Un rapport sur les problèmes de santé et le développement de l'île de Mayotte, rédigé par six médecins hospitaliers de l'île (Drs Xavier Coulaud, Marie-Catherine Receveur, Paul Receveur, Olivier Gasnier, Ramlati Ali, Robert Vignes et Philippe Verschelde), a été remis au début du mois à Christian Paul, ministre des DOM-TOM. Ce texte aborde, outre les particularités du système de soins local, les différentes pathologies prises en charge dans les deux centres hospitaliers et les maternités intercommunales, les difficultés rencontrées et propose des solutions à envisager dans un avenir proche.
Soins gratuits
« Le ministre nous a annoncé l'instauration le 1er janvier 2003 de la Sécurité sociale à Mayotte, ce qui pourrait contribuer à résoudre certaines de nos difficultés. En revanche, aucune action sur les îles voisines n'est pour l'instant envisagée. Or il nous semble indispensable de recréer le système scolaire et sanitaire sur les îles d'Anjouan, Mohéli et la Grande Comore pour réduire le flux d'immigration clandestine dicté par des contraintes de soins dans ces territoires », explique au « Quotidien » le Dr Xavier Coulaud.
L'une des particularités du système de soins à Mayotte tient à la gratuité totale des soins dans le système public, sans contrainte de droits sociaux ni même de justificatif de résidence. « C'est pour cette raison qu'un nombre de plus en plus important de patients en provenance des îles voisines (Anjouan, Mohéli et la Grande Comore) vient se faire soigner à Mayotte sans même passer un temps de séjour préalable dans l'île. De 17 % au début des années quatre-vingt-dix, la proportion de patients non domiciliés dans l'île admis dans les services de médecine est passée à 50 % en 2000 », analyse le Dr Coulaud.
Si le système de soins privés est encore balbutiant (11 médecins généralistes, 6 dentistes et 6 pharmacies privées assurant des consultations et délivrant des médicaments à la charge du patient), le système public est assuré par 19 dispensaires principaux, 15 dispensaires annexes, 3 cabinets dentaires, un service de PMI et, enfin, deux hôpitaux et des maternités intercommunales regroupés au sein d'une seule structure administrative : le centre hospitalier de Mayotte. Le nombre d'admissions dans cette structure est passé de 6 500 en 1990 à 18 000 en 2000. Actuellement, 41 praticiens s'occupent des patients admis dans les 174 lits des 6 services soignants et des 78 lits des maternités rurales. En raison du manque d'effectifs médicaux, toute consultation dans le système public passe par un « tri infirmier » avant le recours à un médecin.
« Un état des lieux des principales pathologies reste difficile à obtenir en raison de l'insuffisance du nombre des soignants et de la mise en place récente de l'informatisation au sein des services hospitaliers », précise le Dr Coulaud. Néanmoins, on sait que les pathologies infectieuses et tropicales restent l'une des principales raisons de recours aux soins. Elles représentent de 25 à 30 % des hospitalisations en médecine. Le nombre de cas de paludisme reste constant depuis quelques années : près de 150 syndromes palustres et une centaine de paludismes confirmés.
HTA et diabète
Un projet d'étude d'incidence de cette affection chez l'enfant et de mesure des résistances in vivo et in vitro est actuellement en cours afin de préciser les taux de résistances aux antimalariques. La séroprévalence de l'hépatite B a été évaluée dans une population de femmes enceintes. Elle serait proche de 5 %. Un travail de registre des hépatites sur les 308 patients de la file active HBs+ et les 23 HCV+ est actuellement en cours. Le nombre des cas de fièvre typhoïde, de tuberculose, de lèpre et de leptospirose reste relativement constant (respectivement 20, 30, 50 et 10). Cinquante patients VIH positifs, dont 35 sous antirétroviraux, sont suivis par les médecins de l'île et ce chiffre reste stable en dépit d'une prévalence élevée des MST.
Deux affections dominent la pathologie médicale chronique non infectieuse : l'hypertension artérielle et le diabète (10 et 9 % des entrées en médecine). Par ailleurs, le nombre des patients pris en charge pour des pathologies cancéreuses a récemment augmenté, passant de 29 en 1994 à 153 en 2000.
Le suivi mère-enfant insuffisant
Enfin, la question de la prise en charge de la santé de la mère et de l'enfant se pose de façon aiguë depuis quelques années en raison d'un indice de fécondité très élevé (5 enfants par femme contre 2,03 à la Réunion et 1,8 en métropole), dans un territoire où plus de 56 % de la population est âgée de moins de 20 ans. En 1999, on a enregistré 6 206 naissances, en grande majorité dans les dispensaire ruraux, et plus de 60 % des mères étaient originaires des îles voisines. « Il existe depuis quelques années un problème de recrutement des spécialistes en gynéco-obstétrique puisqu'il n'existe pas dans l'île de praticiens hospitaliers ou de contractuels temps plein pour assurer le suivi de ces femmes. Les structures fonctionnent avec un assistant spécialiste, des médecins généralistes et l'ensemble des sages-femmes. C'est l'une des raisons pour lesquelles subsiste à Mayotte un taux élevé de mortalité périnatale (37/1 000 en 1996) et de prématurité (12,7 % en 1999) », continue le Dr Coulaud.
Les auteurs du rapport proposent deux axes de travail pour les prochaines années : un accroissement constant des moyens mis à la disposition des structures de santé, afin de leur permettre de faire face aux besoins de la population (développement des systèmes de recueil des données médicales, fidélisation des équipes de soins et augmentation des effectifs), et une régulation de l'attractivité de l'île en réorganisant les systèmes d'éducation et de soins dans les îles voisines soit par le biais d'une coopération régionale interétats, soit par la délégation aux ONG d'actions de coopérations ciblées.
300 euros pour la santé
Le budget annuel de santé par habitant est estimé entre 228 et 304 euros à Mayotte contre 1 525 euros (10 000 F) à la Réunion et 2 135 euros (14 000 F) en métropole.
Un pôle d'attraction pour les îles environnantes
Collectivité départementale depuis le référendum de la fin 2000, l'île de Mayotte est située à 8 000 km de la métropole et à 1 500 de l'île de la Réunion. Sa population est passée de 47 246 en 1978 (sur une surface de 374 km2) à plus de 149 000 à la fin de l'année 2000. Près de 25 % de la population totale est d'origine étrangère. Cette proportion a été multipliée par six entre 1978 et 1997, de 5 000 à près de 30 000 (26 150 personnes originaires des Comores et 1 545 de Madagascar). Considérée comme un Eldorado dans la région, Mayotte constitue un pôle d'attraction pour les îles environnantes dont les structures sanitaires et scolaires sont très délabrées. Si le flux migratoire en provenance de Madagascar est contrôlé par les autorités locales, l'immigration illégale en provenance des Comores s'est considérablement développée au cours des dernières années.
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