Le centre médical Marmottan d'aide aux toxicomanes, à Paris, s'emploie à faire face aux « menaces » qui pèsent sur lui, tient à affirmer son chef de service, le Dr Marc Valleur. Pour le successeur du Pr Claude Olievenstein, il en va de « la survie » de l'établissement.
« Nous avons été accusés de faire de la recherche et de la formation », alors que « nous prolongeons les théorisations à partir de notre clinique », depuis la création de Marmottan en 1971, souligne le praticien dans son rapport annuel 2002. En fait, « cette accusation bizarre a servi à amputer notre budget », explique-t-il. Marmottan n'a pas eu les moyens de remplacer un cadre infirmier parti à la retraite et, pour la première fois de son histoire, a dû « fermer quatre jours l'hospitalisation, afin que les infirmiers ne se retrouvent pas trop en décalage avec la quantité de travail permise par les 35 heures ».« Sous couvert de "rationalisation" , sous l'influence d'une santé publique purement statistique et quantitative, c'est l'horreur économique qui se pare des oripeaux d'une pseudoscience, comme certains tendent à faire passer les "lois du marché" pour des postulats aussi certains que les lois de la physique et aussi éthiques que les règles morales », dénonce le psychiatre.
« Tout se passe aujourd'hui comme si (la) loi du 31 décembre 1970 (avec son) droit à l'anonymat et à la gratuité des soins des toxicomanes volontaires pour s'engager dans une démarche thérapeutique n'existait plus, et que seul le volet répressif en gardait une utilité, par les facilités qu'il offre à l'activité policière », insiste le Dr Marc Valleur.
Ouvert aux joueurs dépendants
Quoi qu'il en soit, Marmottan entend garder le cap. « Nous pensons toujours que le contexte de la délivrance, l'accompagnement psychologique et social, la possibilité d'hospitalisation sont aussi importants que la pharmacologie d'un traitement, dit son responsable. Nous continuons aussi d'augmenter les prescriptions et délivrances de traitements de type psychiatrique, tant le flou des frontières entre maladie mentale et toxicomanie, souvent dans un contexte de précarité, ne fait qu'augmenter. Nous continuons aussi à développer nos "nouvelles consultations" : nous recevons régulièrement de jeunes fumeurs de cannabis, certains cadres d'entreprise ayant pris des excitants majeurs dans une optique d'augmentation des performances, voire des personnes aux prises avec des problèmes de dopage, et des joueurs dépendants aux jeux d'argent, aux jeux vidéo, et particulièrement aux jeux en réseau sur Internet. » « Pour l'instant, nous ne bénéficions que d'une tolérance de nos tutelles pour suivre ces patients, sans doute parce que les deux principaux opérateurs du jeu, le PMU et la Française des jeux, dépendent directement du ministère des Finances », dit le Dr Valleur.
Enfin, Marmottan continue, « sérieusement amputé d'un pan entier de l'expérimentation sociale », avec la fermeture de sa postcure La Gentillade dans le Sud-Ouest, un lieu alternatif à la « psychiatrie officielle, qui n'a pas voulu se plier aux mises aux normes technocratiques rendues nécessaires par le passage du financement de l'Etat à l'assurance-maladie, pensant y laisser trop de son âme ». « Nous continuerons, conclut le Dr Marc Valleur, à développer notre clinique, à réfléchir, à théoriser nos actions, même s'il faut, une fois de plus, combattre pour avoir simplement le droit de continuer à travailler. »
En 2002, Marmottan a réalisé 54 426 actes et pris en charge 1 498 toxicomanes, dont 904 nouveaux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature