COMMENT SE FAIT-IL que le système conventionnel «perdure alors qu'il ne fonctionne pas» ? Le Dr Maudrux pose la question et donne aussitôt la clé de l'énigme. «Certains trouvent un intérêt financier» dans les conventions signées entre les professionnels de santé libéraux et l'assurance-maladie, a affirmé le président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) lors d'une conférence de presse.
Le Dr Maudrux accuse tout d'abord l'Etat de tirer profit des abattements de cotisations sociales dont bénéficient les 267 900 praticiens et auxiliaires médicaux (PAM) conventionnés, dont 95 805 médecins libéraux de secteur I (1). «Le total de la prise en charge des avantages sociaux des PAM représente 2049millions d'euros» par an, souligne le président de la Carmf. Or, explique-t-il, la prise en charge par les caisses d'assurance-maladie d'une partie des cotisations sociales des PAM (les deux tiers pour les médecins de secteur I) augmente d'autant le montant total de leurs revenus imposables. Gérard Maudrux reproche donc à l'Etat de récupérer chaque année, via l'impôt sur le revenu, «568millions d'euros» sur les 2 milliards offerts aux professions de santé conventionnées sous la forme de ristournes de cotisations sociales. Pour cette seule raison, «l'Etat a intérêt que ce système continue», soutient le Dr Maudrux, indépendamment des avantages tarifaires du système conventionnel pour les patients.
« Vol de clientèle ».
Néanmoins, à quelque chose malheur est bon. L'aubaine fiscale dont profite l'Etat apporte une «justification» au président de la Carmf pour lui «demander de financer la fermeture ou le maintien du régime ASV» (allocation de solidarité vieillesse, qui constitue 39 % de la retraite moyenne des médecins libéraux conventionnés). Muni cette fois de sa casquette de président de la Caisse maladie des professions libérales de province (régime des indépendants ou RSI), le Dr Maudrux dénonce un autre «scandale» qui, cette fois, met en cause le régime général des salariés piloté par la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam). En adhérant à la convention de leur profession, les PAM (sauf les médecins de secteur II) s'affilient au régime général au lieu du régime des professions indépendantes. Cela leur a garanti de meilleures prestations maladie jusqu'en 2001 (date à laquelle les prestations des deux régimes ont été finalement alignées). «En fait, il semble que les praticiens rapportent de l'argent à la Cnam au lieu de lui en coûter comme elle tend à le faire croire, déclare le Dr Maudrux. Cet argent est en quelque sorte détourné, non au détriment des praticiens, mais des autres caisses, c'est surtout le RSI qui est le grand perdant.» Le Dr Maudrux met à l'index le régime général, coupable selon lui de «surfacturation». Avec un taux de cotisation de 9,81 % non plafonné (0,11 % seulement pour un médecin conventionné de secteur I, le reste étant payé par les caisses), la couverture maladie revient plus cher dans le régime général que dans le RSI (0,6 % du revenu jusqu'à 32 184 euros et 5,9 % dans la limite de 160 920 euros). «En ce qui concerne cette population particulière, il y a récupération de la CSG d'une population à fort revenu, et qui consomme peu», argue le Dr Maudrux. Il en veut pour preuve qu'un médecin de secteur II (au RSI) dépense pour sa santé «596euros» en moyenne en 2005, tandis que les remboursements d'un affilié du régime général atteignent «1942euros» en 2005. Les médecins, comme l'ensemble des PAM, bénéficient en effet de «la possibilité d'automédication et de soins gracieux entre professionnels». C'est pourquoi le Dr Maudrux n'hésite pas à parler de «vol de clientèle», au grand dam du RSI. Mais ce responsable de l'une des deux caisses maladie des professions libérales, qui se plaît à endosser les habits d'un procureur, est justement un peu juge et partie…
(1) Les effectifs des PAM se composent aussi de 129 246 auxiliaires médicaux (infirmières, kinés…), 36 576 chirurgiens-dentistes, 4 099 pharmaciens biologistes et directeurs de laboratoires, 2 174 sages-femmes.
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