LA PROJECTION organisée cet après-midi par TF1 devrait faire l'événement. « Marie Humbert, le choix d'une mère », téléfilm adapté des livres de Marie Humbert, « Pour tous les Vincent du monde » (Michel Lafon Editeur) et du Dr Frédéric Chaussoy, « Je ne suis pas un assassin » (Oh ! éditions), sera en effet suivi d'une conférence de presse donnée par les deux auteurs. Face aux journalistes, la mère de Vincent, le jeune tétraplégique en rééducation au centre héliomarin de Berck-sur-Mer ; et le médecin chef du service de réanimation de l'établissement où avait été transféré le jeune homme et où il est décédé le 26 septembre 2003. En conviant l'un et l'autre à rencontrer les médias, la direction de TF1 manifeste clairement ses ambitions, bien au-delà d'une simple fiction à grand spectacle, même si le téléfilm a obtenu, en février dernier, le Grand Prix de la fiction 2007 du Festival international du film de télévision de Luchon.
Fabrice Bonanno, l'un des trois coproducteurs (avec Caroline Hertman et Christophe Dechavanne, pour les productions Clebs, filiale de Coyote), ne fait pas mystère de ses intentions au sujet de ce qu'il qualifie d' «événement télévisuel de la rentrée»:«Prendre à témoin la France entière sur la formidable histoire d'amour de cette mère qui a tout plaqué pour se vouer entièrement à son fils et qui a pris tous les risques personnels pour mettre à exécution sa demande d'en finir.» «Pour cela, explique le producteur, nous nous sommes appliqués à suivre le fil des événements avec le maximum d'objectivité, sans prendre aucun parti. On peut dire que 98% des faits que nous rapportons dans le film sont directement tirés de la réalité, les 2% restants relevant de la fiction, juste pour effectuer les liaisons nécessaires entre les séquences.»
«Lorsqu'elle a visionné le film, Marie Humbert a simplement pleuré, sans faire de commentaire, rapporte Fabrice Bonanno, et nous nous sommes alors dits que nous avions réussi notre examen de passage.»
«Le film est objectif, il relate les principaux événements de cette belle et tragique histoire avec dépouillement et sobriété, sans aucune agressivité ni rancoeur, confirme le Dr Frédéric Chaussoy. Moi-même j'apparais dans les dernières minutes sous les traits du comédien Eric Desmaret et je ne puis que saluer la justesse de son interprétation.»
Tourner la page.
Le centre héliomarin a été reconstitué en studio et les extérieurs ont été tournés en Bretagne, faute d'autorisation délivrée par l'établissement de Berck. Selon son directeur général, Benoît Dolle, «après toutes les péripéties engendrées autour de cette affaire, le temps est venu de tourner la page, alors que les équipes ont recouvré une indispensable sérénité».
Le responsable d'Héliomarin n'a pas visionné le film et ne se montre «pas spécialement» désireux de le regarder lors de sa diffusion sur TF1.
Pour sa part, le Dr Pascal Rigaud, chef du service de rééducation fonctionnelle au sein duquel avait longuement séjourné Vincent Humbert, a eu connaissance du synopsis. «Je l'ai analysé en détail, confie-t-il. C'est une accumulation d'éléments tous plus misérabilistes les uns que les autres, qui trempent dans l'eau de rose et ne visent qu'à une chose: faire verser des larmes à la ménagère de moins de 50ans, tout comme à celle de plus de 50ans. Avec la puissance de feu d'une chaîne comme TF1, le pire est à craindre.»
Le médecin chef a du reste envisagé, pour sa part, d'engager une procédure en justice contre la production. «Evidemment, les producteurs ont paré le risque d'un procès en changeant soigneusement tous les noms, hormis ceux de Vincent, de sa mère et de Frédéric Chaussoy. Même Héliomarin a été rebaptisé.»
De fait, Fabrice Bonanno cite une phrase du Dr Rigaud, qu'un acteur prononce dans le film sous un nom d'emprunt : «Des Vincent Humbert, il y en a plein le centre Héliomarin!»
Autre praticien de l'établissement de Berck, le Dr François Danzé, chef du service de neurologie, exprime les plus grandes préventions contre le film : «C'est une opération indigne, qui vise à faire du pathos à bon marché sur une histoire qui a profondément bouleversé les membres de nos équipes.»
Aucun membre d'Héliomarin, on l'aura compris, n'a été invité par TF1 à la conférence de presse de cet après-midi (le Dr Chaussoy, quant à lui, a mis fin à sa collaboration au centre de Berck à la fin de l'année dernière).
Fabrice Bonanno souligne qu'il n'a «nullement l'intention de polémiquer, que ce soit avec les associations ou les médecins». Se déclarant pour sa part «complètement indépendant de tous les groupes de pressions», le producteur puise, affirme-t-il, sa légitimité «ni d'une expertise médicale, ni d'une approche sociologique, mais du fait que, pendant quatre ans, pour le magazine de TF1 “Ciel mon mardi”, il a produit de nombreux débats sociétaux, sur des sujets majeurs, comme le sang contaminé, la pédophilie ou, en l'occurrence, l'euthanasie».
«Tout le monde sait que, en cette matière, ajoute-t-il, il va falloir légiférer. Notre film vise à fournir une pièce à conviction pour en finir avec l'hypocrisie qui règne.»
La production devrait dans les prochains jours adresser une copie de « Marie Humbert » à la présidence de la République, Fabrice Bonanno ayant «bon espoir que Nicolas Sarkozy se saisisse personnellement du sujet, à bras le corps, selon le style qu'on lui connaît».
Le film est prêt à être diffusé depuis février dernier. TF1 en avait reporté la programmation pour ne pas interférer avec le débat politique des présidentielle et législatives.
Finalement, la date de diffusion devrait correspondre au quatrième anniversaire de la mort de Vincent Humbert.
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