LE QUOTIDIEN - Vous sentez-vous seule, dans la cinquantaine de dossiers de santé publique dont vous avez la charge* ?
MARIE-ODILE BERTELLA-GEFFROY -
Je me trouve assez isolée, car j'ai peu de moyens.
Pensez-vous avoir été mise dans cette situation de façon délibérée ?
Non. En tout cas, il n'y a pas eu de volonté en ce sens de la part de ma hiérarchie. Celle-ci a toujours accueilli favorablement mes démarches auprès d'elle pour obtenir plus de moyens.
Avez-vous cherché à sortir de votre isolement ?
Bien sûr. J'ai demandé, par l'intermédiaire de ma hiérarchie, à Elisabeth Guigou, en 1998, à l'époque où l'on annonçait la mise en place d'un pôle financier, de faire la même chose pour la santé publique, sachant que les procédures sont de plus en plus nombreuses, lourdes et complexes. L'année suivante, à l'occasion de l'inauguration du pôle financier, j'ai renouvelé mon initiative, et, le 20 février dernier, j'ai saisi, là encore par la voie hiérarchique, son successeur, Marylise Lebranchu. Du temps de Mme Guigou, on m'a répondu : "Qu'elle se débrouille" .
Que signifierait la constitution d'un « pôle de santé publique » pour vous, juge d'instruction ?
J'aurais à ma disposition des assistants spécialisés, je bénéficierais de greffes supplémentaires, et un seul parquet serait spécialisé dans le domaine de la santé publique. Comme je l'ai écrit à la Chancellerie, les affaires judiciaires ayant trait à la protection de la santé et de la vie humaine sont aussi importantes que celles relevant des finances. Or, pour l'heure, l'amiante, par exemple, dépend du parquet financier, la vache folle, dans son versant économique, du même parquet financier, tandis que le volet "contamination humaine", dont j'ai la charge, est du ressort du service général (hold-up, viols, meurtres, incendies criminels, etc.). Oui, il manque un service spécialisé en santé publique et en responsabilité médicale pour boucler, dans des délais raisonnables, l'instruction de ce type d'affaire.
Vous est-il arrivé de penser demander à être dessaisie de vos dossiers santé publique ?
J'ai connu des moments de découragement. Mais on les surmonte. Il faut terminer ce qui est en cours, même si ça traîne. J'espère boucler, notamment, le dossier de l'hormone de croissance contaminée (7 personnes mises en examen) avant la fin de l'année.
* Marie-Odile Bertella-Geffroy instruit une cinquantaine de dossiers santé, parmi lesquels les vaccins anti-hépatite B (5-6 plaintes), la « contamination d'une quarantaine d'hémophiles grecs par des produits Mérieux et américains », 2 affaires de dopage dans le cyclisme et le culturisme (15 mises en examens), le décès d'un enfant à l'hôpital parisien Trousseau, en 2000, après 48 heures de déshydratation (une dizaine de mises en examen).
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