Lors de ses dernières interventions publiques, Jean-François Mattei a soufflé le chaud et le froid en direction des médecins libéraux, compréhensif et grave à la fois.
Confronté à la situation « préoccupante » du régime général de la Sécurité sociale, il a précisé, devant la Commission des comptes, que la dégradation de la situation (par rapport aux prévisions de septembre 2002) était due « pour près des trois quarts » à un manque de recettes. La mauvaise conjoncture, donc. Cependant, il constate que l'évolution des dépenses annoncée par la Commission (6 % en 2003) reste « nettement plus dynamique » que ce qui était prévu ; cette croissance est « d'abord et avant tout liée à la progression soutenue des volumes d'honoraires et davantage encore des prescriptions ». Dénonçant la « dérive consumériste » qui caractérise notre système, il ne peut que regretter le défaut d'organisation de la médecine de ville. « Après la dynamique enclenchée avec l'accord du 5 juin 2002 (1), après les espoirs nés du 10 janvier 2003 (2), la rupture entre les caisses et les syndicats de médecins laisse pour partie le volet ambulatoire sans système organisé d'optimisation des dépenses d'assurance-maladie et incite les médecins à faire toujours plus de volume d'actes et de prescriptions », déplore le ministre. Cette « augmentation invraisemblable » du nombre d'actes, ajoute-t-il, n'est « pas soutenable financièrement, ni justifiable médicalement ». Et d'appeler au rétablissement de la logique et du « bon sens » pour casser un « cercle dangereux ».
Revalorisations limitées
Faut-il voir dans ces propos une mise en cause du comportement récent des praticiens, ou même une pointe de regret d'avoir trop donné sans contrepartie ? Non, car Jean-François Mattei estime que 2002 fut l'année non pas des « dérapages » mais des « rattrapages en ville (revalorisations des généralistes et des pédiatres) et à l'hôpital (coût du financement des 35 heures) ». Mais en 2003, la rupture des relations conventionnelles rend désormais « plus problématique » le secteur des soins ambulatoires car « cela ne permet pas le retour à la confiance ».
Tout en regrettant cet échec, Jean-François Mattei ne renonce pas au retour de l'apaisement. Dans un entretien avec « le Monde », daté de samedi 17 mai, il annonce « avant le 1er juillet des mesures ciblées pour répondre aux difficultés des spécialités cliniques du secteur I, par exemple les psychiatres, les pédiatres, les endocrinologues, tous ceux qui ont très peu d'actes techniques ».
Mais il précise aussi que le « bon accord » du 10 janvier aurait permis « une revalorisation supérieure » à celle que les spécialistes peuvent attendre du RCM « provisoire » qui sera prochainement publié. Ce RCM, confirme le ministre dans le même entretien, « pourrait prévoir la prise en charge partielle de l'assurance professionnelle des médecins ».
A propos des dépassements d'honoraires, il fait preuve de fermeté. « Si les dépassements exceptionnels deviennent un usage, je m'y opposerai ». Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, « attend d'en savoir plus, avec des mesures concrètes » pour apprécier la volonté affichée du gouvernement « de ne pas rompre » avec les médecins. « D'un côté, il est certain que les chiffres sont très préoccupants et, de toute façon, nous n'avons jamais cru que le RCM était "la" solution, analyse-t-il. Mais de l'autre, je note que ce gouvernement ne désigne pas les médecins comme des boucs émissaires ». Pour les médecins, c'est l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide qui risque d'être contée.
(1) Ce texte prévoyait la revalorisation de la consultation à 20 euros et de la visite médicalement justifiée à 30 euros en contrepartie d'engagements de prescriptions en dénomination commune et en génériques.
(2) Protocole d'accord financier qui envisageait notamment une revalorisation progressive des consultations spécialisées (180 millions d'euros, dont 110 en 2003). Est resté lettre morte.
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