Un an après le début de l'expérimentation du dispositif d'évaluation des pratiques professionnelles en médecine libérale défini par le décret de décembre 1999, « le bilan est positif », ont déclaré, lors du colloque sur l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), les représentants des quatre unions régionales des médecins libéraux (URML) qui y ont participé.
Les professionnels ont adhéré à la démarche, les outils d'évaluation et les référentiels sont performants, et le tandem URML-ANAES (agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) fonctionne à merveille. Le Dr Pierre Monod, président de la Conférence nationale des présidents d'URML, s'est réjoui du travail accompli : « Nous sommes partis de 4 régions et, aujourd'hui, 20 URML sur 26 se lancent dans l'expérimentation du décret. Devons-nous dépasser l'EPP telle qu'elle est décrite dans le décret ? Je crois que oui, il faut aller plus loin, développer les EPP collectives plus rapides et moins coûteuses, valider les autres démarches d'évaluation groupes de pairs, bilan professionnel personnalisé, bilan de compétences, etc., pour toucher un maximum de médecins, tout en respectant la méthodologie mise en place par le décret. »
Pour le ministre de la Santé, qui a conclu ce colloque, le bilan de la première année d'expérimentation, s'il est encourageant, n'en reste pas moins insuffisant : sur 600 médecins volontaires, 241 ont été évalués par 133 confrères en Basse-Normandie, en Ile-de-France, en Lorraine et dans le Nord - Pas-de-Calais. « Ces quelques centaines de médecins sont très loin de suffire pour induire le changement culturel nécessaire à la médecine de demain, a déclaré Jean-François Mattei. Il convient de préparer dès maintenant des actions beaucoup plus conséquentes dans laquelle la majorité des médecins pourra s'engager. »
Un processus nécessaire et incontournable
L'EPP est actuellement limitée par le fait que certaines spécialités n'ont pas encore de référentiels. Pour combler ce manque, huit nouvelles sociétés savantes vont s'engager en 2004 dans l'élaboration de nouveaux référentiels en lien avec l'ANAES. Ils vont concerner la médecine générale, l'anesthésie, la rhumatologie, l'orthopédie, la pédiatrie, l'hépato-gastro-entérologie, la neurologie et la psychiatrie.
Le colloque a été l'occasion de souligner les autres limites du dispositif actuel. A commencer par son coût : 1 125 euros pour une EPP individuelle, 555 euros pour une EPP collective, intégralement financés par les URML. Un appel aux pouvoirs publics pour trouver un financement pérenne a été lancé. Réponse du ministre : « Le FAQSV (fonds d'aide à la qualité des soins de ville) peut être encore davantage mobilisé au bénéfice de programmes d'évaluation des pratiques. Davantage peut être fait dans ce sens en 2004, afin que les méthodes d'évaluation des pratiques se diversifient et incluent un nombre croissant de praticiens. »
Le colloque a mis en avant un autre inconvénient de la démarche : l'EPP ne permet pas de garantir des retombées positives sur la qualité des soins. Comme l'a expliqué un membre de l'URML de Champagne-Ardenne : « On paye, on aura des médecins évalués, et après ? Rien n'est prévu pour mesurer l'impact sur les pratiques professionnelles des médecins. On reste sur notre faim. » Effectivement, le décret ne prévoit pas de vérifier quelques mois après si le médecin a adapté ses pratiques en fonction du bilan dressé par l'EPP.
D'où la recommandation d'instaurer une « piqûre de rappel » au médecin évalué pour pérenniser les acquis de la démarche.
Autre désavantage soulevé lors du débat : l'EPP prend du temps. Le processus représente une charge de 16 heures de travail pour le médecin évalué, étalées sur une durée moyenne de trois semaines et demie. Problème : comment convaincre les non-croyants, qui travaillent déjà 60 heures par semaine, de s'engager dans l'EPP ? Pour le Dr Claude Maffioli, ex-président de la CSMF, il y a urgence à ce que les 120 000 médecins libéraux comprennent que l'évaluation est à la fois nécessaire et incontournable. « Il faut aller plus loin que le décret en acceptant de discuter de la mise en place d'une évaluation obligatoire. La profession ne doit pas en avoir peur, au contraire. Si elle-même ne mène pas cette réflexion, l'évaluation obligatoire sera imposée par d'autres - l'Etat, l'assurance-maladie - avec leurs propres critères. »
Une possibilité que le ministre de la Santé s'est bien gardé d'évoquer. Pour l'heure, il préfère miser sur la responsabilisation de chacun des acteurs, en leur promettant l'instauration prochaine d'une valorisation des démarches d'évaluation.
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