Un entretien avec la ministre de la Jeunesse et des Sports
En 2001, la lutte antidopage s'est donné des moyens importants, en France et à l'étranger. Malgré cela, les douze derniers mois ont révélé de gros scandales (ski de fond, cyclisme...). Peut-on encore espérer parvenir à des compétitions propres ?
MARIE-GEORGE BUFFET
Les moyens affectés à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs se sont effectivement considérablement accrus durant ces dernières années. En France, le budget annuel affecté à ce domaine dépasse désormais 22 millions d'euros. Il a quadruplé depuis 1997. Cela étant, j'ai toujours pensé que le combat contre le dopage demanderait beaucoup de temps, de moyens, de détermination et de coopération.
Nous avons beaucoup progressé tant dans le domaine de la prévention que dans celui des contrôles et de la répression, mais il reste encore à faire, particulièrement dans le domaine de la recherche, car les « dopeurs » ont malheureusement souvent une longueur d'avance sur celles et ceux qui refusent ces dérives et les combattent.
Nous avons également avancé au niveau de la création de l'AMA (Agence mondiale antidopage). Cette lutte devient internationale.
Concernant l'apparition de nouvelles protéines stimulantes indétectables, il convient de rappeler que la loi de protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage est désormais intégrée dans le code de la santé publique. Ce code réprime sévèrement la circulation, la prescription et l'usage de produits qui ne sont pas autorisés à la mise sur le marché en France. Je compte donc beaucoup sur le concours des autres administrations concernées (Santé, douanes, police, gendarmerie et Justice) pour identifier et sanctionner les trafiquants et pourvoyeurs qui mettent ainsi en danger la vie d'autrui et, plus particulièrement, de sportives et de sportifs.
Désormais pourvue de l'essentiel de ses textes d'application, la loi du 23 mars 1999 est effectivement pleinement opérationnelle. Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) - autorité administrative indépendante, garante de l'impartialité et de la rigueur de l'application de la loi - fonctionne parfaitement.
Le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) dispose de la nouvelle accréditation du Comité international olympique (CIO) et a été transformé en établissement public avec un statut qui garantit sa pérennité et la stabilité de la situation de ses personnels. La récente nomination de Colette Besson, championne olympique, à la présidence du LNDD lui impulsera un nouveau dynamisme.
Le Numéro Vert Ecoute-Dopage remplit pleinement sa fonction d'écoute, d'évaluation et de conseil auprès des milliers d'interlocuteurs qui le consultent chaque année. Pratiquement, toutes les régions françaises sont maintenant pourvues d'une antenne médicale de lutte contre le dopage, cogérée par les services des ministères de la Santé et de la Jeunesse et des Sports.
Ces antennes apportent aide, assistance et suivi aux personnes concernées ou inquiètes quant à l'usage de produits ou procédés dangereux.
Il me paraît aujourd'hui essentiel de conforter et de promouvoir ce dispositif, en améliorant sa vocation de service public et en accroissant les moyens qui lui sont affectés.
L'obstacle du secret médical
Les médecins sont-ils, selon vous, suffisamment impliqués dans la lutte contre le dopage ? Dans l'ensemble, les médecins me paraissent bien impliqués dans la lutte contre le dopage. Cette implication dépasse d'ailleurs le cadre de la médecine sportive, puisque j'ai noté, avec satisfaction, que plusieurs médecins-conseils de caisses primaires d'assurance-maladie s'étaient récemment inquiétés de certains phénomènes de prescription importante de produits interdits.
Il me semble qu'un effort complémentaire pourrait être réalisé en matière de communication entre les médecins qui suivent, à divers titres, les sportifs.
Je n'ignore pas que cet objectif pose des difficultés relatives au secret médical. En liaison avec les institutions médicales concernées, nous espérons toutefois parvenir à une disposition consensuelle sur ce sujet important.
Cette question est effectivement essentielle, compte tenu des orientations scientifiques et techniques très importantes qui concerne la médecine sportive, comme d'ailleurs beaucoup d'autres secteurs médicaux. Il s'agit là de l'un des thèmes de travail confiés à la commission « Activités physiques et sportives, Santé publique, Prévention des conduites dopantes » que Bernard Kouchner et moi-même avons créée en octobre dernier. Cette commission, présidée par le Dr Patrick Aeberhard, devra rendre ses conclusions dans le courant de février.
Une expérience lors du Tour de France
Vous avez souhaité une réflexion sur la pertinence de l'utilisation systématique de certains médicaments et sur les limites de la justification thérapeutique qui l'accompagne. Cette réflexion est-elle en cours ? Bien que les deux problèmes évoqués soient étroitement liés, leur solution nécessite des traitements différents.
S'agissant de l'utilisation systématique de certains médicaments (en particulier, les corticoïdes) dans les compétitions sportives, il me paraît indispensable de disposer d'analyses et d'avis scientifiques avérés pour en évaluer la pertinence. J'ai donc proposé à mon collègue ministre délégué à la Santé de financer en commun des recherches sur ce thème. Je souhaite également connaître l'avis expert des institutions médicales (Académie de médecine, Ordre national des médecins...) sur ce sujet.
S'agissant de la justification thérapeutique de l'usage de certains médicaments, la situation me paraît aujourd'hui insupportable pour tous les acteurs concernés, puisque la quasi-totalité des justifications génère des suspicions.
La problématique est complexe, puisqu'elle interfère sur la liberté des soins et des prescriptions, et donc de l'exercice de la médecine. Elle doit donc être traitée dans le cadre des institutions concernées (ministères et CPLD pour la France, Agence mondiale antidopage au niveau international) avec toutes les parties intéressées.
Je souhaite aussi que nous avancions concrètement dans cette perspective et j'accueille donc très favorablement la proposition de la Société du Tour de France de procéder à une expérimentation, dès cette année 2002, sur la base d'un accord entre tous les acteurs concernés, quant à l'instauration d'une entité médicale de référence à laquelle les prescriptions pourraient être soumises.
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