Le Dr Julien Eschermann, médecin esthétique, dénonce « une attaque homophobe », « de l’homophobie ordinaire ». « Ces propos, dignes d’une salle de garde, peuvent blesser au plus profond d’eux-mêmes des personnes, des patients homosexuels, des médecins homosexuels ainsi que leurs enfants ». L’objet de son courroux, un billet d’humeur du président du conseil de l’Ordre départemental de l’Hérault.
Dans une lettre datée du mois de mai, le président Patrick Wolff, gynécologue, exprime sa position personnelle sur le mariage pour tous sous forme de « libres propos / billet d’humeur » (selon le titre de la rubrique).
Intitulé « au nom de l’égalité », le billet du Dr Wolff s’interroge sur les conséquences de l’ouverture aux couples de même sexe de l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) et à la gestation pour autrui (GPA). Selon lui, l’égalité revendiquée dans la lutte pour le mariage pour tous aboutira à une « égalité...inégale », les hommes ne pouvant pas « nourrir au sein l’enfant issu d’une PMA », contrairement à un couple de femmes.
Le billet, assorti d’une caricature mettant en scène deux hommes et un bébé, finit par la reprise d’un slogan, que l’auteur a entendu dans la bouche d’enfants de l’école publique de son quartier : « un papa, des roustons ; une maman, des nichons ». Un nota bene précise que ces propos n’engagent que leur auteur, non le Conseil de l’Ordre.
Un courrier à l’Ordre
Contacté par « le Quotidien », le Dr Eschermann déplore l’instrumentalisation d’une lettre de l’institution ordinale au nom d’une vision subjective de la société. Le médecin a adressé un courrier à l’Ordre des médecins de Paris et sollicite le retrait de ce texte du site du CDOM 34.
Le Dr Borée, généraliste dans le sud-ouest, a aussi réagi sur son blog en publiant une « lettre au Dr Wolff ». « Croyez-vous vraiment, abusant de votre position en vous autorisant cet exercice inhabituel pour cette « Lettre », faire l’honneur de notre profession et du poste éminent que vous occupez ? Pensez-vous sincèrement que ce vocabulaire de charretier fasse notre dignité ? Comment imaginez-vous que les médecins homosexuels de votre département, il y en a forcément, aient ressenti cette virile saillie ? Quel est le message que vous souhaitiez envoyer à leurs patients ? », demande-t-il.
« Un tel texte n’a rien à faire dans le bulletin de l’Ordre », explique le Dr Borée au « Quotidien ». « Soit un médecin se positionne dans un débat scientifique. Mais il n’y a pour l’instant que peu de données scientifiques sur ces sujets. Soit il participe à un débat de citoyens comme citoyen, non avec sa casquette de médecin », précise-t-il.
Le CNOM se désolidarise
« Ce n’est pas une réaction homophobe, ils n’ont pas compris. C’est un coup de gueule humoristique », se défend le Dr Wolff. Le gynécologue voit dans l’ouverture du mariage aux couples homosexuels le chemin vers l’AMP et la GPA pour tous, qui, selon lui, sont contraires aux droits de l’enfant. « Les enfants ont besoin d’une mère et d’un père. C’est une évidence », affirme-t-il.
Le président de l’Ordre départemental assure ne s’exprimer qu’en son nom en toute légitimité. « Les médecins en tant que professionnels de santé sont en première ligne. Les gens viennent nous consulter », poursuit-il.
Au siège national de l’Ordre, on tient à se désolidariser des propos tenus par le Dr Wolff et on s’interroge sur la pertinence d’un tel billet d’humeur portant sur un débat de société dans un bulletin ordinal.
Faire-part et poing dressé
Pied de nez. Dans sa lettre ouverte au Dr Wolff, le Dr Borée annonce son mariage avec son compagnon le 7 septembre prochain. « J’aurais aimé une forme plus joyeuse et primesautière. Mais nécessité fait loi. À défaut d’un bouquet de roses, ce faire-part sera donc un poing dressé », écrit-il sur son blog.
Coïncidence, c’est à Montpellier, la ville du Dr Wolff, le 29 mai prochain, que le premier mariage entre deux hommes sera célébré. Par le Dr Hélène Mandroux, maire socialiste et médecin.
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