LA MEDECINE EN 2003
A la suite de la publication de deux études de grande envergure, le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS) a inspiré, cette année, quelques inquiétudes, tant dans le monde médical, que parmi les femmes concernées.
Des résultats très médiatisés
Ces études, baptisées WHI (Women's Health Initiative, en 2002, plus de 16 000 femmes), aux Etats-Unis, et MWS (Million Women Study, publiée en août 2003, 1 million de femmes), au Royaume-Uni, ont montré, d'une part, une augmentation statistiquement significative du risque de cancer du sein chez les utilisatrices et, pour la WHI, d'autre part, l'absence d'effet positif attendu en prévention cardio-vasculaire, voire un effet négatif.
Ces études très médiatisées ont inquiété les Françaises, à un point tel qu'il semble qu'environ 25 % des femmes ont cessé spontanément leur traitement. Pourtant, rappelle le Dr Alain Tamborini (hôpital Georges-Pompidou, Paris), « l'augmentation des diagnostics de cancers du sein lors de traitements hormonaux de longue durée est connue ; les données de la méta-analyse sur ce sujet, publiée en 1997 dans le " Lancet ", figurent dans les notices du Vidal des THS ».
L'étude WHI a connu une grande audience parce qu'elle est randomisée et en double aveugle contre placebo. Elle a été critiquée parce que le recrutement (femmes plus âgées) et les traitements étaient différents des nôtres (emploi d'estrogènes conjugués, fortes posologies hormonales pour l'âge des patientes). De plus, alors que de nombreux autres travaux suggéraient une diminution des risques sous THS, l'étude WHI a plutôt montré une augmentation de ces risques. Les risques relatifs sous estroprogestatifs étaient de 1,26 pour les cancers du sein et de 1,29 pour les accidents coronariens (pour 10 000 femmes traitées, 8 cancers du sein et 7 accidents coronariens en plus chaque année). Des chiffres qui ont, d'ailleurs, conduit à un arrêt prématuré de l'enquête, sauf pour les femmes traitées par estrogènes seuls. Les derniers résultats de l'étude WHI concernant des femmes hystérectomisées et traitées par estrogènes seuls seront connus au printemps 2005.
Le 9 août 2003 est publiée dans le « Lancet » une autre étude défavorable au THS, la « Million ». Dans cette étude britannique, les femmes sont plus proches des Françaises, tant en ce qui concerne l'âge (entre 50 et 64 ans), qu'en ce qui concerne les traitements. Elle semble plus critiquable que la « WHI », parce qu'elle est observationnelle et non pas en double aveugle. La « Million »observe un risque de cancer du sein doublé sous estroprogestatifs, de 1,45 sous tibolone et de 1,3 sous estrogènes seuls. « Le temps court de traitement avec lequel on trouve une augmentation du risque de cancer du sein sous THS montre bien que ce n'est pas le THS qui a créé une lésion (effet " initiateur "), mais plutôt que le THS a fait proliférer (effet promoteur) une lésion préexistante », précise Alain Tamborini.
Aujourd'hui, nous manquons d'études françaises. « En 2004, cependant, sont attendus les résultats de l'étude de la MGEN. Elle porte sur 100 000 femmes, suivies depuis 1990. Si les données préliminaires ne sont pas encore connues, on peut raisonnablement s'attendre à une confirmations des résultats des études internationales témoignant d'une augmentation du risque mammaire pour les traitements de longue durée. »
En pratique
Quelle attitude doit adopter le praticien, jusqu'alors convaincu des bénéfices du THS ? Le 3 décembre 2003, suivant une nouvelle prise de position de l'EMEA (Agence européenne du médicament, basée à Londres), l'AFSSAPS a formulé de nouvelles recommandations encadrant et restreignant l'emploi du THS. Nouveauté la plus importante : désormais, le THS ne doit plus être prescrit en première intention dans la prévention de l'ostéoporose. L'Association française pour l'étude de la ménopause (AFEM) a réagi sur ce point, en regrettant que l'on prive les femmes françaises du moyen le plus simple, le plus efficace et aussi le moins coûteux de prévenir l'ostéoporose postménopausique. Cela d'autant plus que les effets des traitements alternatifs au THS pour prévenir l'ostéoporose ont été peu étudiés dans les années qui suivent la ménopause et que ces traitements ne sont pas remboursés quand ils sont prescrits à titre préventif (ils ne sont pris en charge par l'assurance-maladie que chez les femmes déjà ostéoporotiques). Les nouvelles recommandations parlent de durée la plus courte possible, mais elles n'imposent pas de durée limite, couperet, fixée arbitrairement et qui s'imposerait à toutes les femmes. On peut traiter tant que durent les symptômes gênants chez une femme informée et volontaire. Or les bouffées de chaleur qui concernent 75 % des femmes à la ménopause durent plus de cinq ans, dans la moitié des cas, et chez encore une femme sur quatre, elles persistent au-delà de dix ans. « Concernant les doses à employer, l'AFSSAPS et l'AFEM se retrouvent pour préconiser la dose minimale efficace. On peut penser qu'en France une majorité des femmes actuellement traitées pourra bénéficier d'une réduction des doses de son THS. C'est une bonne chose, précise Alain Tamborini, car on sait que l'on peut très souvent juguler les troubles vasomoteurs avec de faibles posologies estrogéniques et que celles-ci ont même montré une certaine efficacité osseuse »
Faibles doses d'hormones
Les nouvelles recommandations vont donc dans le sens de THS à faibles doses d'hormones et de traitements personnalisés chez des femmes informées et volontaires. Beaucoup de médecins vont regretter l'abandon de l'indication « prévention de l'ostéoporose » en première intention thérapeutique. Un sujet d'inquiétude concerne le devenir des femmes traitées qui ont abandonné, souvent d'elles-mêmes, le THS, qui ne se feront plus suivre du tout, pour bon nombre d'entre elles, et ne bénéficieront plus d'examens réguliers de dépistage, donc d'un diagnostic précoce en cas de pathologie.
« S'il y a peut-être eu un engouement pour le THS, il ne faudrait pas passer de l'engouement à l'anathème ! Il n'y a pas de raison de céder à un mouvement de panique et il y a encore un avenir pour le THS qui améliore la qualité de vie de millions de femmes », conclut le Dr Alain Tamborini.
Les recommandations françaises
- Le THS ne doit pas être prescrit de façon systématique, il n'est pas recommandé chez les femmes sans troubles climatériques.
- Le THS peut être prescrit en cas de symptômes climatériques gênants chez une femme informée et volontaire.
- Le THS doit être prescrit à la dose minimale efficace.
- Le THS ne doit pas être prescrit en première intention en prévention de l'ostéoporose.
- La balance bénéfice/risque du THS doit être réévaluée régulièrement. Cette réévaluation peut s'accompagner d'une suspension temporaire du traitement, pour contrôler la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité.
Source : communiqué de l'AFSSAPS du 3 décembre 2003.
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