De notre correspondante
à New York
« Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle », explique au « Quotidien » le Pr Adriano Aguzzi qui a mené l'étude à l'Institut de neuropathologie de l'hôpital universitaire de Zurich et publiée dans le « New England Journal of Medicine ». « La bonne nouvelle est que la disponibilité de techniques ultrasensibles pour détecter les prions pathologiques permet d'établir un diagnostic définitif de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) sans recourir à la biopsie cérébrale, seule façon jusqu'à ce jour d'assurer le diagnostic avant le décès du patient. »
« La mauvaise nouvelle est que la présence de prions pathologiques dans les tissus autres que le cerveau et la moelle épinière signifie que nous devons être encore plus prudents que de coutume, si l'on évoque la possibilité de transmission du prion par les instruments chirurgicaux. Alors que l'on connaît depuis longtemps le problème lié à la neurochirurgie, les données présentes suggèrent que la chirurgie périphérique pourrait aussi présenter quelques risques. D'un autre côté, je tiens à signaler que la quantité de prions pathologiques dans le muscle squelettique et dans le tissu lymphoïde est bien plus faible que dans le cerveau (probablement mille fois moindre ou davantage). »
Pas forcément confiné au tissu nerveux
Si les dégâts tissulaires ne surviennent que dans le système nerveux central, le prion pathologique n'est pas forcément confiné au tissu nerveux. Ainsi, dans plusieurs maladies à prion, chez l'animal et dans la variante de la MCJ chez l'homme, les prions envahissent le système lympho-réticulé. Ils ont aussi été détectés dans le muscle des souris infectées expérimentalement.
En revanche, dans la forme sporadique de la MCJ (à distinguer de celle due au nouveau variant et des formes familiales ou iatrogènes), le prion pathologique n'a été détecté jusqu'ici que dans le tissu nerveux (SNC et olfactif).
Glatzel, Aguzzi et coll. ont décidé de chercher à nouveau la distribution du prion pathologique dans la forme sporadique en utilisant une méthode plus sensible de détection. Cette méthode consiste à concentrer le prion pathologique au moyen d'une précipitation par le phosphotungstate, ce qui multiplie par mille la sensibilité de l'analyse par Western Blot.
Leur étude porte sur 36 patients suisses décédés de MCJ sporadique entre 1996 et 2002. Les résultats sont remarquables. Le prion pathologique a pu être détecté dans 8 des 32 biopsies musculaires et dans 10 des 28 biopsies de la rate. Ainsi, 15 des 36 patients présentaient des prions pathologiques dans leurs tissus musculaires et/ou lymphoïdes (dont 3, à la fois dans le muscle et la rate). La présence de prions dans les tissus extraneuraux est associée à une durée significativement plus longue de la maladie et à des variants moléculaires peu fréquents de la MCJ sporadique.
Eviter des examens plus invasifs
Ces résultats suggèrent que les biopsies musculaires et ganglionnaires peuvent servir à diagnostiquer la MCJ sporadique. Tout résultat positif confirmerait le diagnostic sans avoir besoin d'examens plus invasifs. De plus, la sensibilité de la détection du prion pourrait encore s'améliorer prochainement.
Ces résultats soulèvent la possibilité de transmission iatrogène de la MCJ sporadique. Toutefois, la quantité de prions pathologiques extraneuraux est bien plus faible dans la forme sporadique que dans celle due au nouveau variant et il reste à prouver que ces prions extraneuraux sont infectieux. D'un autre coté, une étude cas-témoin récente a constaté que toute intervention chirurgicale représentait un léger facteur de risque pour la forme sporadique (« Lancet », 1999).
Puisque les patients atteints de MCJ sporadique sont souvent soumis à une électromyographie et à une biopsie musculaire, la présence fréquente du prion pathologique dans le muscle impose, selon les auteurs, d'utiliser des aiguilles à usage unique et des protocoles spécifiques de stérilisation des instruments utilisés pour les biopsies musculaires.
New England Journal of Medicine », 6 novembre 2003, p. 1812.
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