, un certain nombre de professions de santé ont le droit de recourir à des collaborateurs salariés, mais pas les médecins.
La chose est courante chez les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens, mais l'article 87 du code de déontologie médicale stipule qu' « il est interdit à un médecin d'employer pour son compte, dans l'exercice de sa profession, un autre médecin ou un étudiant en médecine. Toutefois le médecin peut être assisté en cas d'afflux exceptionnel de population dans une région déterminée (...) ». Autrement dit, un praticien exerçant dans une station balnéaire, par exemple, peut se faire assister durant la saison touristique. De la même manière, ce médecin pourra se faire assister en cas d'épidémie ou bien encore au cas où il serait lui-même malade.
Selon le président du CNOM, ce sont bien des considérations d'ordre démographique qui l'amènent à souhaiter ce nettoyage déontologique, mais Jean Langlois le précise lui-même : « Je ne sais pas si ça va marcher, mais on espère que ça permettra de contribuer au repeuplement médical dans les zones géographiques à très faible densité. De plus, c'est une possibilité qui pourrait séduire, au moins pour un temps, de jeunes médecins libéraux qui ne seraient pas en mesure d'investir pour ouvrir un cabinet ; c'est un moyen supplémentaire qui leur serait offert pour démarrer leur activité. »
Des problèmes à régler
Mais cette réforme, évoquée également par le rapport Berland remis le 2 décembre dernier au ministre de la Santé, n'est pas facile à mettre en place, et comme le dit lui-même Jean Langlois, « bien qu'il ne soit pas nécessaire de procéder à des modifications législatives pour autoriser l'assistanat, il y a, quand même, de gros problèmes techniques à régler ». Tout d'abord, quel statut pour ce médecin assistant ?
Pour le président de l'Ordre, il y a deux possibilités : soit un collaborateur libéral, soit un collaborateur salarié. La solution du collaborateur salarié peut être facilement retenue par les gros cabinets médicaux, à lourds plateaux techniques, par exemple, car leur chiffre d'affaires permettrait aisément le financement d'un salaire et des charges sociales qui s'y rattachent. Mais ce n'est pas du tout le cas des cabinets de généralistes installés en zone rurale qui, pour la plupart, n'en ont pas les moyens. D'où la possibilité de recourir à un assistant libéral à qui serait rétrocédé un pourcentage des honoraires qu'il aura perçus.
Mais quelle que soit la formule retenue, l'Ordre devra faire œuvre pédagogique auprès de ces « médecins-patrons » pour les renseigner sur la législation sociale et du travail, sur les 35 heures, les congés payés, etc... Il restera également à régler un problème déontologique, puisque le médecin assistant devra pouvoir conserver en toutes circonstances son indépendance professionnelle. Jean Langlois précise en outre que l'Ordre a tâté le terrain auprès d'un certain nombre de confrères et que, « parmi les jeunes, il y en a pas mal d'intéressés par cette opportunité ; chez les plus âgés, c'est moins sûr, mais chez les spécialistes à plateau technique lourd, l'écho est très favorable ». Un optimisme que ne semble pas complètement partager le sénateur honoraire Charles Descours, tout récemment chargé par Jean-François Mattei d'une mission « sur les différents instruments possibles d'incitation à l'installation des médecins ».
« L'assistanat, je n'y crois pas beaucoup », répond-il au « Quotidien », en ajoutant que cette question ne figurerait pas dans la note qu'il doit remettre au ministre le 15 avril. « Mais je vais réfléchir à cette question, et j'en ferai probablement état dans mon rapport final qui se présentera comme une boîte remplie d'outils ; chacun se servira dedans comme il l'entendra ». Enfin, au Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), la secrétaire générale, Sophie Rachou, se montre « très intéresséetout d'abord, pour les femmes, cela peut être une alternative à l'installation, mais ça pose quelques problèmes ; il ne faudrait pas que l'assistant soit cantonné au traitement des petits bobos, ni limiter l'assistanat à certaines zones géographiques très dépeuplées médicalement. Ensuite, si la formule d'assistanat retenue est libérale, il faudrait que l'assistant bénéficie de garanties sur un nombre d'actes minimal. Enfin, comment se répartir la clientèle quand l'assistant quitte le médecin qui l'emploie ? ». Si le projet semble séduire le SNJMG, Sophie Rachou tempère son enthousiasme : « Il est certain que cela va créer plus de souplesse à l'installation, mais je ne sais pas si ça va régler les problèmes de démographie ». Selon Jean Langlois, la nouvelle rédaction des articles du code de déontologie pourrait être achevée « avant la fin de l'été ».
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