BRUXELLES AVAIT RECOMMANDÉ la mise à jour des plans d'urgence en cas de pandémie grippale, bon élève, Paris s'est exécuté. Jacques Chirac était lui-même monté au créneau sanitaire pour promettre d' « intensifier (les) efforts pour protéger (les) populations devant le risque d'une crise sanitaire de grande ampleur ». C'est le Premier ministre qui a présidé en personne la réunion d'une dizaine de ministres destinée à « améliorer le plan de pandémie grippal » adopté en octobre 2004.
A la sortie, un seul chiffre a été avancé, celui des réserves de masques de protection. Matignon précise qu'elles seront « accrues, pour atteindre 200 millions d'unités au début de l'année 2006 », contre 50 000 actuellement dans les hôpitaux.
Dans le domaine pharmaceutique, « les réserves de médicaments antiviraux seront portées au niveau nécessaire pour traiter, dans l'attente des vaccins, les personnes qui pourraient être atteintes par la maladie ou y être directement exposées ».
Côté vaccins, « les contrats avec les deux sociétés capables » d'en fournir « seront modifiés pour assurer la vaccination de toute la population ». En cas de pandémie, un nouveau vaccin devra être mis au point pour faire face à un virus grippal nouveau, poursuivent les services du Premier ministre, sans fournir de précision.
« Mieux informer les Français sur les risques ».
Dominique de Villepin annonce qu'une stratégie de communication lui sera présentée d'ici au 15 septembre pour « mieux informer les Français sur les risques sanitaires » et « mieux préparer » les professionnels de la santé et de la filière avicole.
Au chapitre de la surveillance, les « dispositifs de contrôle sanitaire vont être être renforcés dans les aéroports », comme c'est déjà le cas en Italie.
Enfin, les recommandations émises par l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) sont en cours d'examen. Le groupe d'expertise collective d'urgence « influenza aviaire » que l'agence a créé pour répondre à la demande du gouvernement préconise de nouvelles études d'épidémiosurveillance, diligentées sur une plus large palette d'espèces d'oiseaux migrateurs, étendues à l'ensemble des productions des filières avicoles, ainsi qu'une surveillance virologique renforcée pour les productions les plus à risque de contamination, canards en tête.
En « l'état de la réflexion actuelle », l'Afssa estime qu'une vaccination des canards prêts à gaver avec un vaccin à virus inactivé issu des techniques de génétique pourrait être envisagée. A la clé, une surveillance de tous les élevages vaccinés (technique de RT-PCR) s'imposerait. Une mesure très lourde, conviennent les experts. Mais on resterait très loin de la décision drastique adoptée par les Pays-Bas d'enfermer toutes leurs volailles (« le Quotidien » du 25 août), une mesure dont « la proportionnalité au risque » a été remise en question par les experts sanitaires européens réunis la semaine dernière à Bruxelles. S'ils jugent « éloigné ou faible » le risque d'extension à l'UE de la grippe aviaire apparue en Russie, ils soulignent que les 25 ne sont pas égaux devant lui ; le Danemark, le nord de l'Allemagne et les Pays-Bas sont des zones de passage de nombreux oiseaux migrateurs, et à ce titre sont davantage exposés. En France, l'Afssa apprécie comme « nul à négligeable » le risque d'introduction directe par les oiseaux migrateurs des foyers actuels qui transitent par la Sibérie. Le risque indirect, en revanche, c'est-à-dire par un flux qui transiterait par les zones africaines et y croiserait des populations d'oiseaux en provenance de Russie et d'Asie, est jugé « possible ». Ce circuit différerait le danger au plus tôt au printemps 2006, quand remettront cap sur l'Hexagone des oiseaux qui hivernent en Afrique. Ce qui devrait laisser le temps de fourbir les armes prophylactiques.
3 millions de traitements offerts à l'OMS
Selon l'OMS, l'épidémie de grippe aviaire, qui a déjà tué une soixantaine de personnes en Asie depuis 2003, pourrait faire des millions de victimes dans le monde, en cas de mutation du virus et de transmission interhumaine. Les flambées actuelles de grippe aviaire dans certaines parties d'Asie, en Russie et au Kazakhstan invitent à la prudence. Plus la circulation du virus H5N1 se prolonge, plus le risque d'infection humaine augmente.
Si une souche pandémique apparaît, « il sera vital de ralentir sa propagation afin de gagner du temps pour fabriquer des vaccins et introduire d'autres mesures d'urgence. L'utilisation intensive d'antiviraux dans une zone où une pandémie est en train de s'installer, associée à d'autres mesures comme la quarantaine et l'isolement, peut contribuer à retarder la propagation ».
Dans ce cadre, la constitution d'un stock international est une arme importante. Après des semaines de négociations, l'OMS a obtenu l'accord des laboratoires pharmaceutiques Roche qui se sont engagés à mettre en réserve 30 millions de gélules d'oséltamivir (Tamiflu), soit 3 millions de traitements, pendant cinq ans. Le premier million de traitements devrait être prêt au début de l'année 2006 et les deux autres millions, avant le milieu de cette même année. Ils seront distribués aux personnes qui en ont le plus besoin sur les lieux où se déclarerait la pandémie. Le coût de l'opération pour le groupe suisse n'a pas été communiqué mais pour l'OMS, sa valeur est « incalculable ». « Nous invitons instamment d'autres pays à nous aider à constituer le stock international », insiste le directeur général de l'OMS. L'organisation internationale serait d'ailleurs déjà en discussion avec un groupe pour la fourniture de traitements antiviraux. Les Laboratoires Roche ont, pour leur part, déjà quadruplé leur capacité de production depuis l'an dernier et prévoient de l'augmenter encore afin d'honorer les commandes provenant d'une trentaine de pays qui cherchent à constituer des stocks.
Dr L. A.
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