LE CHOIX des candidats à la vice-présidence, Joseph Biden pour les démocrates, Sarah Palin pour les républicains, n'est pas vraiment enthousiasmant. M. Obama, en préférant M. Biden, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, à d'autres candidats possibles, s'est donné l'expérience internationale qu'on lui conteste. Cependant, M. Biden parle beaucoup, commet des gaffes, et il risque d'en faire encore sur le chemin court mais semé d'embûches qui conduit au 4 novembre. En offrant la vice-présidence à Sarah Palin, gouverneur de l'Alaska, John McCain a sûrement pensé qu'il se livrait à un coup d'éclat. C'est une jeune (44 ans) et jolie femme, susceptible aux yeux du candidat républicain de faire pièce au féminisme des démocrates et de rappeler à M. Obama qu'après tout Hillary Clinton était à sa disposition. Mme Palin, hostile à l'avortement et favorable à la libre circulation des armes chez les civils, doit en outre consolider le ralliement de la droite chrétienne et des conservateurs à un candidat très particulier dont l'image ne coïncide guère avec les « valeurs » républicaines.
Des choses qui arrivent.
Il n'y avait pas deux jours que Mme Palin était désignée qu'on apprenait que sa fille de 17 ans était enceinte. Qu'à cela ne tienne, elle va se marier avec le père ; comme l'a dit un porte-parole du parti, «ce sont des choses qui arrivent». On ne le lui fait pas dire. Aussi bien, la « culpabilité » de la jeune Bristol n'existe que pour les bigots qui votent républicain.
Sarah Palin étant une illustre inconnue, la presse s'est précipitée en Alaska où elle a découvert que le mari de Sarah a été arrêté pour conduite en état d'ivresse il y a vingt-deux ans et qu'elle a limogé un fonctionnaire qui ne voulait pas lui-même licencier le mari de la soeur de Mme Palin, en instance de divorce. On est loin de l'Irak et de l'Afghanistan, de la dette et de la crise financière. C'est la tare naturelle de la démocratie américaine : on y ouvre tous les placards jusqu'à ce qu'on trouve enfin le squelette.
Pour être objectif, on ajoutera que Sarah Palin ressemble à McCain sur au moins un point : elle lutte férocement contre les dépenses inutiles et contre les complaisances des élus pour les lobbies. Toutefois, il n'est pas rassurant d'imaginer qu'au cas où le président McCain (72 ans) disparaîtrait, cette novice aurait à régler les affaires du monde. De ce point de vue, M. Biden est assurément plus compétent. C'est l'ensemble de la campagne qui est un peu déprimant : s'il restait un espoir que John McCain redevienne le maverick (brebis galeuse) qu'il est profondément, l'homme affranchi des lobbies, des pressions politiques et des convenances idéologiques, il a disparu sous l'empire de la contrainte politique : M. McCain, ne pouvant changer son parti, a changé pour lui convenir.
Bien entendu, une fois au pouvoir, le candidat républicain n'est pas obligé de faire ce qu'il a promis à ses mandants. Nous sommes convaincus qu'il leur réserve des surprises. Mais bien que son héroïsme pendant la guerre du Vietnam en fasse un homme attachant, son discours politique d'aujourd'hui nous incite à croire, comme l'affirme Barack Obama, qu'il va nous faire encore du Bush. En somme, c'est un nationaliste convaincu que l'Amérique peut remporter toutes ses batailles. Les États-Unis ont besoin d'une analyse infiniment plus subtile.
OBAMA EST LE "MEILLEUR" DES DEUX CANDIDATS, CE QUI NE SIGNIFIE PAS QU'IL VA L'EMPORTER
L'autre aspect déconcertant de cette campagne, c'est que le meilleur n'est pas sûr de l'emporter. M. Obama n'est pas au-dessus de toute critique ; son manque d'expérience (il n'a été sénateur que pendant quatre ans) pose problème ; son immense éloquence contient de grosses lacunes programmatiques ; sa capacité à obtenir le concours du Congrès pour de profondes réformes n'est pas certaine. Il demeure qu'il représente, en quelque sorte, l'un des produits les plus sophistiqués que les États-Unis puissent offrir : il est beaucoup plus brillant, dans le discours et dans la pensée, que John McCain ; il a établi un diagnostic exact du mal américain ; il mesure la contradiction monumentale entre les moyens immenses de l'Amérique et leur invraisemblable gaspillage. Il arrive à un moment historique, celui où le raz-de-marée républicain déclenché par Ronald Reagan il y a vingt-sept ans s'est réduit à une vaguelette, celui où le peuple américain, lassé par huit ans d'incompétence et d'impéritie, admet le changement. Il y aurait presque une légitimité de l'alternance : c'est le temps des démocrates.Pourtant, M. Obama ne fait pas vraiment la course en tête. Les sondages n'indiquent pas un mouvement irrésistible ; pis : conscient de l'insuffisance de sa stature face à celle de M. Obama, M. McCain a sollicité des hommes, comme Karl Rove, l'ancien conseiller de M. Bush, pour qui l'élection présidentielle n'est pas une affaire de contenu mais de communication. Dans les deux mois qui viennent, la campagne républicaine fera tout pour détruire l'image de Barack Obama ; elle le présentera non comme un chrétien mais comme un musulman, non comme un rassembleur mais comme le candidat de la communauté noire, non comme un pragmatique mais comme un gauchiste. C'est ainsi que Karl Rove a détruit John Kerry en 2004 : par la diffamation.
Il est donc indispensable que M. Obama attaque sans faire de quartier : s'il s'en tient à l'éthique, il perdra.
Cette semaine, les sondages lui accordent un avantage de cinq à six points sur M. McCain. Pour lui, c'est relativement rassurant, mais sûrement pas suffisant. Les républicains ont décidé de ne pas céder à la panique, d'ignorer les conséquences de la désastreuse gestion de M. Bush, de continuer à refuser aux démocrates le droit de gouverner. Une catastrophe n'est pas impossible : les électeurs choisiront de toute façon un Congrès à majorité démocrate (ces élections renouvellent aussi la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat). Un président républicain et un Congrès voué à rejeter les idées républicaines, voilà qui ne rendrait pas l'Amérique très cohérente. Même s'il arrive par ailleurs qu'un président rencontre des difficultés avec sa propre majorité.
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