Antiquités
Cheveux au vent et bonnet en tête, elle a hurlé la Marseillaise avec les volontaires de 1792, guidé le peuple sur les barricades de 1830, avant de trôner bourgeoisement dans les salles des mariages des 3 8000 communes de France. Pourtant, la question se pose toujours : qui est donc Marianne, et, surtout, d'où vient-elle ? L'actuelle exposition du musée de Vizille apporte quelques réponses à cette interrogation.
Dès le début de la Révolution, les cérémonies à la gloire des idées nouvelles s'organisent autour d'un char de la Liberté sur lequel trône une jeune fille vêtue d'une blanche tunique et coiffée d'un bonnet phrygien, incarnant, selon le cas, la Liberté, la République ou la déesse Raison. Sans doute certaines de ces ingénues portaient-elles le prénom de Marianne, très populaire à la fin du XVIIIe siècle, mais il n'apparaît dans aucun texte, aucun refrain, aucune image, à l'exception d'une chanson provençale trop locale et trop peu connue pour être convaincante. L'allégorie, en revanche, circule avec abondance sur les gravures et les peintures, et sur le sceau officiel de la République, à partir du 25 septembre 1792, mais pas encore dans les mairies de la France profonde.
Le bonnet de la liberté
C'est en 1848 qu'un artiste patriote et opportuniste imagine de sculpter le buste de la nouvelle République, coiffée du bonnet de la liberté, et fait circuler dans les municipalités un prospectus proposant son uvre en différents prix et dimensions. La République, malgré son bonnet rouge, y apparaît un peu guindée et très convenable, loin de l'allégorie hurlante et débraillée de Rude et de Delacroix.
L'aventure des Marianne communales commence véritablement après la défaite de 1870. Communale mais pas communarde : la république de Thiers et de Mac Mahon récuse le bonnet rouge, trop subversif, et commande aux sculpteurs une allégorie couronnée d'épis, qui a plutôt des allures de Cérès et dont les versions les plus connues sont celles de Théodore Doriot et d'Angelo Francia.
Le bonnet phrygien réapparaît sur la tête de Marianne en 1879 avec Jules Grévy, une fois la République définitivement acquise et consolidée. C'est sans doute vers cette époque qu'on lui trouve son prénom. Les sculpteurs se remettent à l'ouvrage, nombreux. Le modèle le plus vivant est celui de Paul Lecreux, dit Jacques France, en 1881, concurrencé à partir de 1889 par la Marianne d'Injalbert qui connaît les honneurs de l'Elysée.
Cette consécration officielle n'est pas un impératif, les maires de France ont le droit d'adopter la Marianne de leur choix, voire pas de Marianne du tout, et certaines municipalités conservatrices restent fidèles à la figure sans bonnet. Quant à la série des Marianne à visage de star, inaugurée en 1969 avec Brigitte Bardot, elle n'a connu qu'un succès mitigé. La dernière à avoir prêté son visage à la République est Laetitia Casta, qui sera sans soute vraiment la dernière. La tendance va aujourd'hui à un visage placide et anonyme auxquels toutes les citoyennes peuvent s'identifier.
Marianne de 1792 à nos jours, Musée de la Révolution française, château de Vizille, 38220, jusqu'au 6 octobre. Ouvert chaque jour sauf mardi, de 10 h à 18 h. Entrée : 3,20 euros.
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