MARIE GEISLER, étudiante parisienne de 31 ans, a choisi mardi son dernier stage d'internat. Elle s'est rendue au siège de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (Drassif), accompagnée de son mari et de sa petite Jeanne, 3 ans. Enceinte de huit mois, la jeune interne de médecine générale affiche un sourire radieux. Elle a pourtant vécu ces dernières semaines un difficile bras de fer administratif. Jusqu'au matin même du choix des stages, Marie a dû faire face au refus obstiné de la Drassif de lui accorder le droit de choisir un poste en fonction de son ancienneté et de son classement. «On a refusé de me laisser participer au choix parce que mon congé maternité courrait jusqu'au 6juillet. La loi stipule que, pour qu'un stage soit validant, l'interne doit effectuer quatre mois sur les six que dure le stage. J'ai assuré que je reprendrais avant le 1erjuillet pour valider mon stage, mais personne n'a voulu m'écouter. La Drass m'a répondu que l'on ne pouvait pas être sûr que j'allais reprendre dans les temps. Elle voulait m'interdire de choisir un poste “par équité” et “parce qu'elle a toujours fait comme ça”.» La Drass indique avoir eu le souci de respecter la législation (voir encadré). Marie a tenu bon. Elle a multiplié les lettres auprès des administrations, de la Drassif et de l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). En dernier recours, elle a fait appel à un syndicat, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) et sa structure locale, le syndicat des résidents de Paris (SRP). La veille du choix des postes, Marie s'est vu remettre une lettre de la Drass ne l'autorisant pas à choisir un stage. Pourtant, devant les multiples pressions – les internes menaçaient de boycotter le choix des postes –, l'administration a cédé. La jeune femme, classée 23e, a finalement pu choisir le stage de psychiatrie à Villejuif qu'elle convoitait tant.
L'histoire de Marie n'est pas exceptionnelle. L'Isnar-IMG recense chaque année des dizaines de cas semblables. «Nous rencontrons ce problème depuis très longtemps, explique Guillaume Coindard, du SRP. Les internes enceintes qui ne peuvent réaliser au moins quatre mois de stage se voient proposer des postes en surnombre, non validants pour leur maquette. Ces postes sont presque tous situés en périphérie, parfois très loin du lieu de résidence de l'interne avec des horaires et une activité professionnelle difficiles.» Confrontées à cette situation, de nombreuses internes demandent à leur gynécologue de leur délivrer un faux certificat médical avec des dates qui leur permettent de valider leur stage. C'est le cas de Julie*, également enceinte de huit mois, qui a souhaité conserver le bénéfice de son classement. «Je me suis arrangée avec ma gynéco pour avoir un certificat qui me laisse quatre mois de stage, explique-t-elle. D'autres filles ont préféré choisir un poste en surnombre pour ne pas avoir de problème et choisir un autre stage après. Mais est-il légitime que nous perdions un rang d'ancienneté parce que nous sommes des femmes enceintes?»
L'Isnar-IMG réclame depuis plusieurs années l'amélioration de la sécurité et de l'environnement psychosocial des internes enceintes. Alerté par le cas de Marie, le syndicat a adressé un courrier aux institutions qui encadrent la formation médicale pour leur demander l'adaptation des modalités de choix de stage des internes enceintes. Des décisions s'imposent. Et vite. Car le corps médical se féminise chaque année davantage.
* Son prénom a été modifié.
« Nous appliquons la législation », explique la Drass
Monique Reynot, responsable du service formations et professions santé à la Drass d'Ile-de-France, a accepté de commenter la situation des femmes enceintes qui participent au choix de stage d'internat. «La situation évoquée est exceptionnelle, explique-t-elle. D'une manière générale, les choses se passent correctement et conformément à la loi. Nous appliquons la législation sur le congé maternité à dix semaines. Des dispositions permettent de raccourcir ce congé, mais nous devons prendre des précautions, notamment quand l'interne est dans un service avec des fonctions pénibles, des gardes. C'est notre rôle de rappeler ces règles avec notre employeur (l'AP-HP, ndlr). » La responsable de la Drass souligne que le code du travail oblige l'interne à justifier la reprise par anticipation de son congé maternité à partir de huit semaines en remettant une attestation d'aptitude aux fonctions. «Le congé maternité est protecteur et il n'y a pas de raisons pour que l'on demande que des dispositions particulières soient prises pour des femmes enceintes internes», indique Monique Reynot. La responsable de la Drass précise toutefois que «la législation est compliquée» et qu'elle ne serait pas opposée à une «harmonisation des règles» au niveau national.
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