« Monsieur le ministre, tous les médecins l'attendent ! » Evoquant devant Jean-François Mattei la réforme de la nomenclature, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, avait lancé à Ramatuelle, le 27 septembre, un appel solennel pour que le calendrier prévisionnel soit respecté : mise en place de la Classification commune des actes médicaux (CCAM) « dès juillet 2004 » pour le volet des actes techniques et « au 1er janvier 2005 » pour les consultations.
La requête confédérale trouve aujourd'hui un début de réponse avec l'installation par le ministre de la Santé, ce matin à huis clos, du fameux comité de pilotage de la CCAM, ou « copil » pour les experts. Cette instance, qui réunit des membres décisionnels au sein de trois collèges (syndicats médicaux représentatifs, assurance-maladie et Etat) doit s'atteler à une mission aride et d'une rare complexité. Il s'agit, en substance, de dégager, avec le renfort d'experts, un consensus sur la description et la hiérarchisation de l'ensemble des actes : validation des libellés, codage, recherche de passerelles entre les spécialités, prise en compte du travail médical intégrant des paramètres comme le stress, l'effort mental, le temps passé ou la technicité mais aussi évaluation du « surcoût de la pratique » comprenant les charges financières, etc.
L'enjeu est immense puisque ce référentiel remplacera à terme la nomenclature générale des actes professionnels appliquée dans le secteur privé (NGAP), totalement obsolète, mais aussi le catalogue des actes médicaux (CDAM) en vigueur dans le secteur public, qui présente également de nombreuses limites. Précisons que ce travail de bénédictin, déjà partiellement préparé par l'assurance-maladie, les sociétés savantes et les services techniques du ministère de la Santé (la CCAM recense quelque 7 200 actes à ce jour), se distingue de la négociation tarifaire proprement dite, qui interviendra « en aval ».
La CSMF : ne léser personne
Idéalement, la CCAM doit permettre de rémunérer plus justement les professions de santé, non pas en fonction d'avantages acquis lors de négociations passées, mais de la difficulté (technique ou intellectuelle) des actes effectués. « La discussion sur les tarifs ne se fera pas au copil, précise le Dr Yves Decalf, expert du dossier à la CSMF. Mais pour nous les choses sont claires : la refonte des nomenclatures ne pourra intervenir à coût constant, elle exige même un investissement fort. »
On ne saurait mieux dire : la CSMF estime qu'il faudrait, pour la seule CCAM technique, un effort financier de « 180 millions d'euros » dès la première année pour revaloriser la plupart des spécialistes mais, surtout, ne léser personne (au pire accepter dans certains cas un « gel » des tarifs).
Cette enveloppe avait d'ailleurs été validée dans le relevé de conclusions signé en janvier 2003 par l'assurance-maladie et les spécialistes, avant que les négociations conventionnelles échouent. Qu'on ne s'y trompe pas : le passage à la nouvelle CCAM affectera inévitablement les revenus des praticiens. Des simulations syndicales sommaires avaient abouti à une revalorisation de plusieurs disciplines (chirurgie, anesthésie-réanimation, gynécologie, ORL, pneumologie...), tandis que les tarifs de quelques autres risquaient de baisser (cardiologie, gastro-entérolgie et surtout radiologie). Une hypothèse intolérable pour les praticiens concernés.
Comité Théodule ?
Pour les spécialités cliniques, et pour les médecins généralistes, l'horizon est un peu plus lointain puisque l'éventuelle refonte des consultations n'interviendra pas avant 2005. Un sous-groupe sera mis en place au sein du comité de pilotage. Les syndicats, en tout cas, n'ont pas la même approche du dossier. Si la CSMF a dans ses cartons un projet avancé de hiérarchisation des consultations selon plusieurs niveaux de complexité (1), MG-France souhaite que la future CCAM clinique décrive avant tout les « fonctions transversales » ou « complexes » qui « ne sont pas prises en compte aujourd'hui » en médecine générale et qui pourraient faire l'objet de « forfaits ». Et de citer la coordination des soins, le management d'équipes (réseau) ou la dimension psycho-sociale de certains actes.
A l'heure de l'installation du comité de pilotage, le Dr Pierre Costes, président du syndicat de généralistes, reste prudent, conscient que plusieurs visions vont s'affronter. « De deux choses l'une : soit les échanges sont fructueux et les travaux pourront être déclinés dans une tarification conventionnelle, soit la concertation échoue et le "copil" aura été un comité Théodule. »
(1) La CSMF avait envisagé trois niveaux qui s'échelonnaient selon la grille suivante : 23 euros pour les consultations de niveau 1 (acte de base), 30 euros pour le niveau 2 (acte de synthèse et d'écoute) et 50 euros pour le troisième (acte complexe).
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