Lancée dans les années 1960 avec les sondes Mariner, l'exploration martienne est marquée, pour son presque cinquantenaire, par un happening spectaculaire : Européens, Américains et Japonais multiplient les missions. Personne ne veut laisser échapper l'occasion exceptionnelle que constitue le passage de Mars à 55 millions de kilomètres de la Terre, soit la distance la plus courte de son périple, qui peut atteindre 400 millions de kilomètres.
En cinquante ans, l'énigme de la quatrième planète du système solaire a changé de nature : depuis les sondes Viking en particulier, qui s'étaient posées en 1976, on a découvert que le sol de Mars est aride et on y a cherché en vain des traces de vie. Mais, remarque Augustin Chicarro, responsable scientifique du projet à l'Agence spatiale européenne (ESA), « nous ne savons toujours pas ce qu'a connu cette planète par le passé », ni ce que sont « les mécanismes qui l'ont transformée en mécanisme froid ».
Des signatures de vie
Mars Express, la première sonde européenne, lancée lundi depuis la base de Baïkonour (Kazakhstan) à bord d'une fusée Soyouz, devrait « délivrer enfin la réponse » et fournir « une vue globale de Mars, son histoire, sa géologie, son évolution ».
La sonde européenne, qui doit arriver à destination fin décembre, se placera sur une orbite quasi polaire et larguera un atterrisseur de conception britannique, « Beagle 2 », qui se posera dans une zone équatoriale dont les spécialistes estiment qu'elle a été probablement recouverte d'eau par le passé et qui serait susceptible d'avoir conservé des « signatures » de vie. Une vie qui ressemblerait à la nôtre, détectable avec une chimie à base de carbone et un métabolisme qui dépend étroitement de l'eau.
« Beagle 2 » dispose, pour mener ses investigations, d'un « nez » composé d'un système d'analyse des gaz qui recherchera des carbonates ayant pu participer à des processus biologiques ou des gaz comme le méthane, lesquels ne se dégagent qu'à partir d'organismes vivants.
Parmi les radars de sondage de subsurface et les caméras haute résolution embarqués, des spectromètres français ont été réalisés par le Centre national d'études spatiales (CNES) : Omega, qui analysera principalement la minéralogie de la surface, en combinant spectrométrie et imagerie pour faire la distinction entre les silicates, les minéraux hydratés, les oxydes, les carbonates et les composés organiques congelés et la glace. L'existence de carbonates constituerait une découverte majeure, car leur formation ne peut se réaliser que dans un milieu resté liquide pendant plusieurs centaines de millions d'années ; Spicam, autre spectromètre, mis au point par le CNRS, mesurera les taux d'ozone de l'atmosphère de Mars, les corps oxydants et les radiations UV qui atteignent le sol, pour tenter d'expliquer la menace qu'ont pu représenter les rayons UV et les produits chimiques oxydants sur une éventuelle vie martienne.
Dans la foulée de Mars Express, deux robots de la mission américaine Rover sont prêts à décoller, les 8 et 25 juin, à bord de fusées Delta 2, eux aussi à la recherche des stigmates de la présence d'eau dans le passé de Mars.
Tous ces vaisseaux spatiaux devraient rejoindre dans leur exploration la sonde japonaise Nozomi, lancée en juillet 1998, qui doit arriver en mars 2004, et les deux orbiteurs américains Mars Global Surveyor, chargé d'examiner l'atmosphère et la surface, et Mars Odyssey, qui étudie la minéralogie et la composition de la surface martienne.
L'enjeu de tant d'efforts et d'investigations n'est pas étranger à des problématiques purement terrestres : comme l'explique David Southwood, directeur de la science à l'ESA : « Mars est comme un frère pour la Terre. Cette planète apparaît aujourd'hui sans vie, mais y a-t-il eu de la vie un jour, que s'y est-il passé, et, s'il y a eu une catastrophe là-bas, la même chose peut-elle se reproduire sur Terre ? L'homme pourra-t-il, ou même aura-t-il à vivre un jour sur Mars ? » Des éléments de réponses dès l'année prochaine.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature