Il aura fallu près de quatre années de dur labeur pour voir naître en 1992 le premier système d’information hospitalier transversal français. Un accouchement difficile, mais finalement réussi, dans un contexte politique et métier complexe. C’était à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Dans cet établissement, l’AP-HP avait décidé de rompre avec l’approche départementale traditionnelle consistant à utiliser un outil informatique par spécialité. Une décision qui consacrait l’entrée dans une nouvelle ère, celle des ERP. Où en est-on aujourd’hui ? Dx Care de Medasys qui avait été retenu comme socle logiciel de la production de soins est-il mature ? Une question qui se pose également pour ses principaux concurrents que sont Cerner, Agfa, Siemens, McKesson et Softway Medical. Pour Alexis Westermann, VP de Medasys, « notre société a très vite compris la nécessité de proposer une offre intégrée comprenant la production de soins et les plateaux techniques. Ces deux aspects sont indissociables dans notre esprit. La radiologie, la biologie et la pharmacie, pour ne citer que ces domaines, font partie de la production de soins ; de ce point de vue, elles doivent bénéficier d’une prescription connectée unique. Dx Care est actuellement le seul environnement offrant cette continuité ». Pour autant est-il totalement mature ? De l’aveu d’Alexis Westermann, aucune offre n’est achevée ; des évolutions, il y en aura toujours. « Chez un de nos clients, nous avons pris en compte la gestion de la biberonnerie dans Dx Care. Il s’agit bien là d’une des fonctionnalités de la production de soins, puisqu’elle concerne la gestion du lait maternel des prématurés. En fonction des souhaits des établissements, notre offre s’enrichit en conséquence. À ce jour, nous pouvons estimer qu’elle couvre, en natif, plus de 80 %, des besoins. »
Vers des environnements transversaux
Dans un environnement mouvant, Medasys maintient un niveau d’innovation soutenu pour faire face aux évolutions actuelles et futures du marché. C’est dans ce contexte que l’éditeur multiplie les développements pour couvrir tout le processus de soins. « Actuellement, les hôpitaux se regroupent et se réorganisent par pôle, avec à la tête de chacune de ces entités opérationnelles, un praticien. Celui-ci doit disposer d’outils de management adaptés à ses missions. Nous avons ainsi lancé Dx Pilote qui est dédié au pilotage. Enfin, nous avons été les premiers à travailler sur Snomed afin d’harmoniser l’interopérabilité sémantique entre les différents systèmes du marché », explique le VHP de Medasys.
Confronté à la problématique du degré de maturité de l’offre de production de soins française, Jean Tixier, responsable du développement des ventes du secteur public chez Softway Medical, est clair : « À quelque exception près, l’ensemble des solutions du marché est désormais apte à prendre en charge la production de soins dans un environnement intégré et sécurisé. Les logiciels sont de plus en plus complets et l’on parle davantage de briques métiers. Les applications verticales disparaissent du paysage au profit d’environnements transversaux. Désormais, la prescription multimodale intégrant un système expert à base de règles métiers est la cible identifiée déjà atteinte pour beaucoup. » Autre preuve de la maturité de l’offre du marché, la généralisation des interfaces Web facilitant une appropriation des outils. Le Web 2.0 fait son œuvre. D’un point de vue général, « les progiciels de production de soins ne constituent plus des facteurs bloquants de l’exercice des soins. Bien au contraire, ils permettent d’accélérer le processus, dans un environnement sécurisé », indique Jean Tixier.
Accélérer le processus de soins
Bien entendu, cette analyse s’adapte tout particulièrement à Hopital Manager, offre phare de l’éditeur en environnement hospitalier. Parti du marché privé où il compte notamment plus de 200 cliniques MCO, son champ d’intervention initial, ce progiciel est actuellement référencé dans les établissements de soins publics. « Nous sommes désormais présents dans cinq centres hospitaliers et sommes capables de gérer de grands CHU. La configuration d’Hopital Manager au sein des cliniques de la Générale de Santé, bien plus large que le périmètre de certains Chu de province, le prouve », estime Jean Tixier. Fort de cette expérience, l’éditeur confirme la maturité de son offre qui a su faire face aux épreuves du terrain. Sa couverture fonctionnelle est riche et gère tous les besoins sans s’interdire des partenariats privilégiés dans certains domaines tels que la chimio ou l’anesthésie/réanimation.
Pour Softway Medical, maturité rime avec capacité à prendre en compte les spécificités de chaque établissement. « La souplesse de notre offre nous permet de tenir compte de l’existant et des réalités du client. Est-ce un manque de maturité que d’adapter notre offre à ces particularités ? Je ne le crois pas », analyse le responsable des ventes du secteur public. Cette prise en compte des singularités de l’hôpital nécessite toutefois la mobilisation d’un personnel-relais qui représente la maîtrise d’ouvrage.
Chez Agfa, maturité rime également avec transversalité, à l’image de sa solution Orbis qui propose une large palette de fonctions intégrées, hormis quelques-unes plus spécialisées, comme la gestion des laboratoires. Pour autant, l’implémentation de ce progiciel, comme celle de ses concurrents, passe par une prise en compte des spécificités locales. À cette fin, l’éditeur a dégagé des ressources importantes (150 personnes en France) pour cette adaptation aux particularités de chaque établissement et pour la prise en compte des évolutions réglementaires. « C’est un fantasme de croire qu’une offre peut être figée ; elle évolue toujours avec le contexte. Et doit intégrer les nouvelles exigences d'un marché. Actuellement, il s’agit de nouvelles communautés hospitalières, ou encore de la mise en place de plates-formes régionales. Tout cela entraîne des évolutions qui n’ont rien à voir avec la maturité de l’offre », estime Gérard Domas, directeur marketing.
Actuellement mobilisé pour le projet d’intégration de l’AP-HP, l’éditeur participe à l’adaptation de son outil aux réalités du groupe hospitalier. Une opération qui bénéficie de « l'adaptabilité de notre offre éprouvée sur le terrain, où nous comptons plus de 900 établissements clients », rappelle Gérard Domas. Pour ce dernier, la maturité n’est pas non plus une étape statique. Elle est permanente et évolutive selon les besoins des cliniciens. Cela dit, le plus important est acquis désormais : « Les environnements proposés sur le marché sont fiables. Ce qui n’était pas gagné, il y a encore quelques années ». Dans ce contexte, comment se différencie Orbis de ses concurrents ? « À travers une approche initiale orientée processus qui nous permet d'offrir une solution très intégrée », conclut le directeur marketing.
La maturité demande du temps
Sous le feu des critiques depuis un moment, Cerner réagit en reconnaissant que son offre de production de soins a connu quelques difficultés en France. « Mais quel progiciel n’a pas été confronté à ces problèmes inhérents aux spécificités du marché français ? La maturité demande du temps. Nous avons réussi à l’étranger sur plusieurs années ; nous réussirons également en France », indique Bruno Slosse, PDG.
Dans l’Hexagone, l’éditeur estime avoir désormais trouvé le tempo. Il en veut pour preuve « la mise en production de ses solutions dans différents établissements, comme le CHRU de Tours, le groupement Emosist (six établissements mutualisés en Franche-Comté), le CHU de Reims et le CHU de St-Étienne. Tous les jours, entre 2 500 et 3 000 utilisateurs uniques se connectent à Millénium pour leur dossier patient. Ceci représente plus de 10 000 connexions par jour à ce progiciel. Avec de tels chiffres, nous pensons que notre solution devient mature, même s’il a fallu du temps », reconnaît Bruno Slosse, le PDG de Cerner France.
Pour aller plus loin, l’éditeur table sur son club d’utilisateurs, qui formule ses demandes d’évolutions. Une trentaine d’entretiens ont permis de dégager des pistes d’évolutions l’an dernier. En projet, par exemple, l’enrichissement de la prescription médicale. « D’ores et déjà adaptée aux besoins français, la bureautique a été testée par Emosist et le CHU de Tours », indique Bruno Slosse, qui estime que la tempête est désormais derrière Cerner.
Encore du pain sur la planche
Tablant sur la maturité de l’offre, Siemens élargit le débat : « Il serait plus pertinent de parler de la maturité du marché. En clair, outre l’offre de progiciels, maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sont-elles matures ? Je ne le crois pas. Beaucoup reste à faire », soutient Tamer Ataya, directeur commercial. Ce dernier note toutefois des avancées significatives dans l’offre de production de soins depuis trois ans.
Plus en détail, Siemens justifie son analyse. Au niveau des solutions, la nécessité de disposer d’outils fiables excluant toute approximation se traduit par de longues itérations entre éditeurs et utilisateurs. En fait, les produits sont encore peu matures, car les maîtrises d’ouvrage sont très exigeantes, à raison. En plus de cela s’ajoute la nécessité d’adapter l’offre aux réalités de chaque établissement, dont les difficultés varient selon la taille : il devient alors difficile de parler de maturité de l’offre. Pour complexifier la donne, le facteur humain s’invite aux décisions qui, du coup, s’inscrivent dans un cycle décisionnel relativement long. Dans ce contexte, l’éditeur a adopté une stratégie d’écosystème. « Pour nous, il s’agit de tenir compte des réalités de terrain en tissant des partenariats avec d’autres acteurs sur les créneaux où ils sont excellents. Cela nous permet de limiter des développements coûteux », explique Sylvain Grivaud, responsable du marketing.
Conception à définition variable du côté des éditeurs, la maturité de l’offre ne laisse aucun éditeur indifférent. En voulant coller aux besoins de leurs utilisateurs, tous y aspirent implicitement. Les évolutions qu’ils réalisent vont contribuer à mûrir une offre désormais installée dans le paysage informatique de la santé.
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