Le cabinet du ministre de la Santé a commencé à consulter les syndicats médicaux sur un avant-projet de décret fixant les modalités du partage des données de l'assurance-maladie avec les unions régionales des médecins libéraux (URML). Promis par Jean-François Mattei dès son arrivée avenue de Ségur, ce décret d'application d'une loi de 1993 fait figure d'Arlésienne.
En créant les URML, la loi Teulade du 4 janvier 1993 leur avait confié plusieurs missions, dont l'évaluation des besoins médicaux et l'évaluation des comportements et des pratiques professionnelles en vue de la qualité des soins. Un an plus tard, la loi Veil du 18 janvier 1994 a complété le texte en prévoyant que les médecins libéraux conventionnés transmettent aux unions des informations anonymisées liées à leur activité. C'est le décret d'application de cet ajout apporté à la loi de 1993 que l'on attend toujours aujourd'hui. Le texte doit permettre aux unions d'accéder enfin à des données statistiques sur l'activité médicale (notamment grâce au prochain codage des actes et des pathologies), alors que seules les caisses d'assurance-maladie disposent jusqu'à présent d'informations dans ce domaine à partir des demandes de remboursement de soins.
Les syndicats de médecins libéraux ont toujours ressenti comme une injustice la non-parution de ce décret, d'autant que la Sécu leur a opposé, de 1997 à 2002, un objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM).
En fait, le décret a failli sortir à la fin de 1999, sous le gouvernement Jospin. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, à l'époque, avait fait circuler une première mouture du texte, qui précisait comment les médecins libéraux devaient envoyer à leur union les codes des actes effectués, des prestations fournies et des pathologies diagnostiquées correspondant à leurs feuilles de soins électroniques (FSE). Le projet de décret, finalement enterré, obligeait aussi les unions régionales de caisses d'assurance-maladie (URCAM) à transmettre régulièrement aux URML, au terme de chaque trimestre, les données nécessaires à l'analyse des dépenses.
Au même moment, une dizaine d'URML ont décidé de prendre les choses en main : elles ont fondé le système d'informations Liberalis qui procède à la duplication des données contenues dans les FSE des médecins abonnés.
A partir de 2001, la mission SESAM-Vitale à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a étudié avec les représentants des URML les moyens de transmettre aux unions les statistiques de la Sécu, dans le cadre de la préparation du cahier des charges 1.40 du système de télétransmission des FSE (1). A l'époque, ces travaux préliminaires étaient considérés comme « un petit pas fait dans la bonne direction » par le Dr Régis Giet, responsable de la commission informatique de la Conférence des présidents des URML et président de l'association Lieralis (« le Quotidien » du 11 septembre 2001).
Très attendu, l'avant-projet de décret soumis actuellement aux organisations syndicales ne règle pas tout. Le leader de la CSMF, première centrale syndicale de médecins libéraux, trouve que la première mouture n'est pas satisfaisante en l'état. « Les modalités de transmission des données méritent des précisions politiques et techniques », estime en effet le Dr Michel Chassang. La CSMF souhaite notamment que les URML soient explicitement parties prenantes dans le groupement d'intérêt économique (GIE) chargé d'élaborer le cahier des charges fixant les modalités techniques de télétransmission, par les médecins libéraux, d'informations en direction des unions. La confédération demande également la désignation, au sein de chaque URML, d'un médecin responsable du département de l'information médicale, comme il en existe déjà à l'hôpital.
Au Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Dinorino Cabrera attend aussi « beaucoup plus de précisions et de conditions » dans le projet de décret.
Le Dr Chassang est certain en tout cas que la parution du décret ne devrait plus tarder, car « le gouvernement sait bien que, sans ça, il ne peut pas y avoir d'évaluation des pratiques professionnelles ».
(1) Le nouveau cahier des charges, qui vient de voir le jour (« le Quotidien » du 20 mai et du 2 juin), intègre le codage des actes et des pathologies.
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